• Aucun résultat trouvé

Déterminants et maîtrise de la qualité et de la sécurité des viandes

La qualité et la sécurité d’un aliment sont liées à plusieurs caractéristiques. Les différents aspects qui caractérisent une viande et qui peuvent donc influer sur sa qualité sont nutritionnels, organoleptiques, zootechniques et hygiéniques. De manière générale, une viande de qualité est une viande dont l’hygiène est maîtrisée, avec de bonnes caractéristiques nutritionnelles et organoleptiques et provenant d’un animal en bonne santé, élevé dans des conditions conformes à la réglementation. La sécurité (ou sécurité sanitaire) d’une viande, quant à elle, est définie par de bonnes caractéristiques hygiéniques de celle-ci et notamment un risque sanitaire maîtrisé.

a. Caractéristiques nutritionnelles

La viande bovine est riche en fer (héminique très biodisponible), en zinc, en sélénium et en vitamines (notamment B12, B2 et B6). Elle est également riche en protéines (17 à 23g/100g selon les morceaux) (Centre d’Information des Viandes - INRA, 2010) et en lipides, ces derniers étant à un taux très variable en fonction de la pièce bouchère et des caractéristiques individuelles de l’animal duquel elle provient (surtout selon le type d’alimentation et un peu moins selon les races et les âges) (Bourre, 2011).

b. Caractéristiques organoleptiques

Les caractéristiques organoleptiques d’une viande bovine sont sa couleur, sa flaveur, sa jutosité et sa tendreté. De nombreux facteurs liés au mode d’élevage, à l’alimentation de l’animal, aux conditions d’abattage et de transformation peuvent influencer ces caractéristiques.

c. Caractéristiques zootechniques

La viande de bœuf doit être issue d’un animal élevé dans des conditions respectueuses de son bien-être. L’abattage doit également se faire en respectant les conditions de bientraitance (Thépot, 2019). Au-delà des considérations éthiques, la bientraitance des animaux à l’abattoir peut avoir des conséquences sur la qualité nutritionnelle et organoleptique de la viande. La protéolyse et la rétention d’eau des cellules musculaires sont deux exemples de lésions générées par un état de stress aigu avant l’abattage ou de stress chronique lié aux conditions d’élevages (Reiche et al., 2019). Il existe de nombreuses études traitant du lien entre stress et qualité de la viande, notamment l’évolution du pH musculaire. Les plus récentes décrivent également des modifications moléculaires du muscle d’un animal soumis à un stress aigu avant l’abattage (Mato et al., 2019).

Les caractéristiques zootechniques d’une viande de bœuf dépendent de la filière dont l’animal est issu. En filière allaitante, dans une logique d’engraissement, les caractéristiques sont le poids vif de l’animal avant engraissement, son gain moyen quotidien (GMQ) en kg/jour, son poids vif après engraissement ainsi que sa prise alimentaire aussi appelée « ingéré quotidien » (en kg/jour) (Bultot et al., 2002). En filière laitière, les caractéristiques zootechniques sont utilisées pour viser une amélioration de la qualité de la production laitière. Même si la viande de ces bovins est consommée, il est important de préciser que les caractéristiques zootechniques identifiées ne sont donc pas a priori liées à la qualité de leur viande. On peut ainsi citer le nombre de vêlages (nullipare, primipare et multipare), le type d’élevage (extensif ou intensif) et le type de ration (Delaby et al., 2002).

d. Caractéristiques hygiéniques

Les caractéristiques hygiéniques d’une viande concernent l’éventuelle présence ou absence de danger(s) au sein de celle-ci.

Un danger est ce qui constitue une menace pour la sécurité, la sûreté d’une personne, d’un animal ou de l’environnement. C’est une source potentielle de préjudice.

Dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments, il existe plusieurs types de dangers : (i) microbiologiques (bactéries, virus et parasites), (ii) chimiques (pesticides, métaux lourds, toxines, hormones et résidus médicamenteux), (iii) physiques (corps étrangers) et (iv) allergiques.

Dans la viande bovine, en Europe, les deux dangers biologiques les plus importants à prendre en compte sont Salmonella spp. et les Escherichia coli productrices de vérotoxines (VTEC).

Concernant les dangers chimiques, les dioxines et les polychlorobiphényles (PCB) et leurs dérivés ont été classés comme étant des dangers d’importance haute. En revanche, les autres dangers chimiques ne sont que d’importance moyenne ou basse. Cette classification se fonde sur une analyse de risque de l’agence européenne de sécurité alimentaire (EFSA, 2013).

