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2.1 FIRST-9, un prototype de laboratoire

2.1.1 Mise en œuvre

La mise en œuvre pratique de l’instrument a débuté avec le travail de Takayuki Kotani en 2007 et a été permise grâce à l’utilisation de composants et technologies de pointe. Le montage optique est schématiquement représenté sur la figure 2.1. Les éléments clés illustrés sur la figure2.2sont les suivants :

– le miroir segmenté, fabriqué par Iris AO Inc, comporte 37 segments hexagonaux dis- posés avec un pas de 606 µm qui peuvent être individuellement contrôlés en orienta- tion (± 5 mrad suivant les 2 axes) et en piston (± 5 µm), à l’aide de trois actionneurs ; – les matrices de microlentilles (de pas et diamètre 250 µm), fabriquées par SÜSS

Optics MicroOptics, concrétisent la division du front d’onde en sous-pupilles en fo-

calisant les faisceaux sur le cœur des fibres du côté de l’injection et elles permettent également de collimater les faisceaux en sortie des fibres optiques ;

– le toron de fibres optiques, de Fiberguide Industries, est un composant qui permet de disposer les extrémités des 36 fibres (pas de fibre centrale) dans un même plan, les cœurs étant précisément positionnés suivant une trame hexagonale de pas 250 µm ; – le v-groove, produit par OZ Optics, est un composant de verre pouvant accueillir jusqu’à 48 extrémités de fibre optique disposées dans un même plan suivant une ligne, avec un pas de 250 µm, chacune étant maintenue dans une encoche en forme de V ;

Figure 2.1 – Schéma optique du prototype de laboratoire. Extrait deKotani et al.(2009).

Figure 2.2 – Les différents composants clés qui permettent la mise en œuvre de FIRST : a) le

miroir segmenté (la distance entre les centres de deux segments adjacents est de 606 µm, b) la matrice de microlentilles de pas 250 µm, c) le toron de fibres de pas identique, d) le v-groove avec les 9 fibres vu de dessus (haut) et de face (bas).

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– la caméra EMCCD (Electron Multiplying CCD), par Andor pour FIRST-9 et Ha-

mamatsu pour FIRST-18, est un détecteur choisi pour sa grande efficacité quantique

dans le domaine visible, et sa capacité à amplifier le signal jusqu’à des facteurs 100 voire 1 000, rendant le bruit de lecture négligeable comparé aux autres sources de bruit (telle que le bruit de photon principalement).

2.1.1.1 L’injection dans les fibres

Le miroir segmenté est utilisé en incidence normale pour maximiser la surface utile (qui est multipliée par un facteur cos(θ) s’il est utilisé avec une incidence θ) et éviter que le faisceau ne soit déformé. Une solution possible consiste à utiliser un cube séparateur 50-50 et de sacrifier 75% du flux. En réalité, seuls 25% sont complètement perdus puisque les 50 autres pourcents sont envoyés vers la voie de contrôle, pour visualiser un plan image à l’aide d’une caméra CCD supplémentaire.

Chaque micro-segment du miroir permet d’aligner précisément les faisceaux sur les cœurs de fibres. La division du front d’onde en sous-ouvertures est en pratique réalisée par la matrice de microlentilles. Celles-ci focalisent les faisceaux sur les cœurs de fibres rassemblées dans le toron de fibres. Le pas entre le miroir segmenté et l’ensemble microlen- tilles/toron étant différent, un système afocal permet d’ajuster les tailles de faisceaux, et de placer les microlentilles dans un plan conjugué à celui du miroir segmenté (plan pupille), afin d’éviter de vignetter les faisceaux lorsque les segments sont inclinés. Le grandissement de la conjugaison correspondante est donc de 250/606∼0,4.

Les fibres optiques utilisées sont monomodes et à maintien de polarisation de type panda (Nufern PM-630-HP). Les caractéristiques des fibres et microlentilles sont données dans le tableau 2.1.

Fibres optiques Microlentilles

Diamètre de cœur 3,5 µm Pas 250 µm

Ouverture numérique 0,12 Ouverture numérique 0,12

Diamètre du mode 4,6 µm à 680 nm Rayon de courbure 450 µm

Longueur d’onde de coupure ∼ 570 nm Substrat verre de silice

Distance focale 980 µm

Tableau 2.1 – Paramètres physiques des fibres et microlentilles.

Un jeu de fibres optiques dites de compensation est inséré entre les fibres du toron et celles du v-groove. Celles-ci servent à égaliser les chemins optiques parcourus par la lumière dans le verre afin de maximiser le contraste des franges (voir la partie 3.2.3 sur les fibres de compensation au chapitre suivant). Cela est nécessaire car la longueur des fibres du toron et du v-groove mises bout à bout diffèrent, parfois de plusieurs centimètres. FIRST-9 était ainsi doté d’un jeu de fibres qui fut égalisé à l’IPAG (anciennement LAOG) à Grenoble en 2008 lors du post-doctorat de Takayuki Kotani.

