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L’installation au foyer du télescope Shane de l’Observatoire Lick

2.2 Première lumière à l’Observatoire Lick

2.2.1 L’installation au foyer du télescope Shane de l’Observatoire Lick

2.2.1.1 Un peu d’histoire...

L’Observatoire Lick fut construit à la fin du XIXème siècle grâce aux fonds d’un mé-

cène nommé James Lick. Celui-ci était charpentier, constructeur de pianos, et arriva à San Francisco en 1848, une quinzaine de jours avant l’annonce de la découverte d’or en Californie. Il fit alors fortune, non en se ruant vers l’or comme des milliers de personnes

affluant alors en Californie, mais en acquérant des terrains, et en construisant un hôtel. Son investissement fut très rentable puisque la population de San Francisco passa d’un millier en 1848 à plus de 20 000 en 1850, et 150 000 en 1870. À sa mort, James Lick était l’homme le plus fortuné de Californie.

Soucieux de laisser un monument à sa mémoire, vers la fin de sa vie, James Lick envisagea de faire construire d’immenses statues à son effigie et à celle de ses parents, ou encore de faire construire une gigantesque pyramide. Ce fut son ami, George Davidson, astronome et géographe, mais aussi président de l’Académie des Sciences de Californie, qui lui insuffla finalement l’idée qu’il pourrait ériger un observatoire astronomique accueillant la plus grande lunette jamais construite. Le chantier débuta ainsi en 1876 sur le Mont Hamilton, faisant de cet observatoire le premier à être construit sur une montagne. James Lick décéda la même année et fut inhumé en 1887 à l’endroit prévu pour la grande lunette de 36 pouces, soit 91 cm. Le « Great Lick refractor »vit sa première lumière en 1888 et resta l’instrument le plus puissant jusqu’en 1897, année de construction de la lunette de 40 pouces (102 cm) de l’Observatoire Yerkes à Chicago.

Le télescope Shane de 120 pouces (3 m) de diamètre fut inauguré un demi siècle plus tard, en 1959. Son nom lui fut donné en 1978 en l’honneur de C. Donald Shane, directeur de l’observatoire lors de la conception et de la construction de l’instrument. Lors de sa mise en service, il était le second plus grand télescope du monde, après le télescope Hale de 200 pouces (5 m) de l’Observatoire du Mont Palomar.

L’Observatoire Lick fut le lieu de plusieurs avancées scientifiques et techniques. La grande lunette permit en effet la découverte de nombreuses étoiles binaires (dont Capella en 1899), de comètes, et notamment du 5ème satellite de Jupiter, Amalthea. En 1891,

Michelson réalisa également les premières mesures sur ciel avec un interféromètre stellaire en appliquant un masque sur la lunette de 12 pouces de l’observatoire, et mesura avec succès les diamètres des satellites joviens. Bien plus tard, en 1969, le télescope Shane fut impliqué dans la mission Apollo 11 Lunar Module. De puissantes impulsions laser étaient envoyées vers les rétro-réflecteurs déposés sur la Lune, et le télescope Shane détecta en premier la lumière réfléchie, qui donna accès à la mesure de la distance Terre-Lune avec une précision de 25 cm.

2.2.1.2 Le télescope Shane

Le télescope Shane offre la possibilité d’observer en trois foyers différents :

– foyer du miroir primaire : à l’origine, un observateur y observait directement à l’œil, logé dans un habitacle étroit en haut du télescope, mais aujourd’hui, une caméra a remplacé l’observateur, et sert notamment à observer des objets faibles (la transmis- sion du télescope étant maximisée puisque le nombre d’optiques dans le faisceau est réduit au seul miroir primaire) ;

– foyer coudé : un spectrographe à échelle y est placé, occupant deux pièces en dessous du télescope, utilisé notamment pour la détection d’exoplanètes et l’analyse de la composition chimique des étoiles ;

– foyer Cassegrain : situé derrière le miroir primaire, différents instruments peuvent y être montés, tel que le double spectrographe Kast, la caméra infrarouge Gemini et le système d’optique adaptative.

