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Efficacité théorique d’injection dans les fibres

2.3 Sensibilité et stabilité

2.3.2 Efficacité théorique d’injection dans les fibres

Le couplage de la lumière dans les fibres optiques est un aspect délicat de l’instrument. Les fibres sont monomodes, afin d’assurer le filtrage spatial du front d’onde, ce qui ne facilite pas les choses en termes de couplage. Aux longueurs d’onde visibles, cela se traduit par un diamètre de cœur et donc un mode de fibre très petits (typiquement quelques microns).

2.3.2.1 L’efficacité maximale

Dans le cas d’une onde parfaitement plane dont la tache image est limitée par la diffraction, l’efficacité d’injection ne peut être supérieure à une valeur maximale η0 < 1.

En effet, le taux de couplage s’exprime comme le produit scalaire des distributions spatiales du champ incident et du mode de la fibre. Comme le champ incident est au premier ordre une onde plane, et que le mode de la fibre est gaussien, il y a inadéquation entre les deux distributions et le couplage ne peut être total. En conséquence, cela induit une perte de 22% irréductible (Shaklan & Roddier,1988), dont 4% proviennent des pertes de Fresnel à l’interface air–verre :

η0 = 0,78 % (2.9)

En présence d’aberrations, ce taux de couplage est encore dégradé. Il a en effet été démontré par Coudé du Foresto et al. (2000) que le taux de couplage dans une fibre monomode est proportionnel au rapport de Strehl, critère couramment utilisé pour évaluer la qualité de correction d’une OA.

Dans la suite, nous allons considérer les aberrations en deux temps. Celles de tip-tilt seront traitées séparément des autres, dites de hauts ordres en référence à leur décompo- sition sur les modes de Zernike (le tip et le tilt correspondent à l’ordre 2 et 3, tandis que l’ordre 1 équivaut au piston). Le système d’OA du Shane fournit en effet une correction du front d’onde en s’appuyant sur un analyseur de front d’onde comprenant 40 sous-pupilles disposées sur une trame carrée, pour un miroir déformable avec 61 actionneurs (voir 2.16

c). Les cellules de correction sont donc de la même dimension que les sous-pupilles de FIRST (environ 43 cm dans la pupille du télescope). Bien qu’optimisée pour l’infrarouge, l’OA fournit donc une correction substantielle du tip/tilt à l’échelle de chaque sous-pupille. Les aberrations de plus hauts ordres ne peuvent par contre pas être corrigées. Au passage, rappelons que le degré de liberté en tip-tilt procuré par le miroir segmenté de FIRST permet de corriger les aberrations de tip-tilt statiques locales dues aux optiques en amont, mais il n’est pas utilisé de manière dynamique.

2.3. Sensibilité et stabilité 51

Alors que l’effet des aberrations de hauts ordres ne peut être estimé que théorique- ment, nous disposons de mesures du tip-tilt résiduel après correction par l’OA, que nous utiliserons pour estimer le taux d’injection. De manière très schématique, nous évaluerons enfin le taux de couplage total par :

η = η0× η1× η2 (2.10)

avec :

– η0 l’efficacité maximale rendant compte du fait que le faisceau incident sur la fibre

ne correspond pas parfaitement au mode de la fibre ;

– η1 pour la dégradation du taux de couplage due au tip-tilt résiduel ;

– η2pour la dégradation du taux de couplage due aux aberrations de plus hauts ordres.

À noter que cette expression ne constitue bien sûr qu’une tentative d’approximer le taux de couplage, qu’il faudrait en toute rigueur calculer par le produit scalaire normalisé du champ incident aberré avec le mode de la fibre, et dont le développement analytique serait bien plus complexe.

2.3.2.2 Le tip-tilt résiduel

Figure 2.15 – Effet d’un angle de tip-tilt du faisceau incident sur la microlentille. La tache image

géométrique est translatée de x0 par rapport à un faisceau centré sur le cœur de la fibre.

Il nous faut maintenant évaluer la perte de couplage due au tip-tilt résiduel après cor- rection par l’OA. Après la microlentille, un angle de tip-tilt θ (incident sur la microlentille) se traduit par une translation x0 de la tache image par rapport au cœur de la fibre, comme

illustré sur le schéma de la figure 2.15:

x0 = fmicro′ tan θ ∼ fmicro′ θ (2.11)

avec f

microla distance focale des microlentilles. L’approximation est valable pour les petits

angles (ici θ ∼ 1 mrad).

Le taux de couplage en présence de tip-tilt s’écrit donc :

η = |

Z Z

Φ1Φ2 dxdy|2, (2.12)

avec Φ1 et Φ2 le champ incident et le mode de la fibre respectivement, tous deux étant

normalisés. Pour simplifier le calcul, nous allons approximer le champ incident par un mode gaussien. On peut donc écrire :

Φ1(x,y) = s 2 πω12exp − (x − x0)2+ y2 ω12 ! et Φ2(x,y) = s 2 πω22 exp − x2+ y2 ω22 ! , (2.13)

avec x0 la translation de la tache image sur le cœur de la fibre. On obtient alors : η(x0) =  1ω2 ω12+ ω22 2 × exp − 2x 2 0 ω21+ ω22 ! (2.14)

Pour un alignement parfait (x0=0), on trouve :

η(0) =  1ω2 ω2 1+ ω22 2 . (2.15)

Si l’on suppose que le faisceau incident est optimisé pour le mode de la fibre, soit ω =

ω1 = ω2, on trouve bien un taux de couplage de 100%. Dans la suite, on reste dans cette

hypothèse, étant donné que la mauvaise adéquation du mode incident avec le mode de la fibre est prise en compte dans le terme η0 déjà mentionné. On peut enfin exprimer η(x0)

en fonction de l’angle de tip-tilt :

η(x0) = exp − x2 0 ω2 ! = exp −θ 2f′2 micro ω2 ! , (2.16)

avec θ l’angle du faisceau incident sur la microlentille, et f

micro sa longueur focale. On

remarque que l’efficacité de couplage en fonction du décalage x0peut donc être approximée

par le profil du mode gaussien de la fibre.

