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Caractéristiques générales des bacilles tuberculeux

3. ETUDE DE LA TUBERCULOSE CHEZ L’ELEPHANT

3.1 Etiologie de l’infection tuberculeuse

3.1.2 Caractéristiques générales des bacilles tuberculeux

La connaissance combinée des caractéristiques morphologiques, culturales et moléculaires de la mycobactérie impliquée permet souvent d’en identifier l’espèce.

a.

Morphologie microscopique

D’un point de vue morphologique, les mycobactéries sont des organismes [5]: - droits ou légèrement incurvés,

- parfois ramifiés,

- longs et fins, en forme de bâtonnet (1,5-4 x 0,2-0,6 µm), - asporulés et acapsulés,

- immobiles,

Figure 6 : Mycobacterium tuberculosis (microscopie électronique, image CDC, [10])

Ces caractéristiques morphologiques sont semblables pour toutes les mycobactéries et ne permettent donc pas de les distinguer les unes des autres. Le recours à d’autres moyens (caractères culturaux, biochimiques ou génétiques) est nécessaire afin d’identifier l’espèce en cause.

b.

Propriétés tinctoriales

Les mycobactéries se colorent très mal par les techniques conventionnelles : leur paroi, riche en lipides, rend difficile la pénétration des colorants. Après coloration de Gram, elles apparaissent quelques fois Gram positives mais sont, le plus souvent, non observables. Cette coloration classique ne présente donc pas d'intérêt pour leur étude ou leur identification. Cependant, toutes les bactéries de l’ordre des Actinomycetales possèdent une propriété tinctoriale particulière : elles ne se décolorent pas sous l'action combinée d’un acide fort et de l'alcool et sont ainsi qualifiées d’acido-alcoolo-résistantes (A.A.R.). Cette propriété est liée à la structure même de leur paroi cellulaire (riche en acides mycoliques) qui forme une véritable enveloppe cireuse et protectrice du fait de sa richesse exceptionnelle en lipides.

Des techniques spéciales ont été mises au point pour mettre en évidence cette propriété et sont mises à profit dans les techniques diagnostiques chez l’éléphant : ce sont principalement les colorations de Ziehl-Neelsen, de Kinyoun et la coloration à l'Auramine. Cependant, elles ne permettent en aucun cas d’identifier l’espèce mycobactérienne en cause.

c.

Caractères culturaux

Les mycobactéries se différencient entre elles par leurs caractères culturaux : selon le groupe de mycobactéries, la croissance est rapide ou lente, les colonies pigmentées ou non et le milieu utilisé est plus ou moins exigeant.

En ce qui concerne les bacilles tuberculeux impliqués dans la tuberculose chez l’éléphant (c'est-à-dire M. tuberculosis et M. bovis dans une moindre mesure) [29] :

- La mise en culture nécessite un milieu adapté, toujours enrichi (milieu de type Lowenstein-Jensen) et une température d’incubation de 37°C.

- Leur croissance est lente (temps de génération proche de 20 heures) : 12 jours d’incubation sont au minimum nécessaires avant le premier repiquage.

- Les colonies sont non pigmentées, mates, peu bombées et souvent irrégulières. • M. tuberculosis donne des colonies rugueuses de teinte beige (en vieillissant,

aspect en choux fleur de couleur chamoisée) et présente une croissance qualifiée d’eugonique.

• M. bovis donne de petites colonies lisses (taille d'une tête d'épingle) et présente une croissance dysgonique (c’est-à-dire d'aspect différent de celle de M. tuberculosis).

Ces caractères culturaux permettent d’obtenir une orientation sur l’espèce de mycobactérie en cause mais ne permettent pas son identification certaine. La réalisation de tests biochimiques et/ou moléculaires complète ce tableau et permet d’aboutir à l’identification définitive du bacille.

d.

Caractéristiques biochimiques et génétiques

Les mycobactéries sont des organismes aérobies stricts, parfois micro-aérophiles (M. bovis) à l'isolement. Elles possèdent une proportion de bases CG (cytosine guanine) compris entre 61 et 71 %, ce qui est caractéristique de cette famille.

Leurs caractéristiques biochimiques permettent de les identifier lors d’isolement [29]:

- M. tuberculosis : accumule de l'acide nicotinique (test à la niacine positif), croît en présence de TCH (acide thiophènedicarboxylique), est positif au test de la nitrate réductase et possède une catalase thermolabile.

- M. bovis : ne croît pas en présence de TCH, est négatif aux tests de la niacine et de la nitrate réductase et possède une catalase thermolabile.

Les travaux concernant la génétique de certaines mycobactéries ont permis d’accomplir de grandes avancées dans la compréhension de la pathogénie de ces organismes et dans la mise en place d’outils diagnostiques performants. Le séquençage entier du génome de M.

tuberculosis (1998) a permis, par exemple, de découvrir que le gène codant pour la protéine ESAT-6 était essentiel au pouvoir pathogène chez l'homme comme chez l’animal : cette protéine, lorsqu’elle est sécrétée, déclenche une forte production d'interférons Gamma [129]. Il semble que cette caractéristique soit identique chez l’éléphant : la protéine ESAT-6 est ainsi largement utilisée aujourd’hui dans la mise au point de techniques diagnostiques indirectes (cf §.3.5.2.b.iii) [64, 66].

e.

Sensibilités et résistances

Les caractéristiques structurales des bacilles tuberculeux, et notamment le fait que leur paroi contienne des acides mycoliques, expliquent les propriétés particulières de sensibilité et de résistance de cette famille. Citons quelques unes de ces propriétés :

- Les mycobactéries sont résistantes :

o au froid,

o à la dessiccation (environ 5 années de survie à l’état desséché), o dans l’air et les poussières,

o aux antibiotiques usuels (pénicilline, tétracycline, chloramphénicol…),

o à certains antiseptiques et désinfectants chimiques (notamment aux acides et bases en solution).

- Les mycobactéries sont néanmoins sensibles :

o à la chaleur (20 minutes à 60°C, 20 secondes à 75°C), o aux rayons Ultra Violet (UV),

o à la lumière naturelle (temps de survie à la lumière naturelle : 40 jours, contre 5 mois à l’obscurité),

o à certains antibiotiques, seul ou en association (dont l’isoniazide, l’éthambutol, la rifampicine et la pyrazinamide sont les principaux exemples), qualifiés d’antituberculeux (cf §.3.7.1.c),

o à certains désinfectants utilisés à des doses adéquates (iode, alcool, dérivés phénoliques, hypochlorites, formol).

Il faut donc garder à l’esprit que la résistance des bacilles tuberculeux est toujours élevée, que ce soit dans le milieu extérieur ou dans les produits d’origine animale. Ces propriétés de sensibilité et de résistance sont importantes à connaître afin d’adapter au mieux les mesures prophylactiques lors d’assainissement (désinfection rigoureuse des locaux contaminés et pasteurisation du lait notamment).

L’ensemble de ces caractéristiques permet aux bactériologistes d’identifier la mycobactérie impliquée lors d’infection. Bien que Mycobacterium tuberculosis soit le principal responsable de la tuberculose chez l’éléphant, de nombreuses autres mycobactéries ont déjà été isolées chez les Proboscidiens.