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3. ETUDE DE LA TUBERCULOSE CHEZ L’ELEPHANT

3.3 Epidémiologie de la tuberculose chez l’Eléphant

3.3.2 Epidémiologie analytique

Après avoir exposé quelles sont les sources de contagion possibles pour un éléphant (individus vecteurs et matières virulentes), les principaux modes de transmission du bacille sont présentés et les facteurs individuels de réceptivité sont rappelés.

a.

Sources de contagion

Les tissus, les liquides physiologiques et les supports environnementaux hébergeant des bacilles vivants capables de se multiplier dans l’organisme hôte après ingestion ou inhalation peuvent être à l’origine de la tuberculose chez l’animal et sont donc des matières virulentes.

Les excrétions issues d’individus présentant une tuberculose active sont les principales matières virulentes à l’origine de la maladie : la salive, les expectorations, le jetage nasal, les fécès, le lait, le colostrum, l’urine (lors de tuberculose rénale ou généralisée), le sperme (lors d’atteinte de l’épididyme ou du testicule) et les sécrétions utérines en sont les principaux exemples. Chez l’éléphant, M. tuberculosis a déjà été isolé à partir de sécrétions respiratoires (toux et expectorations), de lavages de trompe, de fècès, et d’écoulements vaginaux [75].

Les organes et les ganglions, sièges du foyer tuberculeux, les muscles proches de ce foyer et le sang (bien que la bacillémie soit rare et transitoire) contiennent également des bacilles vivants et sont donc des potentielles sources d’infection.

Par ailleurs, la résistance du bacille tuberculeux étant élevée dans l’environnement, l’eau, la nourriture et le matériel d’élevage peuvent être considérés comme des sources d’infection s’ils ont été antérieurement contaminés par des particules infectieuses.

Les individus tuberculeux excréteurs constituent ainsi la principale source de contagion pour un éléphant. Ces individus peuvent être un autre éléphant mais également n’importe

quelle espèce de Vertébrés excrétant M. tuberculosis (ou M. bovis), notamment l’homme. Rappelons que les réservoirs naturels de la tuberculose sont l’homme pour M. tuberculosis et les bovins pour M. bovis.

Comme il l’a déjà été évoqué (cf §.3.2.2.b.i.), un éléphant peut être infecté par la tuberculose (c’est-à-dire héberger des bacilles vivants) sans pour autant excréter de mycobactéries (car elles sont enfermées dans des foyers profonds entourés d'une coque fibreuse ou calcifiée): ces individus ne sont pas contagieux. Seuls sont donc contagieux les tuberculeux actifs, évolutifs, excrétant des bacilles. La contagiosité est par ailleurs plus ou moins importante selon la forme de la tuberculose, les formes respiratoires ouvertes constituant le plus gros danger.

Chez les espèces où des études rigoureuses ont été menées concernant l’excrétion mycobactérienne (Homme, Bovins), il apparaît que l’excrétion est précoce, durable, importante (surtout dans les formes ouvertes) et intermittente [5]. De nombreuses inconnues demeurent quant aux modalités d’excrétion chez l’éléphant mais il semble cependant que l’excrétion du bacille soit également discontinue [50]. Ceci explique notamment les difficultés diagnostiques (risque de faux négatifs) rencontrées lorsque l’on cherche à mettre directement en évidence le bacille (cf 3.5.2.a).

Pour que l’animal soit infecté, ces matières virulentes doivent pénétrer dans l’organisme. Les modalités de cette contamination sont l’objet du paragraphe suivant.

b.

Modalités de la contamination

Il n’y a pas de transmission congénitale de la tuberculose. Cependant, les contacts étroits mère-éléphanteau et la transmission possible du bacille par le lait et le colostrum rendent la période post-partum particulièrement propice à la transmission de la maladie. Il n’en reste pas moins qu’isolé dès la naissance, un jeune issu d’une mère tuberculeuse peut être gardé.

La transmission de la maladie est donc uniquement horizontale : elle peut être directe (contacts étroits entre les individus, lactation) ou indirecte (via les locaux, le matériel d’élevage, l’eau ou les aliments).

La voie de pénétration du bacille est principalement respiratoire et correspond à

l’inhalation de microparticules (contenant des mycobactéries) excrétées par des organismes tuberculeux. Une contamination par voie digestive (lait, viande, coprophagie) est également possible mais reste moins fréquente. Les voies vénériennes, cutanées et conjonctivales sont

A l’image de ce qui est décrit chez les carnivores, les bovidés et l’homme, la voie respiratoire est la plus commune chez les éléphants [49] : elle est d’une efficacité redoutable car les bacilles pénètrent alors par la trompe, progressent le long de la trachée et sont déposés dans les alvéoles pulmonaires, où les défenses immunitaires sont les plus faibles. La bactérie provoque des lésions qui sont très riches en germes, ce qui permet une dissémination importante de l'agent infectieux par les voies respiratoires, lors des violentes quintes de toux qui accompagnent parfois la maladie dans sa forme pulmonaire.

c.