La dernière étape consiste à estimer la valeur moyenne η2 du taux d’injection. Le tip-

tilt résiduel est effectivement une grandeur qui fluctue de manière aléatoire. Des mesures du tip-tilt résiduel ont été réalisées régulièrement grâce au système d’OA, et nous ont été fournies par Elinor Gates. Chaque série contient 4096 mesures de la position du centroïde des images de chaque sous-pupille de l’analyseur de front d’onde, qui ont été effectuées à une fréquence de 500 Hz. La disposition des sous-pupilles de l’analyseur est représentée figure2.16c). Quelques exemples de ces mesures sont présentées en a) de cette même figure. Les distributions radiales de tip-tilt résiduel par sous-pupille peuvent être approximées par une densité de probabilité gaussienne, comme le montrent les histogrammes représentés dans le panneau b).

Les valeurs de tip-tilt résiduel qui nous ont été communiquées sont par ailleurs rappor- tées sur le ciel. La relation entre cet angle, θciel, et l’angle d’incidence sur la microlentille, θ, est directement donnée par le grossissement total :

θ = G × θciel, avec G = Φpup

Φmicro ∼ 1700, (2.17)

où Φpup et Φmicro sont les diamètres des sous-pupilles respectivement dans la pupille du

télescope et au niveau des microlentilles.

Il est intéressant de noter par ailleurs qu’une relation linéaire décroissante s’ajuste bien sur la relation entre l’écart-type des distributions et le paramètre r0, comme illustré sur

la figure 2.16 d) :

σθciel (mas) = −2,6 r0+ 185,2 (2.18)

On peut ainsi approximer la densité de probabilité sur l’angle de tip-tilt θ au niveau des microlentilles par une fonction gaussienne d’écart type σθ :

= √ 1 2πσθ exp −θ2 2 θ ! (2.19)

2.3. Sensibilité et stabilité 53 a) b) −1 0 1 −1 0 1 −1 0 1 no 0 no 4 no 10 no 17 no 18 no 19 no 29 no 35 no 39 c) d) 10 15 20 25 120 140 160 15 20 25 30 120 140 160 r0 (cm) a 550 nm Dispersion (rms) du tip−tilt r0 (cm) a 680 nm

residuel sur ciel (mas)

σθ (mas) ~ −2.6 r0 + 185.2 mas

Figure 2.16 – a) Représentation d’une séquence de mesures de tip-tilt résiduel par l’OA pour

plusieurs sous-pupilles. Les points représentent la position du centroïde mesurée par l’analyseur de front d’onde et rapportée sur le ciel en secondes d’arc. b) Histogramme des distributions radiales. c) Géométrie du miroir déformable de l’OA (document tiré du guide d’utilisation en ligne de l’OA), où sont repérées les positions des actionneurs du miroir (en vert) et des sous-pupilles de l’analyseur de front d’onde (rouge). d) Estimations de l’écart-type représentées en fonction du r0.

Le théorème du changement de variable aléatoire nous donne la relation entre les densités de probabilité : fη(η) = fθ(θ) |dηdθ| . (2.20)

On peut ainsi évaluer la valeur moyenne de la variable η :

η =

Z

fη(η)ηdη =

Z

fθ(θ)η(θ)dθ (2.21)

qui s’écrit de manière explicite :

η = 1 +2σθ2f′2micro ω2

!−12

= η1, (2.22)

ce qui donne par exemple environ 84% à 700 nm pour un r0 de 22 cm (estimé à 550 nm).

2.3.2.3 Les aberrations de hauts ordres

Pour finir, nous allons considérer les aberrations de hauts ordres (c’est-à-dire autres que tip-tilt) que l’on ne peut estimer que de manière théorique.

Dans le cas d’aberrations faibles, il a été montré que le taux de couplage dans une fibre monomode peut être approximé par l’énergie cohérente (Rousset et al.,1991;Ruilier & Cassaing,2001) :

η2 ∼ Ec = e−σ

2

φ, (2.23)

avec σ2

φla variance spatiale de la phase turbulente dans la pupille.

D’après Noll (1976), la variance de phase résiduelle sans considération du tip-tilt s’écrit : σφ2 = 0,134 D r0 53 , (2.24)

avec D le diamètre de la pupille et r0 le paramètre de Fried. Ainsi, lors des observations

menées en juillet 2010, les conditions étaient excellentes et nous avons pu bénéficier d’un

r0 moyen de 22 cm à 550 nm. Sachant que r0 varie en λ 6

5, cela conduit à un r0 de 28 cm à 680 nm (centre de la bande spectrale), donc à une variance de phase de 0,26 rad2 et enfin

à une énergie cohérente de 76%.

2.3.2.4 Récapitulatif sur le taux de couplage théorique

Finalement, on peut donc estimer le taux de couplage global par le produit des diffé- rentes composantes considérées. Chacune de ces contributions ainsi que le produit total sont représentés sur la figure2.17en fonction du r0à 550 nm. Lors des observations menées

en juillet 2010, le r0 moyen à 550 nm était de 22 cm, conduisant à un taux de couplage

théorique de 52%.