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1 1 Le développement durable et l’agriculture : un concept et plusieurs définitions

1.3. Indicateurs et outils de mesure de la durabilité des systèmes agricoles à la ferme

1.3.1 Une mesure avant tout environnementale

Dans le cadre de travail d’une approche holistique de l’agriculture durable, il devrait être possible de répondre à deux questions : comment caractériser une pratique agricole en fonction de son effet sur toutes les composantes de l’environnement (par exemple la gestion des pesticides) et comment classifier les systèmes de culture en fonction de leurs effets sur une composante de l’environnement (par exemple la qualité de l’eau) (Girardin et al., 2000). La mise au point d'outils appropriés est considérée par beaucoup d’auteurs comme une condition pour la mise en œuvre d’une agriculture durable (Hansen, 1996).

Les composantes de la durabilité environnementale les plus utilisées dans la littérature sont divisées en quatre grands groupes, soit la qualité de l’eau, de l’air, du sol ainsi que la biodiversité (Bockstaller et al., 1997; OCDE, 1999). Lorsque le terme composante est utilisé, il s’agit d’un ensemble d’indicateurs. Agriculture et Agroalimentaire Canada ajoute, pour sa part, deux autres composantes aux quatre mentionnées précédemment, soit la gestion agroenvironnementale ainsi que l’intensité de la production. Le gouvernement du Canada s’est doté de 14 indicateurs divisés en six composantes afin d’évaluer la durabilité environnementale de l’agriculture (Lefebvre et al., 2005). Ces indicateurs utilisés par plusieurs pays sont dispendieux à évaluer et nécessitent beaucoup de manipulation. Ils sont développés pour des analyses principalement politiques. Ils n’indiquent pas à un producteur l’impact de ses propres pratiques. Pour ce faire, il faudrait ajuster le niveau d’analyse en fonction de l’entreprise agricole. En effet, la définition et l’interprétation de l’agriculture durable varient en fonction de l’échelle spatiale selon laquelle nous l’analysons, soit au niveau du champ, de la ferme, ou aux niveaux régional, national ou même mondial (Yunlong et Smit, 1994).

Au niveau de la ferme, les outils ne répondent pas à l’éventail des besoins des producteurs agricoles pour évaluer eux-mêmes l’impact de leurs pratiques sur l’environnement dans le but de trouver un juste équilibre entre la rentabilité économique et les objectifs environnementaux à atteindre (Kristensen et Halberg, 1997 dans Halberg, 1999). Différents

38 indicateurs sont disponibles selon ce que le producteur agricole désire, par exemple une analyse d’un aspect en particulier ou l’évaluation de l’ensemble de ses pratiques.

L’apport en azote est un exemple d’indicateur évaluant un aspect en particulier. Il existe une multitude d’indicateurs pour évaluer l’apport en azote et l’indicateur BASCULE pour Balance Azotée Spatialisée des systèmes de CULture de l’Exploitation en est un exemple (Benoît, 1992). L’indicateur mesure le bilan azoté au niveau de la parcelle pour toute la durée de la rotation. L’indicateur du bilan apparent, quant à lui, mesure aussi le bilan azoté mais au niveau de l’exploitation complète et ce, sur une année (Simon et Le Corre, 1992). Les échelles de temps et d’espace sont importantes comme nous le voyons avec ces deux indicateurs qui mesurent la même chose mais de façon différente (von Wiren-Lehr, 2001). L’évaluation environnementale réalisée à partir d’un ensemble d’indicateurs a intéressé plusieurs chercheurs. Une étude menée au Danemark (Halberg, 1999) a été réalisée dans le but de fournir un jeu d’indicateurs environnementaux aux éleveurs comme outils d’aide à la décision. Les sujets abordés dans ces indicateurs sont l’azote (N), le phosphore (P), l’énergie, les pesticides, le sol ainsi qu’une composante sur la présence d’éléments naturels (brise-vent, prés, etc.) À titre d’exemple, l’efficacité de l’azote (kg N exporté dans les produits/ kg N importé sur la ferme) ou encore le pourcentage des superficies non cultivées sont des indicateurs inclus dans le projet. Un total de 13 indicateurs a été retenu.