Une viande avec de « bonnes caractéristiques hygiéniques » ne signifie pas l’absence de tout danger au sens strict mais plutôt une viande dont la consommation génère un risque minimal et maîtrisé pour le consommateur.

Un risque correspond à la probabilité d'occurrence du préjudice causé par un danger donné. Il dépend de l’exposition à ce danger.

En prenant l’exemple des steaks hachés de bœuf, les habitudes alimentaires évoluent vers une plus grande consommation de viande crue ou peu cuite (steak haché non cuit à cœur). Cela augmente l’exposition du consommateur à un danger microbiologique, normalement détruit par une cuisson

complète. Ainsi, en 2010, en Angleterre, Kosmider et al. (2010) ont estimé la prévalence des E. coli productrices de shigatoxine (STEC), de type O157, à 8 sur 100 000 repas de steak haché de bœuf.

En France, la prévalence de STEC dans les steaks hachés crus est estimée à 0,3 % (Mazuy-Cruchaudet et al., 2019). Le risque d’exposition est donc faible mais non négligeable et la cuisson à cœur reste un moyen de prévention déterminant.

L’Agence des normes alimentaires ou Food Standards Agency (FSA) recommande d’abaisser la charge initiale en micro-organismes de la viande de manière à ce que l’absence de cuisson à cœur n’expose pas davantage le consommateur (Antic, 2018). Pour cela des mesures doivent être prises au niveau de l’élevage et de l’abattoir.

e. Maîtrise de l’hygiène des viandes

Pour assurer la sécurité sanitaire des aliments, un ensemble de mesures de maîtrise sont mises en œuvre « de la fourche à la fourchette », c’est-à-dire de l’élevage jusqu’au consommateur, en vue de garantir l’innocuité et la salubrité des aliments (Interbev, 2018). La garantie de la sécurité sanitaire des viandes relève de la responsabilité première de l’exploitant qui a une obligation de résultat.

En 2002 un changement de paradigme au niveau de la réglementation européenne s’est mis en place avec l’instauration du Paquet Hygiène. On considérait par le passé que la sécurité sanitaire des aliments pouvait être assurée par des analyses microbiologiques régulières sur le produit fini pour démontrer l’absence de germes pathogènes. Cependant, cette approche présente de nombreuses limites qui la rendent peu pertinente : les analyses microbiologiques ne sont pas systématiques ni exhaustives (tous les dangers possibles ne sont pas recherchés), elles peuvent comporter des biais liés à la méthode d’échantillonnage du lot… De plus, certains pathogènes ont une dose infectante très faible rendant leur détection très compliquée. Par exemple, concernant Campylobacter jejuni, une bactérie pathogène à l’origine de toxi-infection alimentaire, une analyse rétrospective a montré que la dose infectieuse est d’uniquement 500 bactéries et qu’une ingestion de seulement 9 000 bactéries dans un repas rendait malade plus de 50 % des personnes concernées (Teunis et al., 2018). Sa détection actuelle se fonde sur des méthodes de culture bactérienne longues et coûteuses et qui nécessitent généralement un enrichissement préalable afin de rendre cette technique suffisamment sensible (López-Campos et al., 2012). De nouvelles techniques plus rapides se développent via l’utilisation de tests selon la méthode immuno-enzymatique ou enzyme-linked immunosorbent assay (ELISA) (seuil de détection de 104 à 105 unités formant colonie (UFC) par mL), selon la méthode de réaction de polymérisation en chaîne ou Polymerase Chain Reaction (PCR) (seuil de détection de 103 à 104 UFC/mL) ou encore selon une méthode de détecteurs immuns fondés sur des nanoparticules piézoélectriques (seuil de détection de 20 à 30 UFC/mL) (Wang et al., 2018) mais tout cela n’est pas encore systématisé en France.

La nouvelle approche du Paquet Hygiène fonde la sécurité sanitaire des denrées sur la maîtrise du process de fabrication comme meilleur moyen de garantir la qualité sanitaire du produit fini. La maîtrise du process repose sur une analyse exhaustive des dangers, la mise en œuvre systématique de mesures de maîtrise en cours de process et la vérification régulière du bon fonctionnement de la démarche pour détecter rapidement les dérives qui pourraient présenter un risque pour la qualité finale des produits.

