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Mesures de prophylaxie défensive

3. ETUDE DE LA TUBERCULOSE CHEZ L’ELEPHANT

3.6 Mesures prophylactiques contre la tuberculose de l’éléphant

3.6.1 Mesures de prophylaxie défensive

Les mesures de prophylaxie défensive sont habituellement subdivisées en mesures sanitaires et en mesures médicales (chimio-prophylaxie consistant le plus souvent en une vaccination). Or, la vaccination par le BCG (souche atténuée de M. bovis) est aujourd’hui à proscrire

chez les animaux, bien qu’elle ait été longtemps pratiquée chez les primates non humains. Ce

vaccin n’est en effet pas validé chez l’éléphant et il interfère avec les méthodes de dépistage indirect rendant impossible la distinction entre un animal infecté et un animal vacciné. Par ailleurs, l’immunité antituberculeuse n’étant que partielle, il est extrêmement dangereux de prescrire chez l’animal une vaccination contre la tuberculose avec un vaccin vivant atténué (et non inactivé).

De récents progrès en immunologie et en biologie moléculaire concernant les mycobactéries laissent entrevoir la mise au point de nouveaux vaccins, notamment des vaccins inactivés (vaccins à sous-unités protéiques et vaccins à ADN recombinant) [115]. Toutefois, leur application pratique à la faune sauvage captive n’est pas encore d’actualité.

La chimio-prophylaxie étant interdite chez l’éléphant, les mesures défensives sont donc actuellement uniquement sanitaires.

Etant donné qu’il existe quatre principaux facteurs de risque d’infection (cf § 3.3.3.a.), les mesures défensives visent à limiter chacun de ces risques, à savoir :

- limiter le risque d’introduction d’un animal infecté, - limiter le risque de résurgence d’un précédent foyer, - limiter le risque d’infection provenant du « voisinage », - limiter le risque d’infection provenant de l’homme.

a.

Maitrise du risque « introduction »

Les animaux nouvellement introduits dans un parc zoologique devraient provenir d’institutions « indemnes de tuberculose », réalisant eux-mêmes une prophylaxie sanitaire rigoureuse. Toutefois, comme il l’a déjà été évoqué (cf § 2.4.2.), ces certifications sont très difficiles à mettre en place puisque la qualification d’ « indemne » ne peut pas réellement s’appliquer à une maladie concernant toutes les espèces du parc et pouvant resurgir à tout moment à partir d’un précédent foyer.

De plus, des procédures strictes de quarantaine devraient être appliquées à chaque importation, pendant un minimum de 30 jours [118]. Bien que ces mesures soient difficiles à réaliser en pratique pour les grands mammifères, il n’y a cependant aucune raison de ne les réserver qu’aux espèces « faciles » à gérer. La directive « Balai » (directive 92/65/CEE) oblige normalement les institutions agréées à disposer des bâtiments nécessaires à la réalisation de mesures de quarantaine adaptées à chaque espèce. Des examens cliniques réguliers, des prélèvements de sang (pour les analyses hémato-biochimique et pour la sérothèque) et de multiples tests de dépistage de la tuberculose (examens sérologiques +/- cultures sur lavage de trompe) sont requis pendant cette période de quarantaine. Le protocole de quarantaine suggéré par l’AAZA pour les éléphants est décrit en détail dans l’annexe F.

Par ailleurs, la réduction au minimum des entrées/sorties d’éléphants serait une mesure efficace pour limiter le risque d’introduction des maladies. Cependant, ceci irait à l’encontre de la tendance actuelle en parcs zoologiques qui est, au contraire, d’intensifier les échanges d’éléphants afin notamment d’augmenter les chances de réussite en termes de reproduction.

Ces remarques sont également applicables à tous les individus, toutes espèces confondues, nouvellement introduits dans un parc. En effet, tous représentent un risque potentiel d’introduction de la maladie, pouvant ensuite s’étendre à l’éléphant.

Eviter qu’un éléphant tuberculeux (excréteur ou porteur latent) ne soit introduit dans un groupe sain constitue dans tous les cas le pilier de la prophylaxie défensive dans la mesure où peu d’autres animaux sont habituellement vecteurs de M. tuberculosis. D’autres paramètres sont également à maitriser dans un parc, notamment le risque de résurgence d’une précédente infection

b.

Maitrise du risque « résurgence »

Le risque de persistance du bacille au sein d’un groupe d’éléphants ayant déjà été infecté est élevé, et ceci, quelle que soit l’espèce en cause. Le bacille persiste longtemps dans l’environnement et le portage inapparent semble fréquent chez l’éléphant. Ces collections devraient donc faire l’objet d’une surveillance intensive et prolongée, avec des mesures de désinfection accrues et des tests de dépistage plus fréquents sur les éléphants, comme sur les individus d’autres espèces occupant les enclos adjacents.

