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L’incitation à la mise en place d’un système efficace de lutte contre les violences par la Déclaration

Chapitre II : Les ressources employées en matière de lutte contre la violence à l’égard des femmes au niveau universel

Section 1 : Le recours à des instruments de portée générale

B) L’incitation à la mise en place d’un système efficace de lutte contre les violences par la Déclaration

La Déclaration poursuit en effet en soulignant la nécessité de garantir aux femmes, comme aux hommes, une protection et un exercice égaux de leurs droits et libertés dans les

431 Organisation des Nations Unies, Assemblée générale . Résolution 48/104 sur la Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes, adoptée le 20 décembre 1993, A/RES/48/104, 23

février 1994, article 2, paragraphe c.

432 Voir en ce sens : O’HARE Ursula. « Realizing Human Rights for Women », Human Rights Quarterly,

domaines politique, économique, social et culturel tout en soulignant l’existence de divers droits fondamentaux tels que le droit à la vie, le droit à l’égalité, le droit à la liberté et à la sûreté de la personne, le droit à une égale protection de la loi, le droit de ne subir aucune discrimination, le droit au meilleur état de santé physique et mentale possible, le droit à des conditions de travail équitables et satisfaisantes, ou encore le droit de ne pas être soumis à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants433. On pourra

toutefois ici regretter l’absence de mention explicite du fait que la violence à l’égard des femmes constitue une menace à cette protection et à cette jouissance égales de leurs droits par rapport aux hommes alors que le préambule de la Déclaration affirme que « la violence

à l’égard des femmes constitue une violation des droits de la personne humaine et des libertés fondamentales et empêche partiellement ou totalement les femmes de jouir desdits

droits et libertés »434.

En conséquence, la Déclaration demande aux Etats de « condamner la violence à l’égard

des femmes et de ne pas invoquer de considérations de coutume, de tradition ou de religion

pour se soustraire à l’obligation de l’éliminer »435, ce qui est très important car la violence

est traditionnellement excusée, voire soutenue par le maintien de la tradition et de la culture436. Il est également requis de ces mêmes Etats de mettre en œuvre le plus rapidement

possible, par tous les moyens appropriés, une politique qui vise à éliminer toute violence et qui passe notamment par la prévention de tels actes ainsi que par leur sanction et leur réparation, par l’adoption de mesures législatives ou encore par l’accessibilité, pour les victimes, aux recours judiciaires. Certains auteurs ont toutefois critiqué ces dispositions puisque les Etats doivent « [a]gir avec la diligence voulue pour prévenir les actes de

violence à l'égard des femmes, enquêter sur ces actes et les punir […], qu’ils soient perpétrés par l’Etat ou par des personnes privées » mais cela uniquement « conformément à la législation nationale ». Or, comme le souligne Donna Sullivan, « la référence à la

législation nationale sape la force normative de cette disposition »437. Ainsi, en permettant

433 Organisation des Nations Unies, Assemblée générale . Résolution 48/104 sur la Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes, adoptée le 20 décembre 1993, A/RES/48/104, 23

février 1994, article 3.

434 Voir en ce sens : CHARLESWORTH Hilary. « The Declaration on the Elimination of All Forms of

Violence Against Women », American Society of International Law Newsletter: ASIL INSIGHT, juin - août 1994, p. 3.

435 Organisation des Nations Unies, Assemblée générale. Résolution 48/104 sur la Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes, adoptée le 20 décembre 1993, A/RES/48/104, 23

février 1994, article 4.

436 COPELON Rhonda. « Intimate Terror : Understanding Domestic Violence as Torture », in COOK

Rebecca J., Human Rights of Women – National and International Perspectives, Philadelphie, The University of Pennsylvania Press, 1994, 643 p., pp. 116-153, p. 132.

