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Etude symptomatologique et lésionnelle de la tuberculose chez l’éléphant

3. ETUDE DE LA TUBERCULOSE CHEZ L’ELEPHANT

3.4 Etude symptomatologique et lésionnelle de la tuberculose chez l’éléphant

Les données cliniques et nécropsiques sont souvent les seuls paramètres directement accessibles au vétérinaire praticien dans un parc zoologique. Connaître la symptomatologie clinique et lésionnelle de la tuberculose chez l’éléphant permet ainsi d’être attentif aux signes évocateurs de la maladie afin de la suspecter précocément.

3.4.1 Symptomatologie de la tuberculose chez l’éléphant

D’une manière générale, la tuberculose est une maladie infectieuse à évolution chronique typique, c'est-à-dire caractérisée par [5] :

- Une évolution lente et progressive, s’étendant sur des mois voire des années. - La survenue de poussées aigües, qui peuvent accélérer et/ou aggraver l’évolution. - L’existence de formes asymptomatiques.

Par ailleurs, comme chez de nombreuses autres espèces, la tuberculose-maladie chez l’éléphant est caractérisée par [5] :

- Une grande variété des signes cliniques, qui peuvent toucher tous les organes (localisation plus ou moins fréquente notamment selon le mode de contamination). - Des manifestations cliniques peu caractéristiques, dominées en fin d’évolution par

un amaigrissement marqué des animaux (syndrome de dépérissement).

- Un défaut de corrélation entre l’intensité des signes cliniques et l’importance des lésions.

Chez l’éléphant, de nombreuses formes sont cliniquement silencieuses, il est très important de retenir qu’il y a beaucoup plus d’individus infectés que d’individus malades. L’infection tuberculeuse peut rester latente pendant des années voire pendant toute la vie de l’animal. Sur les 34 cas de tuberculose confirmés aux Etats-Unis entre 1994 et 2005, 12 éléphants étaient totalement asymptomatiques de leur vivant. Le diagnostic a été posé lors de l’autopsie, et a même été considéré comme une découverte post-mortem « accidentelle » pour plusieurs d’entre eux [75] .

Les signes cliniques, lorsqu’ils sont présents, sont habituellement tardifs et regroupent des symptômes non spécifiques, associés ou non à des symptômes respiratoires. De nombreux articles s’accordent sur le fait que ces signes ne sont présents qu’en fin d’évolution de la maladie chez l’éléphant et qu’aucun signe pathognomonique prémonitoire n’est habituellement visible [88].

Les signes cliniques non spécifiques rapportés chez les éléphants tuberculeux sont les suivants [5, 38, 49, 73, 81, 88, 107] :

- Perte de poids, amyotrophie et syndrome de dépérissement, - Perte d’appétit,

- Léthargie et faiblesse, - Intolérance à l’exercice.

Néanmoins, bien que rarement observés, des signes spécifiques d’affection respiratoire ont été décrits en fin d’évolution de la maladie chez l’éléphant [49, 88, 100, 106, 110] :

- Des cas de dyspnée sont rapportés : les animaux respirent alors laborieusement et peuvent également présenter une toux parfois forte. De l’halitose y est quelquefois associée.

- Des écoulements muco-purulents, oculaires ou nasaux, ont été décrits dans plusieurs cas très avancés (la mort est survenue généralement dans les jours suivant l’apparition de ces signes) [16, 38, 75].

- Plusieurs observations d’oedème ventral ont été rapportées chez des éléphants tuberculeux [100, 110]. Cependant, de nombreuses autres causes peuvent y être associées.

Lorsque ces signes sont présents et marqués, ils sont les témoins d’une atteinte pulmonaire sévère. Cela signifie fréquemment que l’animal est porteur et excréteur du bacille depuis un temps suffisant pour avoir été une menace pour ses congénères et pour l’homme [75].

Remarque : Même si l’atteinte pulmonaire est la localisation la plus fréquente chez l’éléphant, d’autres appareils peuvent également être impliqués : des désordres digestifs ou génito- urinaires peuvent notamment survenir dans de très rares cas [75].

Ainsi les signes cliniques sont discrets, non spécifiques et donc difficiles à interpréter. Le tableau lésionnel, quant à lui, est habituellement plus évocateur.

3.4.2 Tableau lésionnel lors de tuberculose chez l’éléphant

D’un point de vue macroscopique, quelle que soit l’espèce concernée, la tuberculose est caractérisée par des lésions [5] :

- Soit localisées et bien délimitées : les tubercules.

- Soit étendues et mal délimitées : les infiltrations et épanchements tuberculeux (de nature exsudative).

A l’échelle microscopique, la lésion la plus représentative, considérée comme hautement spécifique de la tuberculose, est le follicule tuberculeux [5] constitué :

o d’un centre nécrotique homogène (caséum),

o d’une première couronne de cellules (histiocytes, macrophages), associées ou non à des cellules géantes multinuclées, les cellules de Langhans.

o d’une seconde couronne purement lymphocytaire.

L’évolution de cette lésion se réalise fréquemment dans le sens d’une calcification du caséum avec fibrose périphérique.