Facteurs de réceptivité

D’une manière générale, rappelons que quelle que soit l’espèce concernée, les facteurs environnementaux, c’est-à-dire les conditions d’élevage et d’alimentation, jouent un rôle non négligeable dans la susceptibilité de l’individu vis-à-vis de la maladie (cf §.3.2.1.a.). De même, certains facteurs physiologiques (lactation, gestation, chaleurs) ou pathologiques (immunodépression, stress, lésions pulmonaires préexistentes) peuvent favoriser la contamination par un bacille tuberculeux ou la réactivation d’une infection latente.

En conclusion sur l’épidémiologie analytique, la grande majorité des éléphants tuberculeux ont été contaminés par inhalation de secrétions respiratoires provenant d’individus excréteurs. D’un point de vue synthétique, voyons à présent quelle peut être l’origine d’un foyer tuberculeux et quelles en sont les modalités d’évolution.

3.3.3 Epidémiologie synthétique

a.

Origine de l’infection

D’une manière générale, quatre origines sont possibles lors d’apparition d’un foyer de tuberculose dans une collection zoologique :

- l’introduction d’un animal infecté (à partir d’une autre institution zoologique), - la présence de l’infection dans le « voisinage » (proximité d’élevages positifs, faune

- la résurgence d’un précédent foyer (récidive liée à la persistance du bacille dans l’environnement ou à sa circulation à bas bruit au sein du troupeau).

- la transmission du bacille à partir d’un humain infecté (personnel ou visiteur).

L’importance respective de ces quatre sources possibles d’introduction de la maladie dans un groupe d’éléphants dépend grandement du contexte épidémiologique local. La prophylaxie défensive (cf § 3.6.1.) visera à limiter chacun de ces risques.

Chez l’éléphant, l’analyse de l’empreinte génétique par R.F.L.P. des souches de mycobactéries impliquées dans la tuberculose chez l’éléphant en Amérique du Nord a montré qu’au moins 7 souches différentes de M. tuberculosis étaient retrouvées chez des éléphants de 6 zones géographiques distinctes [79, 132]. Ceci a permis d’exclure l’hypothèse selon laquelle un individu unique serait à l’origine de l’ensemble des cas décrits sur le sol américain et suggère qu’il y a eu plusieurs sources d’infection plutôt qu’un unique cas index s’étant disséminé.

Une fois introduit dans la collection, le bacille peut se disséminer à d’autres éléphants, à d’autres animaux du parc et à l’homme. Les modalités de cette propagation sont discutées dans le paragraphe suivant.

b.

Modalités d’évolution

L’évolution de la maladie chez l’éléphant dépend aussi grandement des conditions épidémiologiques locales. Chez cette espèce, la tuberculose est classiquement enzootique, ce qui s’explique notamment par le délai variable d’incubation, le mécanisme de propagation de la maladie dans la population et l’alternance de phases de stabilisation et de réactivation.

La propagation de la maladie d’éléphant en éléphant est possible : l’analyse de l’empreinte génétique des souches de mycobactéries impliquées dans la tuberculose chez l’éléphant a montré que les individus d’une même institution étaient globalement infectés par la même souche de mycobactérie. Cela suggère qu’il existe bien une transmission entre les différents éléphants, à moins que la contamination n’ait eu lieu à partir d’une source commune (ce qui

inconnue : elle ne semble cependant pas aisée car tous les éléphants en contact avec un éléphant infecté (appartenant au même troupeau par exemple) ne sont pas pour autant infectés [81, 132].

D’autre part, la transmission à l’homme et à d’autres animaux en contact même étroit semble faible, au vu des connaissances actuelles [24, 60, 87]. Cependant, la plupart des études ont été faites avec des méthodes diagnostiques peu sensibles et de plus amples informations devraient rapidement être disponibles.

Toutefois :

- Des transmissions inter-espèces sont décrites : des transmissions girafe-éléphant et tapir-éléphant ont pu, par exemple, être mises en évidence par génotypage (cf §.3.5.2.a.iii. pour la descrition des méthodes) lors d’un récent foyer de tuberculose dans un parc zoologique suédois [60, 87]. D’autres rapports suggèrent que des souches semblables de M. tuberculosis ont été partagées par des éléphants et d’autres espèces du parc [94].

- Une transmission homme-éléphant a été décrite : une même souche de M.

tuberculosis a été isolée chez plusieurs éléphants et leur soigneur, sans que le sens de la transmission (homme à éléphant ou éléphant à homme) n’ait pu être élucidé. (cf §.3.6.1.d.) [74].

Lors de l’apparition d’un cas de tuberculose chez un éléphant, la capacité de dissémination zoonotique du bacille et les inter-relations complexes qui peuvent exister entre les différentes espèces du parc sont les deux facteurs clés à intégrer aux mesures de limitation de la propagation de la mycobactérie (cf §.3.6.2.).

Bien que de nombreuses inconnues demeurent, les données épidémiologiques sur la tuberculose de l’éléphant progressent à mesure que des cas se déclarent à travers le monde. Il en est de même pour le tableau clinique et lésionnel associé à l’infection chez les Proboscidiens.

3.4 Etude symptomatologique et lésionnelle de la tuberculose