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5.2 Méthode d’analyse des données FIRST : l’exemple de Capella

5.2.2 Les clôtures de phase

Suivant la procédure de réduction décrite au chapitre précédent, nous avons pu ex- traire des données de clôture de phase à partir des observations de Capella, à différentes époques. Nous allons donc présenter l’allure de ces clôtures de phase et montrer qu’elles sont en accord avec ce que l’on attend d’un tel système (i.e. rapport de flux proche de 1 et séparation de l’ordre de la limite de diffraction du télescope). Nous soulignerons également la présence d’un biais dont l’impact peut être fort sur le signal de phase, et nous tenterons d’en donner une interprétation possible.

5.2. Méthode d’analyse des données FIRST : l’exemple de Capella 143

H (UT) Cible Type Rmag α δ Tpose (ms) Nimg r0 (cm)

Nuit du 16.10.2011 08 : 27 Algol EA 2,1 03h 08′ 10′′ 405720′′ 150 5000 11,5 08 : 54 150 4000 11,5 10 : 12 Aldebaran EC -0,4 04h 35′ 55′′ 163033′′ 50 5000 11 10 : 30 50 5000 9 10 : 49 Capella -0,5 05h 16′ 41′′ 455953′′ 50 5000 12,5 11 : 05 50 5000 10,5 11 : 23 50 6000 Nuit du 17.10.2011 10 : 13 Aldebaran EC 50 5000 15 10 : 29 50 5000 17 10 : 46 Capella 50 5000 14 11 : 02 50 5000 16 Nuit du 19.10.2011 08 : 58 Algol EA 200 5000 09 : 36 200/300 5000 14 10 : 22 Aldebaran EC 100 4000 10 : 44 100 5000 8 11 : 14 Capella 100 5000 15 11 : 42 100 7000 11 Nuit du 29.07.2012 12 : 06 α Per EC 1,3 03h 24′ 19′′ 495140′′ 150 5000 14 12 : 34 Algol EA 150 5000 15 13 : 26 Capella 150 5000 12,5 Nuit du 19.12.2012 03 : 53 Algol EA 200 6000 7 04 : 30 α Per EC 200 5000 8 05 : 09 Capella 200 5000 5 06 : 02 α Per EC 200 4000 7 08 : 25 β Aur EC 1,8 05h 59′ 31′′ 445651′′ 200 5000 8 09 : 14 Capella 200 5000 8 09 : 55 β Aur EC 200 5000 8 Nuit du 20.12.2012 03 : 59 β And EC 0,8 01h 09′ 44′′ 353714′′ 200 4000 8 04 : 33 Algol EA 200 6000 8 05 : 07 α Per EC 200 5000 6 05 : 58 Capella 200 5000 7

Tableau 5.3 – Liste des observations de Capella et cibles de référence (EC : étalon pour les

clôtures ou EA : étalon astrométrique) observées en octobre 2011, juillet 2012 et décembre 2012, avec leur magnitude dans la bande R, leur ascension droite α, déclinaison δ, le temps de pose Tpose,

le nombre d’images acquises dans la séquence, et une mesure éventuelle du paramètre de Fried r0

5.2.2.1 Les observations

Le système Capella a été observé à trois époques différentes à l’Observatoire Lick, avec FIRST-18 installé au foyer Cassegrain du télescope Shane, derrière le système d’Optique Adaptative : en octobre 2011, juillet 2012 et décembre 2012. La liste des observations est reportée dans le tableau 5.3.

Les données à ces trois époques ne sont cependant pas d’égale qualité. La dernière colonne du tableau correspondant à une estimation du diamètre de cohérence r0, ou para-

mètre de Fried, en fournit une indication, bien qu’il ne soit pas le seul paramètre à définir les conditions d’observations (le temps de cohérence est également essentiel, mais nous ne pouvons le mesurer).