437 SULLIVAN Donna. « Women’s Human Rights and the 1993 World Conference on Human Rights »,

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aux Etats d’agir dans le cadre de leur propre système légal qui comporte parfois des imperfections, cette disposition porte atteinte à la possibilité d’un scrutin international sérieux des dispositions nationales. Par ailleurs, de nombreuses responsabilités mises à la charge des Etats « sont formulées en des termes de recommandations plutôt que

d’obligations, et certaines sont d’autant plus affaiblies par des termes comme “[d]ans toute

la mesure possible, compte tenu des ressources dont ils disposent” »438. Enfin, la référence

à la législation nationale, comme à l’article 4 d qui énonce que « les femmes victimes d’actes

de violence devraient avoir accès à l’appareil judiciaire et la législation nationale devrait prévoir des réparations justes et efficaces du dommage subi », plutôt qu’à des standards

internationaux, peut s’avérer problématique439. Ainsi, cette référence à la législation

nationale aux articles 4 c et 4 d entraîne « le danger de permettre à un gouvernement de

définir essentiellement sa propre conformité à la Déclaration des Nations Unies. Deuxièmement, particulièrement dans un domaine qui est encore en plein processus de développement, la déférence pour les standards nationaux menace le développement de

standards internationaux relatifs à l’élimination de la violence domestique »440. En outre,

cela est susceptible de freiner l’émergence de standards internationaux en permettant l’émergence de pratiques nationales divergentes441. On note cependant qu’un contrôle

international reste possible et permettrait de contrebalancer les éventuelles défaillances dans les législations nationales puisque l’article 4 m appelle les Etats à « [i]nclure dans les

rapports présentés en application des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme des éléments d’information concernant la violence à l’égard des femmes et les mesures prises pour donner effet à la présente Déclaration » et encourage, en son article 5

g, les institutions spécialisées et les autres organes du système des Nations Unies de « [f]aire

une place, s’il y a lieu, à la question de l’élimination de la violence à l’égard des femmes dans l’exécution de leurs mandats concernant l’application des instruments relatifs aux droits de l’homme », laissant ainsi à ces organes « l’opportunité d’examiner si les remèdes

législatifs nationaux pour les femmes sont “justes et efficaces” »442. En outre, divers

instruments de droit des droits de l’Homme protègent les femmes de la violence qui s’exerce

438 CHARLESWORTH Hilary. « The Declaration on the Elimination of All Forms of Viol ence Against

Women », American Society of International Law Newsletter: ASIL INSIGHT, juin -août 1994, p. 3.

439 Idem, p. 3.

440 MISIAVEG Elizabeth. « Important Steps and Instructive Models in the Fight to Eliminate Violence

Against Women », Washington and Lee Law Review, volume 52, numéro 3, 1995, article 19, pp. 1109- 1141, p. 1124.

441 Voir en ce sens : Idem, p. 1134.

442 CHARLESWORTH Hilary. « The Declaration on the Elimination of All Forms of Violence Against

à leur encontre et sont susceptibles de combler de telles lacunes. « Ainsi, même si les

références à la législation nationale au sein de la déclaration des Nations Unies fournissent la possibilité d’éviter les obligations énoncées dans ladite déclaration, les Etats parties à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes conservent des obligations comparables en vertu de cette convention contraignante. De manière similaire, la Convention interaméricaine contraindrait les Etats parties à cette convention aux obligations que la Convention établit sans tenir compte du fait de savoir si la déclaration des Nations Unies protège effectivement les droits que la déclaration cherche

à protéger »443. Enfin, certains ont interprété ces références à la législation nationale comme

permettant simplement et uniquement aux Etats de décider des modalités selon lesquelles les actes de violence seront punis et celles selon lesquelles les femmes exerceront leur droit à une réparation juste et efficace, conformément aux articles 4 c et d de la déclaration, sans toutefois remettre en question l’existence et l’essence même de ces obligations444.

Les victimes ont également droit à une information sur leur droit à réparation. Mais cela passe aussi, comme le souligne la Déclaration, par l’élaboration de plans d’action nationaux visant à protéger les femmes, par l’offre d’une aide spécialisée apportée aux victimes ou encore par la formation des fonctionnaires qui sont amenés à intervenir dans ce domaine et par la sensibilisation aux besoins féminins.

Par ailleurs, les Etats sont invités à prendre des mesures en matière d’éducation, de recherche et d’analyse de données. Y est également soulignée la nécessité de modifier les comportements sociaux et culturels et d’éliminer les pratiques, coutumes et préjugés relatifs à la supériorité d’un sexe. Les Etats doivent aussi collecter des données sur l’incidence de la violence sous quelque forme que ce soit. La recherche en ce domaine est également encouragée.

