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Importance de la tuberculose en médecine humaine

2. LA TUBERCULOSE : UNE ZOONOSE D’IMPORTANCE CAPITALE

2.1 Importance de la tuberculose en médecine humaine

Quelques données concernant la tuberculose de l’homme sont exposées ici afin de prendre conscience du risque que constitue l’apparition d’un cas de tuberculose sur un éléphant captif, constamment entouré par des membres du personnel zoologique (soigneurs animaliers, vétérinaires) et par des visiteurs.

Après avoir donné quelques informations générales sur la maladie elle même, l’impact mondial de la tuberculose et les plans de lutte qui lui sont associés sont évoqués, ainsi que la part de responsabilité de la tuberculose zoonotique dans l’espèce humaine.

2.1.1 Données générales cliniques sur la maladie chez l’homme

Il est évidemment impossible de synthétiser les données concernant la tuberculose humaine en quelques lignes. Ce paragraphe a ainsi pour seul objectif d’évoquer les principaux symptômes, les modalités de dispersion de la maladie et les principaux tests diagnostiques utilisés chez l’homme.

La tuberculose est une maladie chronique touchant principalement l’appareil respiratoire profond. Chez l’homme, les symptômes caractéristiques d’une tuberculose pulmonaire active

légère, des suées nocturnes et une perte de poids. En l’absence d’un traitement approprié ou lors d’immunodépression, la tuberculose est fréquemment mortelle.

La plupart des infections sont toutefois latentes : l’observation de signes cliniques à un moment de la vie du patient infecté survient dans seulement 4 à 10% des cas. Les personnes porteuses de la tuberculose représentent une source d’infection et la mycobactérie se disperse d’individu en individu par contact étroit. La contamination se fait principalement par voie aérienne lors d’inhalation d’aérosols contenant des sécrétions respiratoires produites lors de toux ou d’expectoration ou par voie digestive. En l’absence de traitement, une personne atteinte de tuberculose évolutive infecte en moyenne 10 à 15 autres personnes en l’espace d’une année [96].

Le diagnostic de la tuberculose humaine repose essentiellement sur la détection d’une réaction d’hypersensibilité retardée après injection intradermique de tuberculine (test de Mantoux). Il existe, par ailleurs, d’autres tests diagnostiques de plus en plus utilisés en médecine humaine : les examens cytologiques, les mises en culture de sécrétions respiratoires, les radiographies, la tomodensitométrie de la cavité thoracique et les méthodes sérologiques récemment mises au point (test Interféron Gamma notamment) en sont les principaux exemples. Les traitements mis en place sont variés, requièrent l’utilisation de plusieurs molécules et sont adaptés à la souche mycobactérienne isolée. La pratique de la vaccination anti-tuberculeuse (BCG) est courante et dépend grandement des politiques sanitaires nationales. Obligatoire en France pendant plus de 20 ans, elle est aujourd’hui controversée dans les pays à faible incidence car elle gène au dépistage de l’infection d’une part et peut être à l’origine d’une réaction inflammatoire sérieuse d’autre part.

La tuberculose est donc une maladie grave, contagieuse et difficile à diagnostiquer, à prévenir comme à traiter.

2.1.2 Incidences mondiale et régionale de la tuberculose

La tuberculose et le SIDA demeurent les premières causes de mortalité d’origine infectieuse à travers le monde et constituent des problèmes majeurs de santé publique.

La tuberculose a fait 30 millions de victimes ces dix dernières années (1995-2005) et on compte dans le monde une nouvelle infection par le bacille tuberculeux chaque seconde ! De nos jours, environ deux milliards de personnes (soit le tiers de la population mondiale)

hébergent en elles un bacille tuberculeux : 4 à 10 % de ces personnes déclareront un jour la maladie et seront alors excréteurs et contagieux.

En 2004, l’incidence mondiale de la tuberculose était estimée à 140 cas pour 100 000 habitants (pcm) et progressait à raison de 0,6 % par an au niveau mondial.

La situation est particulièrement grave dans les pays en voie de développement, qui représentent 95% des nouveaux infectés. En 2004, l’OMS estime que c’est dans la région de l’Asie du Sud-est que les nouveaux cas ont été les plus nombreux, avec 33 % de l’incidence mondiale (soit une incidence moyenne de 182 pcm) [96].

Toutefois, l’incidence par habitant est deux fois plus élevée en Afrique subsaharienne avec près de 400 nouveaux cas par an pour 100 000 habitants, et ce chiffre progresse encore. L’Afrique regroupe par ailleurs les taux de mortalité les plus élevés, s’expliquant principalement par les co-infections tuberculose-VIH et le manque de ressources nécessaires au traitement et à la surveillance de ces maladies.

Les pays occidentaux, bien que globalement épargnés, sont également concernés par la tuberculose. En France, le taux d’incidence nationale de la tuberculose humaine était estimé à 11 pcm en 2002 (contre 60 pcm en 1972) [5]. Aux Etats-Unis, 10 à 15 millions d’américains sont porteurs du bacille. En Europe de l’Est, la situation reste préoccupante avec une forte prévalence dans les pays de l’ex Union Soviétique.