De plus, les données acquises en juillet 2012 n’ont pu être prises qu’en toute fin de nuit, alors que le Soleil commençait déjà à se lever. Le niveau de fond des images est donc continuellement croissant. Afin de pouvoir exploiter ces images, un facteur correctif a donc dû être appliqué au niveau de fond afin de reproduire le niveau médian. Il est cependant évident que cette procédure n’est pas idéale.

Enfin, les données de décembre 2012 souffrent de mauvaises conditions : mauvais seeing et nuages approchant pour la nuit du 20.

5.2.2.2 Quel signal pour un système binaire ?

Afin de comprendre à quel signal on peut s’attendre lorsque l’on mesure le degré de cohérence d’un objet double, les visibilités et phases ont été simulées sur la figure 5.5

pour différents systèmes binaires, formés de deux sources ponctuelles présentant différents rapports de flux et séparations angulaires. La configuration du plan pupille et la couverture du plan (u,v) utilisés dans les simulations sont celles de FIRST-18 en 2011 et sont rappelées sur la figure5.5-a-c. L’orientation du système a été choisie horizontale.

On modélise la distribution d’intensité de la source de la manière suivante :

I = 1

1 + ρ(δ(r − r1) + ρδ(r − r2)) (5.5) avec ρ le rapport de flux, r = (α,β) le vecteur position angulaire et r1, r2 les positions de

chaque composante, en adoptant la notation usuelle d’un caractère en gras pour désigner un vecteur. δ(r−ri) correspond au pic de Dirac translaté à la position définie par le vecteur

ri. La fonction de visibilité complexe est donc donnée par :

V = exp (−2iπr1· f)

1 + ρ (1 + ρ exp (−2iπ∆ · f)) (5.6)

où ∆ = r2− r1 correspond à la séparation entre les deux composantes et f correspond au

conjugué du vecteur de position angulaire, il s’agit du vecteur fréquence spatiale. Celle-ci est proportionnelle à la base B formée par deux sous-pupilles repérées dans le plan pu- pille : f = B/λ. Les coordonnées du vecteur ∆ s’expriment généralement en millisecondes d’angles (mas), par exemple en unité de λ/D, lorsque la fréquence spatiale f s’exprime en mas−1. On peut alors développer la fonction de visibilité carrée et la phase :

   |V |2 = 1 (1+ρ)2 1 + ρ2+ 2ρ cos (2π∆f) 

5.2. Méthode d’analyse des données FIRST : l’exemple de Capella 145 a) b) c) −0.02 −0.01 0.00 0.01 0.02 −0.02 −0.01 0.00 0.01 0.02 u (mas−1) v (mas −1 ) −0.02 −0.01 0.00 0.01 0.02 −0.02 −0.01 0.00 0.01 0.02 u (mas−1) v (mas −1 ) d) ρ = 1 ; séparation de λ/D e) ρ = 0,9 ; séparation de λ/D f) ρ = 0,5 ; séparation de 0,5λ/D g) ρ = 0,01 ; séparation de 1,5λ/D

Figure 5.5 – Simulation de visibilité carrée et phase. a) Configuration des deux jeux de neuf

sous-pupilles (configuration de FIRST-18 en 2011). b) Couverture du plan (u,v) monochroma- tique. c) Couverture polychromatique correspondant à la plage 600 - 850 nm (d’où le fait qu’il semble échantillonné par des traits et non des points). d-g) Plusieurs systèmes binaires sont simu- lés. Chaque système est illustré sous forme d’image (encart du haut), chaque composante étant représentée par une tache gaussienne, mais simulée en réalité par une source ponctuelle. Le cercle en points verts représente la limite de diffraction de diamètre λ/D. En dessous sont représentées les fonctions de visibilité carrée (à gauche) et de phase (à droite), en fonction du vecteur de fré- quence spatiale. Le code couleur est celui reproduit sur les graphiques en dessous, qui représentent la projection des visibilités carrées (à gauche) et des phases (à droite) sur la direction du système binaire (horizontale).

