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Chapitre III : La consolidation des efforts par la mise en place d’instruments régionau

Paragraphe 2 : Le continent européen et la violence contre les femmes

B) Le Conseil de l’Europe

Depuis de nombreuses années, le Conseil de l’Europe multiplie les initiatives en matière de lutte contre la violence à l’égard des femmes (I), preuve de sa forte implication dans ce combat. Cet engagement ferme s’est par ailleurs traduit par l’adoption de diverses conventions dans ce domaine (II).

I) Les stratégies de lutte contre la violence à l’égard des femmes employées par le Conseil de l’Europe

La lutte contre la violence est, depuis 1993, l’une des priorités du Conseil de l’Europe. Il a effectivement développé au cours de ces dernières années des politiques et stratégies volontaristes au sujet de la violence à l’égard des femmes, accordant une place particulière

804 Les recommandations invitent notamment les Etats à adapter leur législation afin de criminaliser la

traite conformément au Protocole de Palerme (paragraphe 16), à s’assurer que les actes de traite seront sanctionnés comme tels et non comme des infractions mineures (paragraphe 18) , ou encore à veiller à ce que les sanctions appliquées à l’égard des responsables de la traite à des fins de servitude domestique aient un effet dissuasif et soient proportionnées et efficaces (paragraphe 19).

805 Les recommandations invitent notamment les Etats à mettre en œuvre des mesures qui découragent

les abus en matière d’immunité diplomatique (paragraphe 20), à mettre en place une réglementation et un contrôle de la procédure en ce qui concerne la délivrance de visas diplomatiques aux travailleurs domestiques qui travaillent au sein de missions diplomatiques afin de leur faire part de leurs droits, de la façon de dénoncer les abus et d’obtenir l’assistance nécessaire (paragraphe 24), à requérir de l’employeur la remise du contrat de travail ainsi la preuve du versement d’un salaire et de conditions de vie adéquates pour le travailleur (paragraphe 25), ou encore, en ce qui concerne les pays d’accueil, à prendre des mesures afin de venir en aide et protéger les travailleurs domestiques qui font l’objet d’une exploitation en déclarant, dans les cas les plus graves, le diplomate comme persona non grata (paragraphe 29) ou afin d’empêcher qu’un membre d’une mission diplomatique qui s’est rendu coupable d’abus ou d’exploitation ou a toléré de tels actes n’engage des travailleurs domestiques migrants (paragraphe 30).

806 L’ensemble des recommandations sont disponibles au sein du document suivant : Organisation pour

la sécurité et la coopération en Europe, Bureau de la Représentante spéciale et Coordinatrice pour la lutte contre la traite des êtres humains. Travail non protégé, exploitation invisible : la traite à des fins

à la violence domestique qui demeure « l’une des formes les plus communes de la violence

contre les femmes » tout en déplorant le fait qu’elle reste pour autant la moins visible807.

Il a, par exemple, à de multiples occasions, mis en lumière divers types de violence dont souffrent les femmes, notamment sous l’impulsion de rapports élaborés par la Commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes du Conseil de l’Europe808. Ainsi,

les Etats ont été invités à agir afin de mettre un terme aux mutilations sexuelles féminines809,

l’Assemblée parlementaire proclamant à cette occasion « la prééminence, sur les coutumes

et sur les traditions, des principes universels du respect de la personne, de son droit inaliénable de disposer d’elle-même et de la pleine égalité entre les hommes et les

femmes »810 et énonçant que quelles que soient les conditions dans lesquelles elles sont

accomplies, ces pratiques doivent être regardées comme un traitement inhumain et dégradant811, aux mariages forcés ainsi qu’aux mariages d’enfants qui affectent

essentiellement les communautés immigrées et plus particulièrement les jeunes femmes et les jeunes filles au sein de celles-ci812, aux violences sexuelles à l’égard des femmes lors des

807 Conseil de l’Europe, Assemblée parlementaire. Recommandation 1450 (2000) sur la violence à l’encontre des femmes en Europe, adoptée le 3 avril 2000, paragraphe 4.

808 La Commission se nomme désormais, depuis 2011, « Commission sur l’égalité et la non-

discrimination ». Cependant, de par son mandat, la Commission examine toujours les questions qui ont

trait à « la question de la violence à l’égard des femmes, [aux] crimes liés au genre et [à] la traite des

femmes […] ».