Parallèlement, la Déclaration invite les Etats à soutenir les mouvements de femmes existants ainsi que les organisations non gouvernementales agissant en ce domaine et à coopérer avec eux au niveau local, national ainsi que régional.

L’importance de la coopération internationale est soulignée, qu’elle ait lieu au niveau mondial ou régional. Cette donnée est très importante au vu de l’étendue du phénomène et

443 MISIAVEG Elizabeth. « Important Steps and Instructive Models in the Fight to Eliminate Violence

Against Women », Washington and Lee Law Review, volume 52, numéro 3, 1995, article 19, pp. 1109- 1141, p. 1127.

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de la nécessité d’échanger des informations, de développer les bonnes pratiques ainsi que d’expérimenter les moyens et méthodes de lutte.

Au vu de sa nature déclaratoire, ce texte ne comporte pas de dispositif de contrôle spécifique. Toutefois, il y est prévu que les Etats présentent dans les rapports qu’ils soumettent en application des autres instruments internationaux de droits de l’Homme des informations relatives à la violence à l’égard des femmes ainsi que les mesures prises par eux pour rendre la Déclaration effective. Par ailleurs, en dépit de son absence de force contraignante envers les Etats, la portée de cet instrument ne saurait être complètement ignorée.

En effet, cette déclaration représente une « avancée »445 par rapport aux recommandations

élaborées par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes en ce qu’elle s’applique à tous les Etats membres des Nations Unies et non pas seulement aux Etats ayant ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. De plus, bien que dénuée de caractère contraignant, elle revêt « la force

morale du consensus mondial »446. En outre, « [b]ien que les résolutions de l’Assemblée ne

soient pas, à proprement parler, contraignantes, elles sont de plus en plus regardées comme une source de droit international. C’est plus particulièrement le cas lorsque les résolutions prennent la forme d’obligations pour les Etats membres de respecter leurs termes. A tout le moins, les résolutions constituent une déclaration importante du point de vue de la

communauté internationale et contribuent à la formation du droit coutumier »447. Cette

perception était confirmée par Elizabeth Misiaveg qui notait qu’ « une déclaration des

Nations Unies établit l’attente que les Etats adhèreront aux responsabilités exposées dans ladite déclaration. Comme la pratique des Etats consolide cette attente générale, une déclaration peut devenir partie du droit coutumier obligatoire. De plus, une déclaration des Nations Unies possède une force politique en tant qu’expression de la volonté

internationale »448.

445 CHARLESWORTH Hilary. « The Declaration on the Elimination of All Forms of Violence Against

Women », American Society of International Law Newsletter: ASIL INSIGHT, juin -août 1994, p. 2.

446 MERRY Sally Engle. Human Rights and Gender Violence: Translating International Law into Local

Justice, Chicago, The University of Chicago Press, 2005, 264 p., p. 23.

447 CHARLESWORTH Hilary. « The Declaration on the Elimination of All Forms of Violence Against

Women », American Society of International Law Newsletter: ASIL INSIGHT, juin -août 1994, p. 2.

448 MISIAVEG Elizabeth. « Important Steps and Instructive Models in the Fight to Eliminate Violence

Against Women », Washington and Lee Law Review, volume 52, numéro 3, 1995, article 19, pp. 1109- 1141, p. 1112.

Enfin, « [l]’aspect le plus important de la Déclaration est sa reconnaissance sans

équivoque que la violence à l’égard des femmes constitue un problème d’ampleur

international et que toutes les nations ont l’obligation de travailler à son éradication »449.

Certaines initiatives sont également venues renforcer les efforts de la Déclaration dans la lutte contre les violences à l’égard des femmes. C’est ainsi, notamment, qu’en 1994, afin d’évaluer l’état de la situation en ce domaine et d’examiner la mise en œuvre de la Déclaration par les Etats, la procédure du Rapporteur spécial sur la violence à l’égard des femmes a été instituée par la Commission des droits de l’Homme.

Paragraphe 3 : La mise en place d’initiatives particulières pour conforter