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2.2.1.3 L’interface mécanique

L’installation de FIRST au foyer coudé aurait été idéale en termes de stabilité et de simplicité de montage, mais afin de profiter du système d’optique adaptative (OA), une installation au foyer Cassegrain était requise. Même si l’OA est optimisée pour l’infrarouge, elle est d’une utilité notable pour FIRST puisqu’elle permet de stabiliser les franges, jouant alors le rôle d’un suiveur de franges. Les cellules de correction sont effectivement de mêmes dimensions que les sous-pupilles de FIRST puisque l’analyseur du front d’onde présente 40 sous-pupilles (la pupille de FIRST est quant à elle divisée en 37 ouvertures), et le miroir déformable 61 actionneurs.

Cependant le bénéfice de l’OA est acquis au prix d’une installation délicate. L’adap- tation mécanique, illustrée figure 2.10, consiste en cinq pieds fixés sur le banc de l’OA sur lesquels vient s’accrocher la table optique de FIRST, de près de 100 kg. Les tables optiques sont donc positionnées verticalement, rendant toute procédure de réglage relati- vement périlleuse. Aussi l’instrument est nécessairement entraîné dans le mouvement de pointage du télescope, le rendant particulièrement sujet aux flexions mécaniques. Dans la partie injection du montage, les flexions ont pour effet de déplacer la pupille, induisant la perte du flux dans certaines fibres. Concernant la partie recombinaison, l’instabilité du v-groove par rapport aux microlentilles a pour effet de translater l’image des franges sur le détecteur, jusqu’à la sortie totale de l’image dans certaines positions extrêmes, ce qui sera illustré plus tard, au paragraphe 2.3.4. En conséquence, les premières observations durent être menées sur des cibles proches de la position pour laquelle les réglages avaient été effectués, c’est-à-dire proche du zénith.

2.2.1.4 L’interface optique

Concernant le montage optique, il était prévu que le faisceau de la voie scientifique (en rouge sur la figure2.10) soit prélevé sur le banc de l’OA, et envoyé sur la table optique de FIRST à l’aide d’un périscope (système de deux miroirs orientés à 90◦ l’un de l’autre). Le

faisceau passe donc au travers d’un trou d’une dizaine de centimètres de diamètre laissé ouvert dans la table optique de FIRST, visible sur la figure2.10c) et d).

Cependant, un malentendu lors des échanges entre l’équipe du Lick et l’équipe FIRST a conduit à une erreur d’une dizaine de centimètres sur le positionnement de ce trou par rapport au faisceau de l’OA qui devait initialement être prélevé. En effet, comme illustré sur la figure 2.10 b), FIRST devait récupérer la totalité du faisceau de la voie scientifique représentée en bleu. Mais le trou dans la table tombant finalement 10 cm à côté, c’est-à-dire au dessus de la voie d’analyse, nous n’avons pas eu d’autre choix que de prélever une partie de ce faisceau. Par chance, un cube séparateur opérant dans le visible et suffisamment grand (2 pouces de côté, la dimension du faisceau atteignant 35 mm) était disponible dans les placards du Lick. Une monture fut improvisée par Guy Perrin, ce qui permit à FIRST de voir ses premiers photons...

L’adaptation optique est ensuite assez simple : la focale de la lentille de collimation est choisie telle que le faisceau ait le même diamètre que le miroir segmenté (4,2 mm), tout en imageant le plan pupille sur le premier miroir du système d’imagerie de la pupille (voir paragraphe2.1.2.2).

a)

b) c)

d)

Figure 2.10 – a) Banc de l’optique adaptative, avec les cinq pieds de FIRST positionnés.

b) Schéma du montage optique de l’OA, où sont reportées les positions approximatives des pieds. La voie bleue représente la voie d’analyse dans le visible, la voie rouge la voie scientifique infrarouge. La vignette 1 repère l’emplacement initialement prévu pour prélever le faisceau, la 2 l’emplacement final. c) Plan Solidworks de l’interface par Frédéric Chapron. d) Le banc FIRST une fois monté. L’armature métallique noire rentrant en collision avec la table optique, il a fallu en couper une portion dans le coin inférieur droit.

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