Conseil de l’Europe, Assemblée parlementaire. Résolution 1842 (2011) sur les mandats des

commissions de l’Assemblée parlementaire – mise en œuvre de la Résolution 1822 (2011) sur la réforme de l’Assemblée parlementaire, adoptée le 7 octobre 2011, point VI, paragraphe 2 ii.

809 Conseil de l’Europe, Assemblée parlementaire. Résolution 1247 (2001) sur les mutilations sexuelles

féminines, adoptée le 22 mai 2001. 810 Idem, paragraphe 4.

811 Idem, paragraphe 7.

812 Conseil de l’Europe, Assemblée parlementaire. Résolution 1468 (2005) sur les mariages forcés et mariages d’enfants, adoptée le 5 octobre 2005, paragraphe 2.

Voir également sur le même sujet : Conseil de l’Europe, Assemblée parlementaire. Rapport de la

Commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes sur les mariages forcés et mariages d’enfants (rapporteuse : Madame Zapfl-Helbling), document 10590, 20 juin 2005 ; Conseil

de l’Europe, Assemblée parlementaire. Recommandation 1723 (2005) sur les mariages forcés et les

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conflits armés813, aux féminicides814, aux crimes dits « d’honneur »815, au viol des femmes, y

compris au viol marital816 ou encore aux risques spécifiques encourus par les femmes

immigrées817. La recommandation 1663 reconnaissait d’ailleurs le lien potentiel qui existe

entre travail domestique et traite des êtres humains, soulignant que « [l]es esclaves

d’aujourd’hui sont en majorité des femmes qui travaillent le plus souvent chez des particuliers, chez qui elles arrivent comme domestiques immigrées […]. La plupart sont arrivées de leur plein gré, dans l’espoir d’améliorer leur situation ou d’échapper à la pauvreté et à des conditions de vie difficile, mais certaines […] ont […] été victimes de la

traite »818. A ce titre, il est intéressant de noter que la recommandation 1523 (2001) de

813 Conseil de l’Europe, Assemblée parlementaire. Résolution 1670 (2009) sur les violences sexuelles

contre les femmes dans les conflits armés, adoptée le 29 mai 2009. Voir également : Conseil de

l’Europe, Assemblée parlementaire. Rapport de la Commission sur l’égalité des chances pour les

femmes et les hommes sur les violences sexuelles contre les femmes dans les conflits armés

(rapporteuse: Madame Smet), document 11916, 15 mai 2009 ; Conseil de l’Europe, Assemblée parlementaire. Recommandation 1873 (2009) sur les violences sexuelles contre les femmes dans les

conflits armés, adoptée le 29 mai 2009.

814 Conseil de l’Europe, Assemblée parlementaire. Résolution 1654 (2009) sur les féminicides, adoptée

le 30 janvier 2009. Voir également : Conseil de l’Europe, Assemblée parlementaire. Rapport de la Commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes sur les féminicides (rapporteuse: Madame Err), document 11781, 19 décembre 2008 ; Conseil de l’Europe, Assemblée parlementaire. Recommandation 1861 (2009) sur les féminicides, adoptée le 30 janvier 2009.

815 Conseil de l’Europe, Assemblée parlementaire. Résolution 1681 (2009) sur l’urgence à combattre

les crimes dits « d’honneur », adoptée le 26 juin 2009. Voir également : Conseil de l’Europe, Assemblée

parlementaire. Rapport de la Commission sur l’égalité des chances pour les fem mes et les hommes sur

l’urgence à combattre les crimes dits « d’honneur » (rapporteur: Monsieur Austin), document 11943, 8

juin 2009 ; Conseil de l’Europe, Assemblée parlementaire. Recommandation 1881 (2009) sur l’urgence

à combattre les crimes dits « d’honneur », adoptée le 26 juin 2009.

Cette résolution fait suite à la Résolution 1327 (2003) sur les prétendus « crimes d’honneur » adoptée en 2003. Conseil de l’Europe, Assemblée parlementaire. Résolution 1327 (2003) sur les prétendus

« crimes d’honneur », adoptée le 4 avril 2003.

La réitération de l’attention portée par l’Assemblée parlementaire à ce phénomène s’explique par le fait que, comme le souligne le paragraphe 1er de la résolution 1681 (2009), celui-ci s’est accru, y

compris en Europe.