Comme illustré sur la figure5.5, la fonction de visibilité carrée est une fonction sinusoïdale variant entre (1 − ρ)2/(1 + ρ)2 et 1. La perte de contraste est donc d’autant plus faible (et

difficile à détecter) que la binaire est peu contrastée. Pour un rapport de flux de 0,9, 0,5 ou 0,01, le minimum est respectivement à 0,003, 0,1 et 0,96.

En ce qui concerne la phase, on note qu’elle est sensible à la position des deux compo- santes dans le champ, contrairement à la fonction de visibilité carrée (qui ne dépend que de ∆). En effet, une translation dans l’espace image se traduit dans l’espace de Fourier par une pente de phase. Ainsi, si l’on se place dans une configuration où l’étoile la plus brillante est pointée au centre du champ, r1= (0,0) et :

ϕ = atan ρ sin (2π∆ · f)

1 + ρ cos (2π∆ · f) (5.8)

et dans le cas où ρ ≪ 1, l’expression devient simplement :

ϕ ≈ ρ sin (2π∆ · f) (5.9)

comme observé au cas g) de la figure5.5, où la fonction de phase est bien quasi-sinusoïdale et d’amplitude égale au rapport de flux : 0,01 rad=0,57◦.

Le système Capella étant composé de deux étoiles d’intensité très proche, cela garantit donc un fort signal de phase (à supposer que le système est résolu spatialement). Cela est en effet illustré sur la figure 5.5-d et se comprend par le fait que lorsqu’une distribution d’intensité (réelle) est symétrique (fonction paire), la transformée de Fourier est également réelle et paire. La phase ne peut donc prendre que les valeurs ±180◦ selon le signe du

module. Si le rapport de flux n’est pas exactement de 1, comme pour Capella, les transitions de phase deviennent plus lisses, comme illustré sur la figure5.5-b pour un rapport de 0,9.

5.2.2.3 Allure des clôtures de Capella

Les 84 clôtures de phase de Capella obtenues pour un jeu de neuf fibres à deux dates différentes sont présentées sur la figure5.6en fonction de la longueur d’onde. Les numéros de clôtures dont la correspondance avec les pupilles en entrée est listée en annexe A. Comme attendu, on note un fort signal pour les clôtures de phase de Capella (bleu), comparées à celles obtenues sur Aldebaran (rouge), utilisée comme cible de référence pour ce jeu de données, signifiant que le système est résolu spatialement et que le rapport de flux est proche de 1.

On remarque cependant que certaines clôtures de phase présentent un phénomène particulier : la transition de phase de 0 à ±π (ou l’inverse) a parfois lieu de manière opposée aux autres jeux de données (voir par exemples les clôtures portant les numéros 18, 22, 32, 56, 71, 77 des clôtures de Capella du 16 octobre sur la figure5.6-a). Cela est d’autant plus étrange qu’il n’apparaît que sur certaines clôtures, et pas systématiquement (les clôtures correspondant à la date du 17 octobre présentées sur la figure5.6-b ne présentent quasiment aucune « mauvaise » transition). De plus, comme le montre plus clairement la figure 5.7, la transition qui a lieu dans le sens contraire aux deux autres ne correspond pas toujours au même jeu de données.

Nous n’avons pas identifié l’origine de cet effet, mais l’hypothèse que nous pouvons émettre concerne un éventuel biais affectant la partie imaginaire du bispectre. Cela ne peut pas être provoqué par le bruit de photons puisque celui-ci ne conduit qu’à un biais réel du bispectre, comme nous l’avons vu au chapitre précédent. Il faut donc ici nécessairement

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a) Vue d’ensemble des 84 clôtures du v-groove gauche (nuit du 16 octobre 2011)

b) Vue d’ensemble des 84 clôtures du v-groove gauche (nuit du 17 octobre 2011)

Figure 5.6 – Vue d’ensemble des clôtures de phase spectrales pour le même jeu de fibres (v-

groove gauche) et deux nuits différentes. Les points bleus correspondent à Capella, les points

rouges à Aldebaran, la cible de référence pour ces jeux de données (voir tableau 5.3 détaillant

les observations). Les points en noir résultent de la moyenne des clôtures de Capella étalonnées par Aldebaran. Les numéros indiqués sur chaque graphe permet d’associer la clôture à trois sous-

a) Trois clôtures issues du v-groove gauche (nuit du 16 octobre 2011) 0.7 0.8 −200 −100 0 100 200 Capella 20111016g CP #34 Longueur d’onde (µm)

