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Mesures de prophylaxie offensive

3. ETUDE DE LA TUBERCULOSE CHEZ L’ELEPHANT

3.6 Mesures prophylactiques contre la tuberculose de l’éléphant

3.6.2 Mesures de prophylaxie offensive

Lorsqu’un foyer de tuberculose se déclare dans une collection zoologique, il est souvent difficile de savoir quelles sont les mesures à prendre immédiatement et quelles sont celles qui peuvent attendre. Ce paragraphe présente les différentes mesures de prophylaxie offensive lors d’apparition d’un cas de tuberculose chez un éléphant et suggère un ordre hiérarchique à adopter dans une telle situation.

a.

Mesures de limitation immédiates

Dès qu’il y a suspicion de tuberculose chez un éléphant, les premières mesures à prendre consistent en :

- l’interdiction stricte de tout mouvement d’animaux du parc, jusqu’à ce que la suspicion soit levée.

- l’isolement immédiat de l’animal suspect et la mise en place de mesures de quarantaine adéquates, concernant notamment les bâtiments, le matériel et le personnel.

- l’inventaire de tous les animaux ayant été en contact avec lui, notamment les autres éléphants et les animaux des enclos adjacents, sans oublier les animaux récemment déplacés dans d’autres parcs zoologiques.

- la réalisation des examens nécessaires à la confirmation de la suspicion, à savoir un prélèvement de sang le plus rapidement possible (pour soumission à des tests sérologiques, notamment le test rapide ElephantTB StatPak®), et éventuellement (en fonction des résultats des premiers tests) la réalisation de lavages de trompe (pour analyse bactériologique).

Après ces mesures d’ « urgence », une estimation de la propagation de l’infection au sein du parc doit être réalisée.

b.

Estimation de l’impact du foyer tuberculeux

Si la tuberculose est confirmée (ou que la suspicion est très forte) sur un éléphant, il est nécessaire de tester :

- les autres éléphants du troupeau : des tests sérologiques (ElephantTB StatPak +/- ELISA ou MAPIA) doivent être effectués sur chaque individu du groupe le plus rapidement possible, ainsi qu’éventuellement une « triple » culture sur lavage de trompe.

- tous les mammifères ayant été en contact avec l’éléphant positif (étant donné que tous les mammifères sont sensibles à la tuberculose). Ceux ci regroupent les animaux partageant l’enclos des éléphants (dans le cas d’une présentation mixte), mais aussi ceux occupant les enclos adjacents. On ignore quel périmètre exact il est judicieux de considérer comme étant « à risque » : 20 à 30 mètres semblent être un bon compromis si l’on prend en compte uniquement la dispersion par l’individu infecté. Cependant, la dissémination des bacilles, autrement que par l’éléphant lui- même, existe (matériel, fumier, personnel) et l’ensemble de la collection doit donc bénéficier d’une attention particulière. Par ailleurs, outre les problèmes logistiques liés à la réalisation de tests de dépistage sur les autres espèces (pour les enclos adjacents), se pose le problème du manque de fiabilité de ces tests chez les autres espèces: les résultats doivent ainsi être interprétés en connaissance de cause et en gardant un esprit critique.

- les membres du personnel ayant été en contact avec l’éléphant positif. Des tests intradermiques doivent être réalisés et comparés, dans l’idéal, avec les résultats des examens de référence effectués lors de l’embauche, ou lors de tests antérieurs. Ces résultats sont particulièrement difficiles à interpréter et le recours à d’autres examens permet parfois d’aider au dépistage (radiographies thoraciques et tests interférons gamma notamment). Ces démarches sont sous la responsabilité, en France, de la médecine du travail et ne peuvent être que suggérées (et non imposées) par l’institution zoologique elle-même.

Ces différents tests doivent être lancés le plus rapidement possible car les délais nécessaires à l’obtention des résultats sont souvent longs. Tout résultat positif ou douteux doit par ailleurs

La troisième mesure offensive importante consiste en une désinfection adéquate des locaux et du matériel.

c.

Désinfection de l’environnement

Il est très important de procéder à une désinfection rigoureuse de l’environnement contaminé afin de limiter l’expansion de la maladie. Les bâtiments, l’ensemble du matériel, les réservoirs d’eau et ceux de nourriture doivent être désinfectés avec méthode, en deux temps :

- Un récurage et un nettoyage mécanique complets, sans lesquels toutes les mesures de désinfection sont inutiles.

- Une désinfection chimique au moyen de produits efficaces contre les mycobactéries et appliqués en respectant les temps d’attente. A noter que les bacilles tuberculeux résistent aux acides, aux bases en solution et aux ammoniums quaternaires, mais sont sensibles à l’iode, à l’alcool, aux dérivés phénoliques, aux hypochlorites et au formol (cf §.3.1.2.e.). Des solutions de phénol à 30 g/L (3-5 %) ou d’hypochlorite à 1° chlorométrique peuvent être utilisées.