816 Conseil de l’Europe, Assemblée parlementaire. Résolution 1691 (2009) sur le viol des femmes, y compris le viol marital, adoptée le 2 octobre 2009. Voir également : Conseil de l’Europe, Assemblée

parlementaire. Rapport de la Commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes sur

le viol des femmes, y compris le viol marital (rapporteuse: Madame Rupprecht), document 12013, 14

septembre 2009 ; Conseil de l’Europe, Assemblée parlementaire. Recommandation 1887 (2009) sur le

viol des femmes, y compris le viol marital, adoptée le 2 octobre 2009.

817 Conseil de l’Europe, Assemblée parlementaire. Résolution 1697 (2009) sur les femmes immigrées :

un risque spécifique de violence domestique adoptée le 20 novembre 2009. Voir également : Conseil de l’Europe, Assemblée parlementaire. Rapport de la Commission sur l’égalité des chances pour les

femmes et les hommes sur les femmes immigrées : un risque accru de violence domestique (rapporteuse: Madame Woldseth), document 11991, 15 juillet 2009 ; Conseil de l’Europe, Assemblée parlementaire. Avis de la Commission des migrations, des réfugiés et de la population sur les femmes immigrées : un

risque accru de violence domestique (rapporteuse: Madame Acketoft), document 12054, 1er octobre

2009 ; Conseil de l’Europe, Assemblée parlementaire. Recommandation 1891 (2009) sur les femmes

immigrées : un risque spécifique de violence domestique, adoptée le 20 novembre 2009.

818 Conseil de l’Europe, Assemblée parlementaire. Recommandation 1663 (2004) sur l’esclavage

domestique : servitude, personnes au pair et « épouses achetées par correspondance », adoptée le 22 juin 2004, paragraphe 2.

l’Assemblée parlementaire relative à l’esclavage domestique déplorait le fait « qu’aucun des

Etats membres du Conseil de l’Europe ne reconnaisse expressément l’esclavage domestique

comme délit dans leur Code pénal »819 tout en notant « qu’un nombre important de victimes

travaillent dans des ambassades ou chez des fonctionnaires internationaux qui, par le couvert de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961, bénéficient d’une immunité de juridiction ou d’exécution, ainsi que du principe d’inviolabilité de la

personne et des biens »820, appelant ainsi entre autres les Etats à amender la Convention de

Vienne afin de permettre la systématisation de la levée de l’immunité diplomatique en ce qui concerne les actes qui relèvent de la vie privée821. La résolution 1811 (2011) sur « La

protection des femmes immigrées sur le marché du travail », pour sa part, insistait

notamment sur l’isolement et les mauvais traitements auxquels sont confrontées les travailleuses domestiques et les recours limités qui s’offrent à elles822. Les Etats étaient ainsi

appelés à intégrer le travail domestique au sein de leur législation du travail823, « à veiller à

ce que l’octroi d’un visa ne soit pas lié à un employeur particulier et à supprimer ou exclure

toute clause exigeant que l’employé vive au domicile de l’employeur »824, à veiller à ce

qu’elles jouissent de droits et de protections dans leur activité, notamment en matière d’heures de travail825, ou encore à leur garantir un accès à des recours légaux lorsqu’elles

font l’objet de maltraitances de leur employeur826.

Plus récemment, dans sa résolution 2027 (2014), l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe appelait à « Prévenir la violence à l’égard des femmes en se concentrant sur les

auteurs »827, insistant sur les répercussions positives qu’ont les programmes destinés aux

auteurs sur la sécurité des victimes ainsi que sur la récidive828. Les Etats étaient ainsi appelés

à mettre en place de tels programmes au sein de leur territoire829 en s’assurant qu’ils insistent

sur la responsabilisation des auteurs, mettent en relief les conséquences des actes de ces

819 Conseil de l’Europe, Assemblée parlementaire. Recommandation 1523 (2001) sur l’esclavage

domestique, adoptée le 26 juin 2001, paragraphe 9. 820 Idem, paragraphe 8.

821 Idem, paragraphe 10 iv.

822 Conseil de l’Europe, Assemblée parlementaire. Résolution 1811 (2011) sur la protection des femmes

immigrées sur le marché du travail adoptée le 15 avril 2011 , paragraphe 3. 823 Idem, paragraphe 8.1.

824 Idem, paragraphe 8.4. 825 Idem, paragraphe 8.5. 826 Idem, paragraphe 8.6.

827 Conseil de l’Europe, Assemblée parlementaire. Résolution 2027 (2014) intitulée prévenir la violence à l’égard des femmes en se concentrant sur les auteurs, adoptée le 18 novembre 2014.