Chez l’éléphant, les lésions sont souvent limitées aux poumons et aux nœuds lymphatiques thoraco-bronchiques [88] ; des lésions trachéales sont également parfois présentes [35]. Cependant, l’implication de sites extra-thoraciques, bien que moins fréquente, est rapportée : des tuberculoses extra-pulmonaires ou disséminées ont ainsi été décrites chez l’éléphant [2, 38, 75, 91]. Le foie, les reins, la rate, les surrénales et le tractus génito-urinaire doivent notamment faire l’objet d’une attention particulière. Les lésions peuvent être très volumineuses : des abcès de 15 cm de diamètre, ainsi que des noeuds lymphatiques infiltrés atteignant 30 cm ont été rapportés [35].

Il est important de retenir que toutes les lésions viscérales (microscopiques et/ou macroscopiques) sont systématiquement accompagnées de lésions ganglionnaires (ganglions satellites, cf §.3.2.2.a). Ces dernières étant parfois les seules présentes, il est primordial de rechercher activement les lésions dans les nœuds lymphatiques, et ceci, même en l’absence de lésions pulmonaires [5].

Malgré le polymorphisme des lésions tuberculeuses rencontrées chez l’éléphant, il est possible de distinguer deux tableaux lésionnels différents selon le stade d’évolution de la maladie :

o Dans les formes non extensives : des lésions de type nodulaire s’exprimant par le

Figure 8 : Granulome tuberculeux à nécrose caséeuse centrale. Les gros nodules sont entourés par des granulomes épithélioïdes satellites plus petits. E. maximus, femelle, 45 ans.

(Photo : Hailu Kinde, UC Davis, 2001, [88])

o Dans les formes extensives (cas avancés) : des lésions sévères caséo-calcaires et

Figure 9 : Section d’un abcès pulmonaire caséeux.

L. africana, femelle, 21 ans.

(Photo : C.Vitaud, Safari parc de Peaugres, 2005)

cavitaires sont observées dans le parenchyme pulmonaire et impliquent souvent l’ensemble des lobes. Ces lésions résultent fréquemment en de larges abcès pulmonaires (jusqu’à 15 cm de diamètre), colonisés par M. tuberculosis, mais également par des bactéries opportunistes, telles que Pseudomonas aeruginosa [75, 77].

développement de tubercules plus ou moins volumineux, grossièrement sphériques, nettement perceptibles et bien délimités sont les plus fréquentes. Ces nodules granulomateux renferment parfois un centre caséeux nécrotique et sont notés, la plupart du temps, dans le tissu pulmonaire et les nœuds lymphatiques thoraco-bronchiques (qui apparaissent ainsi hypertrophiés).

Le tableau histologique typique lors de tuberculose chez un éléphant est donc composé de granulomes épithélioïdes à cellules géantes (parfois à nécrose caséeuse centrale) dans le noeud lymphatique initial et les jeunes lésions pulmonaires et d’une pneumonie caséeuse et pyogranulomateuse extensive dans les formes avancées. Bien que distribués de manière éparse, les BAAR sont plus facilement trouvés dans les aires centrales caséeuses des poumons, que dans les nœuds lymphatiques, où ils sont typiquement rares [75, 77, 88].

Bien qu’il soit difficile d’établir des statistiques concernant les prévalences des différents tableaux lésionnels, il semble que les formes extensives prédominent. Cependant, il est très important de noter que M. tuberculosis a été isolé plusieurs fois d’un nœud lymphatique sans qu’aucune lésion (ni macroscopique, ni microscopique, ni viscérale, ni ganglionnaire) n’ait pu être mise en évidence à l’autopsie.

Entre 1996 et avril 2002, sur les 10 cas confirmés et morts de tuberculose en Amérique du Nord [78] :

o 6 présentaient une affection extensive pulmonaire et/ou viscérale,

o 2 présentaient une affection localisée pulmonaire associée à de la fibrose,

o 2 ne présentaient aucune lésion à l’autopsie. La mycobactérie a alors été isolée « accidentellement » d’un nœud lymphatique unique.

Par ailleurs, s’il est vrai que les éléphants cliniquement malades de leur vivant présentent très fréquemment des lésions extensives (impliquant une grande partie du tissu pulmonaire) à l’autopsie, la réciproque n’est pas toujours vérifiée : l’observation de lésions sévères chez des individus asymptomatiques a été plusieurs fois rapportée. Cette absence de corrélation entre l’expression clinique et la sévérité du tableau lésionnel constitue évidemment l’une des difficultés diagnostiques de la tuberculose chez l’éléphant.

Enfin, des plaques tuberculeuses trachéales et bronchiques ainsi qu’un exsudat caséeux ou mucopurulent tapissant les voies respiratoires supérieures (fortement évocateur d’une excrétion active de la mycobactérie) ont été rapportés dans des stades précoces comme tardifs de tuberculose. Ces observations suggèrent que l’excrétion de M. tuberculosis pourrait survenir à n’importe quel stade de la maladie, et pas uniquement dans les formes tardives, contrairement aux idées reçues [75, 77].

En conclusion, les symptômes cliniques et le tableau lésionel associés à la tuberculose chez