Cloture de phase (degr)

0.7 0.8 −200 −100 0 100 200 Capella 20111016g CP #71 Longueur d’onde (µm)

Cloture de phase (degr)

0.7 0.8 −200 −100 0 100 200 Capella 20111016g CP #77 Longueur d’onde (µm)

Cloture de phase (degr)

a) Trois clôtures issues du v-groove gauche (nuit du 17 octobre 2011)

0.7 0.8 −200 −100 0 100 200 Capella 20111017g CP #34 Longueur d’onde (µm)

Cloture de phase (degr)

0.7 0.8 −200 −100 0 100 200 Capella 20111017g CP #71 Longueur d’onde (µm)

Cloture de phase (degr)

0.7 0.8 −200 −100 0 100 200 Capella 20111017g CP #77 Longueur d’onde (µm)

Cloture de phase (degr)

Figure 5.7 – Trois exemples de clôtures de phase sont représentés de manière plus visible pour les

mêmes nuits que sur la figure5.6, sans superposition des clôtures de phases moyennes étalonnées.

Elles portent les numéros 46, 71 et 77. Pour les clôtures 71 et 77 à la date du 16 octobre, on remarque que le jeu de données résultant en une transition dans le sens contraire aux deux autres n’est pas le même dans les deux cas.

a) b)

Figure 5.8 – Illustration schématique d’un biais imaginaire sur le bispectre. a) Représentation

d’une variation schématique du bispectre par des vecteurs définis par les parties réelle et imaginaire. Chaque vecteur correspond à une fréquence spatiale. b) Phases correspondantes, gardant le même code couleur et les mêmes symboles. Un biais positif ou négatif sur la partie imaginaire du bispectre tend à rendre la transition moins franche et plus lisse, et diminue l’amplitude de la phase. L’effet est d’autant plus marqué que le biais est important.

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invoquer une autre source de biais, qui pourrait être liée au piston atmosphérique, ou aux aberrations optiques du montage de recombinaison (voir la discussion sur l’origine des biais au chapitre précédent).

L’illustration d’un tel biais est schématiquement représentée sur la figure 5.8. Ainsi, si l’on part d’une transition brutale de 0 à 180◦ (pour un système symétrique par exemple),

la partie imaginaire du bispectre complexe est nulle, seule la partie réelle varie de manière décroissante (code couleur variant du bleu au cyan sur la figure). Si un biais est introduit sur la partie imaginaire, choisi ici constant pour toutes les fréquences spatiales représentées (qui varient avec la longueur d’onde), cela a pour conséquence de décaler les pointes des vecteurs, et de rendre la transition de phase plus ou moins lisse selon l’amplitude du biais (code couleur variant du bleu au rouge pour un biais positif, du bleu au vert pour un biais négatif). Cela montre bien que le changement de signe de la partie imaginaire du bispectre peut avoir un effet considérable sur la phase, en changeant notamment le sens de la transition. Cet effet est donc particulièrement nuisible en ce qui concerne des transitions de phase de 180◦, ce qui est le cas lorsque le rapport de flux est proche de 1, comme pour

Capella.

N’ayant pas les moyens d’évaluer ce potentiel biais afin de le soustraire, l’approche adoptée consiste à moyenner les clôtures de phase et à leur associer une barre d’erreur dépendant de la dispersion des points (barre d’erreur sur la moyenne) et ensuite de les analyser. Lors des « mauvaises » transitions, cela a pour effet d’augmenter considérable- ment les barres d’erreur (de l’ordre de plusieurs dizaines de degrés, comme on le remarque sur la figure5.6). En conséquence, lors de l’analyse, un poids proportionnel à l’inverse des barres d’erreur permettra de mettre ces points de côté.