828 Idem, paragraphe 3. 829 Idem, paragraphe 6.1.

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derniers sur les victimes, et leur font admettre le caractère inacceptable de ces violences tout en leur accordant un soutien et un suivi de longue durée dans le but de réduire la récidive830.

Déjà en 1985, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe consacrait l’une de ses recommandations à la violence au sein de la famille soulignant que « la défense de la famille

comporte la protection de tous ses membres contre toute forme de violence […] » et que la

violence qui s’exerce à l’intérieur de l’unité familiale « touche en particulier, bien que dans

des conditions différentes, d’une part des enfants et d’autre part des femmes ». Bien que

cette recommandation ne visait pas de manière exclusive les femmes, le Comité des ministres y reconnaissait tout de même que ces dernières « ont droit à une protection

particulière de la part de la société contre toute forme de discrimination et d’oppression et contre les abus d’autorité dans la famille et dans les autres institutions […] dans la mesure où existent à leur égard certaines inégalités de fait qui contribuent à rendre difficile le

signalement des violences dont elles sont victimes »831. Cette recommandation fut suivie

quelques années plus tard par la recommandation n° R (90) 2 sur les mesures sociales concernant la violence au sein de la famille832. Diverses mesures spécifiques en faveur des

femmes, formulées à l’intention des Etats, y figurent833. Elles abordent l’assistance à fournir

aux victimes de violences834, la mise en œuvre de « possibilités légales d’obtenir le départ

d’un conjoint violent »835, l’assistance financière à procurer aux victimes836, la mise en place

de foyers pour femmes battues837 ou encore l’instauration d’un suivi adéquat838 et de groupes

d’entraide839 pour venir en aide aux femmes ayant quitté ces refuges.

En 2002, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a adopté une recommandation sur la protection des femmes contre la violence840. Il y souligne que « la violence à l’égard

des femmes découle de rapports de force inégaux entre hommes et femmes, et aboutit à une

grave discrimination envers le sexe féminin tant au sein de la société que de la famille »841

830 Idem, paragraphe 6.2.

831 Conseil de l’Europe, Comité des ministres. Recommandation n° R (85) 4 sur la violence au sein de

la famille, adoptée le 26 mars 1985.

832 Conseil de l’Europe, Comité des ministres. Recommandation n° R (90) 2 sur les mesures sociales concernant la violence au sein de la famille, adoptée le 15 janvier 1990.

833 Idem, point VI. 834 Idem, paragraphe 20. 835 Idem, paragraphe 21. 836 Idem, paragraphe 22. 837 Idem, paragraphe 23. 838 Idem, paragraphe 27. 839 Idem, paragraphe 28.

840 Conseil de l’Europe, Comité des Ministres. Recommandation Rec (2002)5 sur la protection des femmes contre la violence, adoptée le 30 avril 2002.

tout en « [c]onstatant avec préoccupation l’ampleur du phénomène de la violence à l’égard

des femmes au sein de la famille, quelle que soit sa forme, et à tous les niveaux de la société

»842. Cette recommandation contient des dispositions multiples et détaillées en ce qui

concerne la violence domestique. Bien que la recommandation appelle les Etats à adopter et appliquer lesdites mesures « de la manière qu’ils jugeront la plus appropriée à la lumière

des circonstances et préférences nationales […] »843, elle fournit d’importantes lignes

directrices aux Etats membres. En effet, celles-ci encouragent notamment le développement de « [l]a recherche, la collecte de données et la création de réseaux aux niveaux national et

international »844, l’inclusion dans la « formation de base des fonctionnaires de police, des

personnels judiciaires, du personnel soignant et des travailleurs sociaux, des éléments

importants sur le traitement de la violence domestique […] »845 et souligne particulièrement

la situation des femmes immigrées en demandant aux Etats de faire en sorte « que tous les

services et les recours légaux prévus pour les victimes de violence domestique »846 leur soient

fournis à leur demande. La recommandation comprend également toute une série de mesures additionnelles spécifiques aux violences perpétrées au sein de la famille847, appelant les Etats

membres à ériger ces violences en infraction pénale848 ou à « réviser et/ou augmenter, si

nécessaire, les peines prévues pour les coups et blessures volontaires lorsque ceux-ci sont

perpétrés au sein de la famille, quel que soit le membre de la famille concerné »849. Bien que

la plupart de ces dernières soient formulées de manière à ne pas limiter les victimes de violences familiales aux femmes, on peut tout de même remarquer que les Etats sont encouragés à « envisager, lorsque cela est nécessaire, d’accorder aux femmes migrantes qui

ont été/sont victimes de violences perpétrées au sein de la famille, un droit à résidence qui leur soit propre afin de leur permettre de se séparer de leur conjoint sans avoir à quitter le

pays d’accueil dans lequel elles se trouvent »850. Enfin, les Etats sont invités à incriminer les

« meurtres d’honneur »851 et à interdire la sélection prénatale en fonction du sexe852 et les

mariages forcés853.