En élevage

En élevage, la maîtrise de l’hygiène des viandes passe par l’utilisation de l’ICA ainsi que par des visites du vétérinaire sanitaire de l’élevage. L’ICA informe les différents maillons de la filière en aval de la présence d’un risque sanitaire peu ou non détectable et est incluse au passeport du bovin, au verso de l’ASDA. Elle indique le statut sanitaire du bovin et celui de son élevage de provenance. L’ASDA contient également des informations sur la traçabilité du bovin (utiles dans le cadre du plan de maîtrise sanitaire (PMS) de l’abattoir, présenté au paragraphe suivant) et sur les différents mouvements de l’animal. Ce papier suit le bovin toute sa vie s’il change d’élevage et cela jusqu’à l’abattoir. Ce sont les visites sanitaires régulières ainsi que les plans de prophylaxie qui permettent de compléter ces informations.

Cette connaissance permet de limiter la propagation de maladies animales. Cela permettra par exemple, dans le cas d’un animal provenant d’un élevage non indemne de tuberculose, de procéder à un contrôle renforcé en abattoir.

À l’abattoir

Un abattoir de boucherie est une entreprise du secteur alimentaire et à ce titre il doit mettre en place un Plan de Maîtrise Sanitaire (PMS). Le PMS est un document regroupant et décrivant toutes les procédures et les mesures que cet abattoir met en place afin de garantir la sécurité sanitaire des aliments. Il représente les moyens que l’abattoir met en œuvre afin de répondre à son obligation de résultat.

Pour cela, le PMS, comme représenté dans la figure 4, est constitué d’un socle de bonnes pratiques d’hygiènes (BPH). La particularité des BPH est que ces mesures de prévention sont générales et non spécifiques du process. Elles ne s’appuient pas sur l’analyse des dangers et elles peuvent être identifiées préalablement à cette analyse, d’où le nom de « pré-requis » que l’on donne souvent aux BPH. On retrouve ensuite dans le PMS une description des procédures et mesures de prévention mises en place grâce à l’application de la méthode HACCP. Ces mesures sont quant à elles spécifiques du process de l’entreprise, et sont définies après une description détaillée du diagramme de fabrication et une analyse des dangers à chaque étape de ce diagramme.

HACCP signifie hazard analysis critical control point et est désigné en français par « Analyse des dangers et points critiques pour leur maîtrise ». Il s’agit d’une démarche standardisée et codifiée en sept étapes qui s’enchaînent dans un ordre précis et imposé. Les points critiques de contrôle du process sont appelés CCP (critical control point), pour lesquels doivent être mises en place des mesures de maîtrise spécifiques et impératives. La pertinence de ces mesures, ainsi que leur bonne application, sont déterminantes pour apporter la garantie nécessaire à l’obligation de résultat des abattoirs. La méthode HACCP a été mise en place lors des premières missions spatiales américaines. Elle suit sept principes : (i) procéder à une analyse des dangers et recenser tous les dangers possibles, (ii) déterminer les points critiques pour la maîtrise (CCP), (iii) fixer le ou les seuil(s) critiques(s), (iv) mettre en place un système de surveillance permettant de maîtriser les CCP, (v) déterminer les mesures correctives à prendre lorsque la surveillance révèle qu'un CCP donné n'est pas maîtrisé, (vi) appliquer des procédures de vérification afin de confirmer que le système HACCP fonctionne efficacement et (vii) constituer un dossier dans lequel figureront toutes les procédures et tous les relevés concernant ces principes et leur mise en application.

Le PMS contient enfin une partie concernant la traçabilité des produits, ainsi que le dispositif de l’entreprise pour tracer ses produits. Ce dispositif est nécessaire pour organiser rapidement et de façon ciblée des retraits ou des rappels de produits lorsqu’un risque sanitaire est suspecté.

Figure 4 : Représentation schématique du contenu du PMS

Les SVI présents à l’abattoir sont également acteurs de la qualité du produit fini (cf. 1.D. L’inspection sanitaire des services vétérinaires).

Cette maîtrise au maillon de l’abattoir ne saurait bien sûr être complète sans un maintien de la maîtrise en élevage et sans l’éducation du consommateur dans ses pratiques notamment en cas de santé fragile. Ce sont les différents maillons de ce que l’on appelle « chaîne alimentaire ». La sécurité sanitaire des aliments se construit à chaque maillon grâce à une maîtrise à chaque étape, ainsi que des échanges d’informations entre chaque maillon.