• Aucun résultat trouvé

La mise en place d’un mécanisme de suivi au niveau interaméricain

Chapitre III : La consolidation des efforts par la mise en place d’instruments régionau

Section 1 : Le recours à des instruments spécifiques aux violences à l’égard des femmes

B) La mise en place d’un mécanisme de suivi au niveau interaméricain

Cette convention bénéficie d’un mécanisme de suivi qui lui permet une meilleure efficacité. Ainsi, conformément à l’article 10 de la Convention, les Etats parties s’engagent à intégrer dans les rapports qu’ils soumettent à la Commission interaméricaine des femmes690 des renseignements quant aux mesures prises par eux,

aux difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de la Convention ainsi qu’aux facteurs favorisant la violence à l’égard des femmes.

Ce mécanisme de contrôle est rendu encore plus effectif par la reconnaissance du droit d’introduire une pétition à toute personne ou groupe de personnes ou encore toute entité non gouvernementale légalement reconnue. Ces pétitions sont déposées auprès de la Commission interaméricaine des droits de l’Homme et doivent contenir des plaintes ou dénonciations d’éventuelles violations de l’article 7 de la Convention contenant les obligations des Etats quant à la prévention, la sanction et l’élimination des violences envers les femmes. Elles sont alors examinées de manière conforme aux

690 La Commission interaméricaine des femmes a été mise en place en 1928. Il s’agit d’un organe

intergouvernemental chargé notamment d’assister les Etats, à leur demande, afin qu’ils se conforment à leurs obligations en matière de droits fondamentaux des femmes, de leur formuler des recommandations concrètes, de les aider dans leurs efforts visant à assurer une représentation des femmes à tous les niveaux, de promouvoir la participation des femmes à l’élaboration ainsi qu’à la mise en œuvre de politiques et programmes publics, de conseiller l’Organisation sur les sujets impliquant les droits des femmes et les questions d’égalité de genre, de collaborer avec l’ensemble des acteurs pertinents afin de promouvoir les droits des femmes et l’égalité de genre sur le contine nt, de contribuer au développement d’une jurisprudence interaméricaine et internationale axée sur les droits fondamentaux des femmes et l’égalité de genre, ou encore de promouvoir l’adoption d’instruments qui reconnaissent les femmes comme détentrices de droits au niveau interaméricain ainsi que l’adoption de mesures juridiques visant à éliminer la discrimination à l’égard des femmes.

Voir en ce sens : Organisation des Etats Américains. Inter-American Commission of Women – CIM

Mission and Mandate. Disponible sur : <http://www.oas.org/en/CIM/about.asp> (Consulté le 24 juin

RAVETS Quentin| Thèse de doctorat |Décembre 2015

procédures et normes établies par la Convention américaine des droits de l’Homme691.

De la sorte, on peut constater, dans le cadre interaméricain, l’existence d’un instrument spécifique visant à lutter contre la violence à l’égard des femmes. Il comprend de nombreux engagements contraignants envers les Etats parties et bénéficie d’un mécanisme de contrôle qui se compose d’une procédure de plainte ainsi que d’un système de rapport.

Dix ans après l’adoption de ce texte, en 2004, et ce dans le but d’accroître encore plus son efficacité face à la persistance des violations, le Mécanisme de suivi de mise en œuvre de la Convention interaméricaine pour la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme (MESECVI) a été mis en place sous l’égide de l’Assemblée des Etats parties. Il est composé de deux organes distincts. Tout d’abord, la Conférence des Etats parties, organe politique qui regroupe des représentants de l’ensemble des Etats parties. Ensuite, le Comité d’experts (CEVI), organe technique composé d’experts désignés par leurs gouvernements mais exerçant leurs fonctions à titre personnel. Ce mécanisme se voit attribuer pour mission l’examen de la façon dont les Etats parties réalisent les engagements mis à leur charge, l’accomplissement des objectifs mis en place et la promotion de l’application de la Convention, ainsi que l’établissement d’un système de coopération technique entre les Etats afin qu’ils échangent des expériences, des informations ou encore les meilleures pratiques dans le but de modifier les législations nationales et d’atteindre les objectifs qui ont été définis au sein de la Convention. A ce titre, lors de chaque cycle d’évaluation, le comité d’experts élabore un questionnaire portant sur des dispositions de la Convention dont l’application doit être évaluée. Grâce aux réponses reçues des Etats membres et d’autres informations recueillies auprès de la société civile, le Comité

691 On peut également signaler l’existence d’un Rapporteur sur les droits des femmes mis en place en

1994 par la Commission interaméricaine des droits de l’homme. Celui-ci a pour mission l’évaluation du respect par les Etats membres des obligations qui figurent au sein d’instruments régionaux, tels qu e la Convention de Belém do Pará, la Convention américaine relative aux droits de l’homme ou encore la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme, et adresse notamment à cet effet des recommandations aux Etats membres afin d’améliorer et de garantir le respect des droits fondamentaux des femmes. Il fournit en outre une assistance à la Commission dans le traitement des requêtes individuelles et des cas qui font état de violations en lien avec la thématique de genre. En outre, il conduit des études thématiques ainsi que des études portant sur la situation des droits des femmes au sein des Etats membres. Ainsi, il mène des visites au sein des Etats et des activités de promotion des mécanismes du système interaméricain permettant de protéger les droits des femmes tout en organisant des séminaires, des ateliers ainsi que des réunions de cons ultation d’experts. Dans ses activités, le Rapporteur met l’accent sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes en tant que discrimination, telle que reconnue par la Convention de Belém do Pará.

Voir en ce sens : Organisation des Etats Américains. Inter-american Commission on Human Rights -

Rapporteurship on the Rights of Women – About the Rapporteurship – Functions and Initiatives.

Disponible sur :

prépare un rapport final relatif à chaque Etat qui présente des recommandations pertinentes ainsi qu’un rapport continental qui présente les efforts accomplis et les défis qui restent à relever. Ces rapports sont ensuite publiés suite à leur approbation par la Conférence des Etats parties. Un rapport de suivi est également élaboré afin de suivre la mise en œuvre des recommandations.

Ce mécanisme de suivi se heurte toutefois à diverses difficultés. En effet, à titre d’exemple, les autorités nationales compétentes, chargées de fournir les réponses au questionnaire qui leur est soumis, tardent parfois à envoyer leurs réponses, laissent certains pans du questionnaire vacants, soumettent des réponses insatisfaisantes notamment en ne les étayant pas avec des éléments concrets ou en fournissant des informations inexactes mais également en ne les incluant pas à l’endroit qui leur est dédié mais en annexe, et dépendent dans certains cas du gouvernement central de l’Etat partie dans la réalisation de leur tâche, ce dernier n’étant parfois pas enclin à soumettre des informations ou à les transmettre dans un délai raisonnable. Les Etats parties sont par ailleurs davantage disposés à prendre part à l’étape d’évaluation qu’à la phase de suivi et peu d’entre eux diffusent les rapports finaux et continentaux692.

La Convention interaméricaine a certes été le premier texte en matière de violence à l’égard des femmes au niveau régional, mais le continent européen s’est lui aussi, par la suite, doté de mécanismes et de stratégies complexes afin de lutter contre cette violence.