Ce cycle doit être répété trois fois à 7 jours d’intervalle dans la mesure du possible.

A noter que la désinfection chimique peut être remplacée par une désinfection physique : les bacilles sont tués à 121 °C pendant 15 minutes.

Des procédés mécaniques, tels que le retournement du sol dans l’enclos extérieur par exemple, sont parfois associés aux mesures de désinfection des bâtiments.

Remarque : Il est possible que l’ensemble de ces mesures de désinfection soit dicté, effectué et/ou pris en charge par les autorités sanitaires du pays (DSV en France).

Après la mise en place de ces mesures prophylactiques pratiques (dépistage et désinfection), une enquète épidémiologique doit être lancée pour les raisons évoquées dans le paragraphe suivant.

d.

Enquête épidémiologique

Lorqu’un cas de tuberculose est confirmé sur un éléphant, la réalisation d’une enquête épidémiologique en amont et en aval du foyer de départ est primordiale. Elle doit permettre idéalement d’identifier :

- la source de l’infection,

- la date approximative de la contamination,

- les établissements susceptibles d’avoir été infectés,

- les animaux et les personnes devant être considérés comme étant « à risque ».

L’examen de sérums antérieurs permet souvent de retracer l’histoire de la maladie et de dater le début de l’infection. Ceci justifie l’importance de constituer une sérothèque où sont

conservés des sérums prélevés à intervalles réguliers. Des dossiers médicaux individuels à

jour et les registres décrivant les mouvements des animaux sont également d’une aide précieuse lors de ces enquêtes.

Par ailleurs, la réalisation d’une enquête épidémiologique nécessite souvent la collaboration d’autres institutions zoologiques, institutions ayant hébergé l’éléphant infecté dans les années précédentes ou ayant reçu récemment un animal en contact avec l’éléphant malade. Il est très important pour faciliter ce type d’enquête que les parcs coopèrent en faisant preuve d’une

totale transparence.

Ces enquêtes épidémiologiques sont aujourd’hui facilitées par l’utilisation de nouveaux outils permettant notamment de typer les mycobactéries (R.F.L.P., spoligotyping). En effet, ces techniques moléculaires permettent de distinguer plusieurs souches au sein d’une même espèce de mycobactérie, en fonction des caractéristiques du génome de l’agent en question (cf §.3.5.2.a.iii.). Ainsi, l’identification de souches semblables sur deux individus est en faveur d’une même origine (transmission interindividuelle ou même source de contamination). Ces techniques ont permis de mettre en relation des foyers de tuberculose étant survenus sur des espèces différentes, comme l’illustrent de récents cas en Suède et en France [87] ou dans des institutions différentes et géographiquement éloignées, comme l’illustrent plusieurs exemples en Amérique du Nord [81].

d’alerter les autres institutions zoologiques concernées (en amont et en aval du foyer) afin qu’elles enrayent également l’infection.

Les mesures décrites jusqu’ici visaient à limiter la dissémination de l’agent infectieux, voyons à présent quelles sont celles qui visent à éliminer cet agent.

e.

Mesures d’assainissement

Les mesures d’assainissement d’un troupeau visent à éliminer l’infection au sein du groupe. Ces mesures concernent non seulement les éléphants mais aussi l’ensemble des espèces sensibles ayant été en contact avec le troupeau. Le fait que les individus excréteurs constituent la source principale d’infection explique l’intérêt d’éliminer les animaux infectés. Imposé pour les troupeaux domestiques, l’abattage total n’est évidemment pas une solution envisageable dans les parcs zoologiques, il s’agit donc d’identifier au préalable le statut infectieux de chaque animal concerné.

Une fois que ces statuts sont définis, trois options sont envisageables :

- Eliminer l’infection en traitant les animaux excréteurs et les animaux porteurs. - Eliminer l’infection en euthanasiant les animaux excréteurs et les animaux porteurs. - Combiner les deux options précédentes : par exemple, en euthanasiant les animaux

excréteurs et en traitant les animaux porteurs latents.

Le choix de l’une ou l’autre de ces options est toujours un choix délicat et dépend de nombreux facteurs propres à chaque institution. Chacune de ces possibilités présentent par ailleurs des intérêts et de nombreuses limites, dont il sera sujet dans la suite de ce manuscrit.

Le chapitre suivant fait le point sur les connaissances actuelles en matière de thérapeutique anti-tuberculeuse chez l’éléphant et sur les limites inhérentes à la mise en place de ces traitements.

3.7 Outils thérapeutiques disponibles pour le traitement d’un