2.1.1.2 La recombinaison des faisceaux

Les autres extrémités des fibres sont alignées dans un v-groove, de manière non re- dondante. Deux fibres adjacentes sont espacées d’un multiple du pas du v-groove, noté

Figure 2.3 – Configurations non redondantes unidimensionnelles les plus compactes. À droite

sont notées les nombre de fibres et à gauche les longueurs nécessaires correspondantes en pas d.

Extrait deLacour(2007).

Figure 2.4 – Schéma de principe de recombinaison multi-axiale des faisceaux à l’aide d’une lentille.

Seul le réseau de franges correspondants aux fibres extrêmes est illustré. L’interférogramme complet résulterait de la somme des 36 réseaux de franges.

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peuvent être positionnées de manière non redondante car, comme illustré sur la Fig.2.3, la configuration non redondante à neuf fibres la plus compacte nécessite 45 emplacements différents, alors que la configuration la plus compacte à 10 fibres requiert 56 encoches.

Une seconde matrice de microlentilles permet ensuite de collimater les faisceaux en sortie de fibres. La recombinaison s’effectue enfin à la manière de l’expérience des trous d’Young, et les franges sont observées dans le plan image d’une lentille, comme illustré en figure 2.4. Cette recombinaison est également couplée à un spectromètre. Un système anamorphique comprenant des lentilles cylindriques joue ainsi le rôle de la fente en donnant aux faisceaux une forme allongée le long de la direction de dispersion. Les dimensions de la tache de diffraction étant inversement proportionnelles à celles du faisceau dans la pupille, on obtient bien une tache image allongée perpendiculaire à la direction de dispersion, permettant donc d’atteindre une meilleure résolution spectrale. L’élément dispersif est un prisme équilatéral en BK7 ou SF2 selon la version de l’instrument.

2.1.1.3 La détection

La caméra scientifique est dotée de la technologie EMCCD (aussi appelée L3CCD), qui consiste en la multiplication des photo-électrons avant leur lecture. Le registre utilisé classiquement dans une caméra CCD est en fait étendu à un registre de gain, où les charges sont transférées entre des électrodes portées à des tensions beaucoup plus importantes que nécessaire pour un simple transfert. En conséquence, les électrons acquièrent suffisamment d’énergie cinétique pour créer de nouvelles charges par chocs ionisants, de manière similaire au fonctionnement d’une diode à avalanche. La probabilité du gain à chaque étape du registre est faible, entre 1 % et 2 %, mais le gain total augmente à la puissance du nombre d’étapes du registre de gain (typiquement 500).

En termes de bruit, le caractère stochastique du phénomène d’amplification se traduit par un facteur de bruit en excès ou ENF (Excess Noise Factor), défini par :

F = σs G σe

, (2.1)

G désignant la valeur moyenne du gain EM, σe2 et σs2, les variances du bruit sur le signal

en entrée et en sortie de l’amplificateur. Pour un détecteur EMCCD, ce facteur vaut théoriquement√2, ce qui a été vérifié expérimentalement (Denvir & Conroy,2003).

Le rapport signal sur bruit (RSB) s’écrit alors :

RSB = S σ avec ( S = G × ηP σ2= σ2 lec+ F2× G2× ηP + σobsc2  (2.2)

où η correspond à l’efficacité quantique, P au nombre de photons incidents, σ2

lec et σ2obsc

aux variances du bruit de lecture et du bruit sur le courant d’obscurité respectivement. ηP représente donc le nombre de photo-électrons produits, dont la distribution suit une loi de Poisson. Aux longueurs d’onde visibles, le courant d’obscurité, et donc son bruit associé, peuvent cependant être négligés. Pour les caméras Andor Luca S et Hamamatsu ImagEM que nous avons été amenés à utiliser, il atteint en effet 0,05 e/pixel/s (sous refroidissement

à air à -20◦C), et 0,01e/pixel/s (sous refroidissement à air à -65C) respectivement.

Le rapport signal sur bruit peut donc s’écrire :

RSB = q ηP

σ2

lec/G2+ F2ηP

F : plan focal du télescope DP : prisme de Dove M1 : miroir de champ M2 : miroir de pupille

PBS : cube séparateur polarisant

λ/4 : lame quart d’onde

µL : matrice de microlentilles FB : toron de fibres

VG : v-groove P : prisme dispersif

Figure 2.5 – Schéma du montage optique de l’instrument tel qu’il fut monté sur le télescope de

l’Observatoire Lick.

Cette expression rend compte de l’avantage de l’EMCCD concernant le bruit de lec- ture : étant donné que le signal est amplifié avant lecture, plus le gain est élevé, plus le bruit de lecture devient négligeable comparé au bruit de photons.

Enfin, en régime à haut gain et avec F =√2, l’expression se simplifie :

RSB =

r

η

2 ×P (2.4)

En conclusion, le mode EM permet un gain significatif en sensibilité, tout en étant limité par le bruit de photons du signal. Cependant, ce gain se traduit par une réduction du RSB, qui est alors équivalent à celui calculé avec une efficacité quantique réduite de moitié.