Devant ce tableau alarmant, des stratégies de limitation de l’avancée de la tuberculose sont mises en place à l’échelle internationale : c’est l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui coordonne la plupart de ces programmes de lutte.

2.1.3 Plan de lutte contre la tuberculose

Dès 1993, l’OMS considère la tuberculose comme une priorité mondiale. En 2006, elle lance la nouvelle stratégie « Halte à la tuberculose », qui repose essentiellement sur la méthode DOTS (Directly Observed Therapy, Short course treatment, ce qui signifie Traitement de Courte durée sous Surveillance Directe). Ce programme vise à inverser la tendance à la hausse de l’incidence de la tuberculose d’ici 2015 et à réduire de moitié les taux de prévalence et de mortalité dans toutes les régions du monde (comparativement aux niveaux de 1990) [96].

Cependant, deux problèmes majeurs compromettent ces objectifs :

- Les co-infections VIH / Tuberculose : en effet, les sujets immunodéprimés étant plus susceptibles de développer une infection tuberculeuse, le VIH et la tuberculose forment une association meurtrière en accélérant mutuellement leur progression. La tuberculose est ainsi une cause majeure de mortalité chez les VIH-positifs : elle est responsable d’environ 13 % des décès par SIDA dans le monde. Ces co-infections sont un frein à l’efficacité des mesures de lutte mises en place, essentiellement en Afrique.

- Les tuberculoses pharmaco-résistantes : elles sont définies comme étant des tuberculoses résistantes à au moins un antituberculeux et représentent environ 20 % des cas de tuberculose humaine. Les tuberculoses multirésistantes (MDR-TB) sont des formes particulièrement dangereuses car elles sont causées par des bacilles résistants au moins à l’isoniazide et à la rifampicine, les deux antituberculeux les plus efficaces chez l’homme. Il est donc beaucoup plus difficile de soigner ce type de tuberculose : la chimiothérapie est plus longue, plus toxique et beaucoup plus chère (jusqu’à cent fois le prix d’un traitement usuel). Ces tuberculoses multi- résistantes représentent aujourd’hui environ 5 à 10 % des cas dans le monde (avec une forte incidence en Russie, en Chine, au Mexique, au Vietnam et à Haïti) [79]. Elles se rencontrent fréquemment dans les milieux socialement défavorisés ou chez les patients ne respectant pas les doses ou les durées de traitements. Ces multi- résistances sont de plus en plus préoccupantes car elles conduisent à de nombreux échecs thérapeutiques et à des taux de mortalité élevés. Environ un cinquième de ces tuberculoses multirésistantes sont également résistantes à la fluoroquinolone et à au moins un tiers des agents de seconde ligne : elles sont qualifiées d’extra-résistantes (XDR-TB) et sont mortelles dans 70 % des cas.

Sur le plan hygiénique, il est possible de distinguer les tuberculoses interhumaines (causées par la contamination à partir d’un humain infecté) des tuberculoses zoonotiques, dont l’origine est un animal tuberculeux excréteur.

2.1.4 Importance de la tuberculose zoonose

La tuberculose zoonotique représente 5 à 10 % des cas de tuberculose humaine dans les pays en voie de développement, notamment à cause de la forte prévalence au sein des troupeaux domestiques. Elle reste cependant très faible en France, de l’ordre de 0,5 % des cas enregistrés chez l’homme [5].

L’interdépendance des tuberculoses animales et humaines dépend de la nature du bacille tuberculeux en cause. Mycobacterium tuberculosis est la cause classique de la tuberculose humaine, mais il a été montré que l’homme pouvait être contaminé par d’autres bacilles tuberculeux, bacilles dont les réservoirs et les hôtes habituels sont des animaux : ces bacilles sont alors qualifiés d’agents zoonotiques.

Ainsi, M. bovis (dont les bovins sont les hôtes naturels) est l’agent classique de la tuberculose zoonotique, avec une contamination par ingestion de lait ou de viande contaminés ou lors de contacts étroits avec un animal excréteur. Cependant, cette mycobactérie tuberculeuse n’est pas la seule responsable de zoonose : M. pinnipedii (dont les otaries sont les hôtes naturels) et

M. caprae (dont les chèvres sont les hôtes naturels) sont également responsables de cas de tuberculose humaine [28].

L’absence de cas rapportés de M. tuberculosis chez les animaux en liberté suggère que la tuberculose causée par cette mycobactérie est une maladie humaine à l’origine et que les animaux infectés ne sont que des hôtes accidentels. Cependant, M. tuberculosis pouvant être transmis de l’animal à l’homme, il est également considéré comme un agent zoonotique.

La transmission de la tuberculose de l’animal à l’homme suppose qu’il existe des contacts longs, fréquents et étroits entre les deux individus. C’est notamment le cas des éleveurs (pour les animaux domestiques), des propriétaires (pour les animaux de compagnie) et des soigneurs animaliers et dresseurs (pour les animaux sauvage de parcs zoologiques ou de cirques).

Ainsi le risque zoonotique est réel et doit être constamment à l’esprit du vétérinaire lorsqu’il est face à un cas de tuberculose animale. C’est ce potentiel zoonotique et les considérations en termes de santé publique qui l’accompagnent qui expliquent l’importance capitale de la tuberculose en médecine vétérinaire.