Les éléphants traités et considérés comme « guéris » doivent par ailleurs faire l’objet d’une attention particulière (cf §.3.7.1.f.iii.). En effet, un suivi minutieux de l’état de santé de ces animaux est indispensable afin de détecter précocément une éventuelle réactivation de l’infection. Cependant, les moyens de surveillance de l’efficacité du traitement n’étant pas infaillibles, certains suggèrent de ne pas réintroduire ces éléphants dans un troupeau sain et de les laisser « à vie » dans des groupes en cours de traitement ou ayant été traités.

Ainsi, l’assainissement n’est jamais garanti et le risque de résurgence est particulièrement difficile à maitriser car il concerne certes les éléphants mais également l’ensemble des autres espèces sensibles à la tuberculose.

c.

Maitrise du risque « voisinage »

Les animaux ne devraient être en contact ni avec la faune sauvage autochtone, ni avec les troupeaux d’animaux domestiques des alentours. Des barrières de protection adéquates devraient entourer les enclos et des distances séparant les terrains appartenant au parc des terrains extérieurs devraient être respectées. De même, le prêt de matériel entre les différentes institutions ou avec le voisinage est fortement déconseillé car il peut être vecteur de la mycobactérie.

Dans le cas particulier où les éléphants sont présentés avec d’autres espèces (enclos mixte), ces animaux doivent également subir régulièrement un dépistage valide de la tuberculose (notamment à l’introduction, cf ci-dessus) afin de limiter le risque de contamination d’un éléphant à partir d’une autre espèce. Le principe est le même pour les animaux occupant les enclos adjacents à l’aire des éléphants.

Considérons à présent le risque que constitue l’homme, réservoir principal de M. tuberculosis.

d.

Maitrise du risque « Humain »

Le risque de contamination d’un éléphant à partir d’un humain présentant une tuberculose active existe. M. tuberculosis étant un pathogène dont le réservoir principal est l’homme, il est probable que l’infection ait d’ailleurs été introduite, à l’origine, chez l’éléphant à partir d’un humain infecté. Cependant, la part de responsabiblité de l’homme dans ces multiples cas de tuberculose chez l’éléphant est inconnue : aucun cas de transmission de l’homme à l’éléphant n’a été réellement prouvé. Néanmoins, plusieurs rapports font état de souches similaires isolées chez l’homme et chez l’éléphant. Une publication récente (1998) rapporte un cas confirmé de transmission de la tuberculose entre un soigneur animalier et quatre éléphants [74] : lors d’un dépistage mené auprès des employés travaillant dans une institution privée détenant des éléphants dont quatre avaient été diagnostiqués positifs à la tuberculose, l’un des soigneurs s’est avéré présenter une tuberculose active. La souche de M. tuberculosis isolée a été comparée par R.F.L.P. avec les mycobactéries isolées chez les quatre éléphants et s’est trouvée être identique. Néanmoins, aucune indication ne permet de conclure sur le sens de la transmission : de l’homme à l’éléphant ou de l’éléphant à l’homme.

Afin de limiter le risque de contamination d’un éléphant à partir d’un humain tuberculeux en parc zoologique, les mesures prises concernent à la fois le public et le personnel zoologique travaillant avec les éléphants :

- Les visiteurs : Il a été montré dans les années 70 que le maintien des primates non humains derrière des vitres avait grandement participé à la diminution de la prévalence de la tuberculose au sein de ce groupe d’espèces [49]. Il est évidemment difficile d’installer des vitres autour des éléphants ; toutefois, les distances séparant les animaux du public devraient interdire tout contact entre les éléphants et les hommes et rendre l’enclos hors de portée des projections des visiteurs (des crachats et des éternuements notamment).

- Le personnel zoologique : Un examen clinique, une vérification du statut vaccinal (BCG) ainsi qu’un dépistage intradermique et/ou radiographique de la tuberculose devraient être imposés à tous lors de l’embauche. Seuls les employés négatifs (ou vaccinés) devraient être autorisés à travailler avec les espèces particulièrement sensibles, tels que les éléphants et les primates. Les soigneurs de ces secteurs, ainsi que les vétérinaires, devraient ensuite subir des tests de dépistage annuels. Ces personnes doivent être informées des grandes lignes de la maladie, du risque de transmission homme-éléphant et éléphant-homme et des conséquences qui en découlent.

Remarque : Ces mesures de protection des éléphants contre les humains excréteurs permettent par ailleurs également de protéger les humains contre les éléphants excréteurs.

Les mesures vis-à-vis du personnel sont de plus en plus appliquées en Amérique du Nord, mais restent très rarement mises en place en Europe. Elles sont, à l’inverse, rigoureusement respectées dans les laboratoires travaillant avec des primates non humains, où le risque de transmission de M. tuberculosis à l’homme est pris très au sérieux. Ces protocoles devraient servir de modèles aux mesures appliquées dans les parcs zoologiques.

L’ensemble de ces mesures défensives sont capitales dans la prophylaxie de la tuberculose chez l’éléphant car elles anticipent sur les risques d’apparition d’un foyer tuberculeux, foyer très difficile à enrayer par des mesures offensives, une fois déclaré.