842 Idem.

843 Idem, point VIII. 844 Idem, point V. 845 Idem, paragraphe 8. 846 Idem, paragraphe 24. 847 Idem, paragraphes 55-59. 848 Idem, paragraphe 55. 849 Idem, paragraphe 56. 850 Idem, paragraphe 59. 851 Idem, paragraphe 80. 852 Idem, paragraphe 79. 853 Idem, paragraphe 84.

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Parallèlement, en 2002, dans sa recommandation 1582 relative à la violence domestique à l’encontre des femmes854, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe soulignait

que « [s]elon les statistiques, pour les femmes de 16 à 44 ans, la violence domestique serait

la principale cause de décès et d’invalidité, avant le cancer, les accidents de la route et même la guerre » et méritait en tant que telle d’ « être traitée comme un problème politique

et public, et une violation des droits de l’Homme »855. L’Assemblée y soulignait également

qu’elle considère « les actes de violence domestique comme des actes criminels », invitant dès lors « les Etats membres à reconnaître qu’ils ont l’obligation de prévenir, d’instruire et

de sanctionner les actes de violence domestique et d’offrir une protection aux victimes »856.

En conséquence, l’Assemblée édictait une série de recommandations, notamment en ce qui concerne les « mesures à adopter concernant les victimes de violence domestique » mais également celles à prendre en matière de prévention et dans le domaine juridique, recommandations qui seront largement reprises et développées par la suite dans la Convention adoptée en 2011.

En 2005, suite à une décision prise lors du troisième Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du Conseil de l’Europe qui s’est déroulé les 16 et 17 mai 2005 à Varsovie, la Task Force du Conseil de l’Europe pour combattre la violence à l’égard des femmes, y compris la violence domestique, a été mise en place. Cette Task Force était ainsi composée de huit spécialistes internationaux en matière de prévention et de lutte contre la violence à l’égard des femmes. Elle a rendu son Rapport final d’activité en 2008. Le nom donné à cette Task Force témoigne à la fois de l’importance donnée à la lutte contre la violence domestique par le Conseil de l’Europe et le fait que ce type de violence reste parfois exclu des discussions sur les violences à l’égard des femmes en droit international. Le plan d’action qui résulte du Sommet de Varsovie déterminait ainsi les actions futures du Conseil de l’Europe parmi lesquelles figuraient des activités visant à lutter contre la violence à l’égard des femmes, y compris la violence domestique. La partie II.4 de ce plan énonce plus précisément que « [l]e

Conseil de l'Europe prendra des mesures pour combattre la violence contre les femmes, y compris la violence domestique. Il mettra en place une “task force” chargée d'évaluer les progrès accomplis au niveau national et d'établir des instruments destinés à quantifier les développements observés au niveau paneuropéen en vue de formuler des propositions

854 Conseil de l’Europe, Assemblée parlementaire. Recommandation 1582 (2002) sur la violence

domestique à l’encontre des femmes, adoptée le 27 septembre 2002. 855 Idem, paragraphe 2.

d’action. Une campagne paneuropéenne pour combattre la violence contre les femmes, y compris la violence domestique, sera préparée et mise en œuvre en étroite coopération avec d'autres acteurs européens et nationaux y compris les [organisations non

gouvernementales] »857.

Ainsi, des actions d’envergure ont par la suite vu le jour, notamment sous la forme de la « Campagne pour combattre la violence à l’égard des femmes, y compris la violence

domestique » qui a été lancée lors d’une Conférence organisée à Madrid, en novembre 2006.

Les activités de cette campagne se déclinaient à travers trois dimensions spécifiques, c’est- à-dire locale et régionale, parlementaire mais aussi gouvernementale. Elles tentaient de toucher les décideurs à tous les niveaux, faisant intervenir une multiplicité d’acteurs. Afin de permettre une conduite effective de cette campagne au niveau national, des points de contact avaient été mis en place par les parlements et gouvernements, censés permettre une meilleure coordination des actions.