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La Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme et son contenu

Chapitre III : La consolidation des efforts par la mise en place d’instruments régionau

Section 1 : Le recours à des instruments spécifiques aux violences à l’égard des femmes

A) La Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme et son contenu

Au niveau du continent américain, la Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme, ou Convention de Belém do Pará, a été adoptée le 9 juin 1994 et est entrée en vigueur le 5 mars 1995686. Sur les

trente-quatre Etats membres de l’Organisation des Etats Américains, seuls deux Etats ne l’ont pas ratifiée, à savoir le Canada et les Etats-Unis.

Cette convention démontre le processus de fertilisation croisée qui s’opère entre le système universel et le système régional des droits de l’Homme. En effet, tout comme la recommandation générale n°19 sur la violence à l’égard des femmes et la Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes, la Convention reconnaît cette violence comme étant l’expression d’une forme de discrimination687.

En son préambule, elle énonce que la violence à l’égard des femmes est « une offense

à la dignité humaine et est une manifestation des rapports de pouvoir historiquement inégaux entre les hommes et les femmes ».

Les premiers articles qui suivent donnent une définition des actes et de leur étendue. C’est ainsi que la violence est définie comme « tout acte ou comportement fondé sur

la condition féminine qui cause la mort, des torts ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychiques à la femme ». La Convention précise que cette définition

concerne tant les violences survenant dans la « vie publique » des femmes que celles intervenant dans leur « vie privée »688. Sont ainsi visées les violences physiques,

sexuelles ou psychiques qui se produisent au sein de la famille, du ménage ou de toute

686 Organisation des Etats Américains. Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme, Belém do Pará, 9 juin 1994, entrée en vigueur le 5 mars

1995.

Disponible sur : <http://www.cidh.oas.org/Basicos/French/m.femme.htm> (Consulté le 18 juin 2015).

687 Voir en ce sens : COOK Rebecca. « State Responsibility for Violations of Women’s Human Rights »,

Harvard Human Rights Journal, volume 7, 1994, pp. 125-175, p. 165.

688 Organisation des Etats Américains. Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme, Belém do Pará, 9 juin 1994, entrée en vigueur le 5 mars

autre relation interpersonnelle, « que l’agresseur ait partagé ou non la même résidence

que la femme », et comprennent notamment les viols, les sévices sexuels ou encore les

mauvais traitements689. La Convention tranche ainsi avec la Déclaration en ce qu’elle

précise de manière explicite qu’elle inclut les personnes ne cohabitant pas ensemble et permet ainsi à une large catégorie de femmes de bénéficier de la protection et des recours qui s’appliquent aux victimes de violence familiale. La violence se produisant dans la communauté est, elle aussi, concernée, et ce, quel qu’en soit l’auteur. Elle prend en compte les sévices sexuels, les viols, la torture, la prostitution forcée, la séquestration, la traite des personnes, le harcèlement sexuel que ce soit sur le lieu de travail, dans les institutions d’enseignement ou de santé, ou au sein de tout autre lieu. Est enfin visée la violence tolérée, voire perpétrée par l’Etat ou ses agents, et ce, où qu’elle se produise.

C’est donc une définition large de la violence qui est donnée, diversifiée tant au regard des actes visés, qui se rapportent aux dimensions individuelles et sociales de la vie des femmes, qu’au regard de la diversité des auteurs qui peuvent être impliqués. La Convention dresse, en son Chapitre II, une liste des différents droits protégés, l’article 3 revêtant une importance particulière puisqu’il énonce que « [l]a femme a le

droit de vivre dans un climat libre de violence, tant dans sa vie publique que dans sa vie privée ».

La Convention rappelle ensuite en son article 4 les différents droits et libertés qui ont été reconnus aux femmes au sein des divers instruments internationaux, c’est-à-dire le droit au respect de la vie, celui à l’intégrité physique, psychique ou morale, le droit de ne pas être soumise à la torture, le droit à la liberté et à la sécurité personnelles, le droit à une protection égale de la loi, le droit à la protection de sa famille ou encore le « droit à un recours simple et rapide devant les tribunaux compétents en vue de se

protéger contre les actes qui violent ses droits ».

Par ailleurs, le droit de la femme de vivre dans un climat exempt de violence comporte, notamment, le droit de n’être l’objet d’aucune forme de discrimination ainsi que celui de recevoir « une formation et une éducation dénuées de stéréotypes en

matière de comportement et de pratiques sociales et culturelles basées sur des concepts d'infériorité ou de subordination » comme l’indique l’article 6 de la Convention.

RAVETS Quentin| Thèse de doctorat |Décembre 2015

Toutefois, cette Convention n’est pas qu’une proclamation de droits puisqu’elle impose aussi aux Etats, en son article 7, des obligations et les mesures à prendre, et ce de manière assez précise. Ainsi, les Etats sont contraints d’adopter, par tous les moyens appropriés, une politique permettant de prévenir, de sanctionner et d’éliminer toute violence faite aux femmes. En découlent pour les Etats des engagements tels que celui de ne pas pratiquer ce type de violence et de s’assurer que les institutions, fonctionnaires, agents et autorités font de même. Par ailleurs, ils s’engagent également à agir de manière rapide afin de prévenir cette violence, à mener les enquêtes qui s’avèrent nécessaires ou encore à sanctionner les actes de manière appropriée. En outre, ils seront amenés à entreprendre l’incorporation de mesures pénales, civiles et administratives, nécessaires aux objectifs fixés par la Convention. De même, ils doivent instaurer au bénéfice des femmes victimes de violence des procédures juridiques efficaces qui leur assurent un accès effectif ainsi que des réparations. Enfin, ils doivent initier, par des mesures appropriées, la modification des lois et règlements en vigueur ou des pratiques coutumières ou juridiques qui visent à encourager la tolérance ou la persistance des actes de violence à l’égard des femmes. Tradition et droit sont donc visés.

La Convention interaméricaine prend également en compte l’enracinement de pratiques ou d’habitudes de comportement social et culturel. Les Etats doivent, en effet, mettre en place des programmes et des mesures spécifiques de s ensibilisation, notamment à l’intention du grand public, et à travers les médias, mais aussi dans la formation des fonctionnaires et dans le domaine de l’éducation. Ils doivent également mettre en place des services spécialisés assistant les victimes.

La partie normative de la Convention conclut en soulignant la nécessité pour les Etats de prendre spécialement en compte la vulnérabilité des femmes face aux actes de violence en raison de leur race, de leur origine ethnique, de leur situation de migrante, de réfugiée ou encore de personne déplacée. Il en va de même pour les femmes enceintes, handicapées, mineures, âgées, en situation économique défavorable, privées de liberté ou encore lorsqu’elles se retrouvent au sein de conflits armés.

Il faut cependant noter qu’en son article 18, la Convention prévoit la possibilité pour tout Etat partie de formuler des réserves « au moment de son adoption, de sa signature,

de sa ratification ou de son adhésion », sous réserve qu’elles ne soient pas

incompatibles avec l’objet ou le but de la Convention et qu’elles n’aient « pas un

Afin de mettre en œuvre ces dispositions de manière concrète, un mécanisme de suivi a été mis en place.

B) La mise en place d’un mécanisme de suivi au niveau