Au Royaume-Uni, la méthode du « Management environnemental pour l’agriculture » consiste à comparer les pratiques agricoles d’un producteur avec les pratiques jugées les meilleures et ceci dans le contexte de la parcelle et de son environnement direct. Les comparaisons s’inscrivent dans un système informatique informel produisant des « éco- scores » (Lewis et Bardon, 1998 cité par van der Werf et Petit, 2002). C’est une méthode essentiellement utilisée par les producteurs et leurs conseillers.

Toujours au Royaume-Uni, Rigby et al. (2001) ont créé un indicateur de pratiques agricoles durables à partir des indicateurs développés par Taylor et al (1993). Cette méthode comprend 16 indicateurs répartis en cinq composantes qui sont : la source des semences, la lutte aux maladies et insectes, la répression des mauvaises herbes, la fertilité du sol et la

39 gestion des cultures. Les indicateurs sont reliés à quatre critères de durabilité et évalués en fonction de leur impact positif ou négatif sur chacun des critères. Les quatre critères sont : la réduction des intrants hors ferme, la réduction des intrants provenant de sources non renouvelables, la connaissance et l’usage maximum des processus biologiques naturels et la promotion de la biodiversité locale en lien avec la qualité de l’environnement. Un système de points est attribué à chaque indicateur. Il est également possible d’avoir un seul résultat additionné. Ils utilisent le graphique en radar pour représenter les résultats par composante et ils inscrivent la pondération de chacune des composantes sur l’axe du graphique qui permet de voir où la contribution à la durabilité est la plus importante. Cet outil a été testé sur 80 fermes biologiques et 157 fermes conventionnelles, toutes dans le domaine de l’horticulture.

Une autre méthode qui devient de plus en plus populaire pour l’évaluation des impacts environnementaux en agriculture est l’analyse du cycle de vie (Payraudeau et van der Werf, 2005). Elle vise plutôt à évaluer la production et l’utilisation des ressources. Cette méthode adaptée au domaine agricole servait auparavant au domaine industriel afin de standardiser les calculs d’impact. La norme ISO découle de cette méthode. L’objectif est de combiner, avec un nombre restreint d’indicateurs, les émissions polluantes et les ressources utilisées tout au long de la vie d’un produit (Payraudeau et van der Werf, 2005). Par contre, cette méthode ne peut pas être transposée directement à la ferme pour l’utilisation par le producteur.

En France, plusieurs outils ont été développés au niveau de la ferme pour évaluer la durabilité des systèmes agricoles. Le diagnostic DIALECTE (DIAgnostic Liant Environnement et Contrat Territorial d’Exploitation) (van der Werf et al., 2007), version améliorée du diagnostic Solagro (Pointereau et al., 1999 cité par van der Werf et Petit, 2002), utilise un jeu de 16 indicateurs pour évaluer quantitativement l'atteinte des objectifs agroenvironnementaux. Cet outil permet une évaluation rapide et globale. Les composantes évaluées sont l’énergie, la biodiversité, la gestion des intrants et les impacts sur la qualité de l’eau, du sol et de l’utilisation des ressources.

40 La méthode AGRO*ECO développée par l’INRA en France (Girardin et al., 2000) maintenant appelée méthode INDIGO, fait appel à une matrice d’interaction. D’un côté de la matrice, on retrouve les composantes de l’environnement comme l’eau, l’air, le sol, la faune et le territoire, etc. De l’autre côté, on retrouve les pratiques agricoles qui ont été soigneusement choisies et évaluées par une analyse bibliographique complète et des experts dans le domaine. La matrice permet de voir où il y a interaction entre une pratique agricole et une composante de l’environnement. Cette méthode est basée sur l’ensemble d’indicateurs développés par Bockstaller et al. (1997).

Au Québec, un ensemble d’indicateurs agroenvironnementaux pour évaluer les fermes spécialisées en grandes cultures a vu le jour en 2011 (Thivierge, 2011). Cet ensemble comprend 16 indicateurs adaptés des indicateurs développés dans le cadre du présent doctorat. Les indicateurs ont été pondérés selon leur contribution à l'atteinte d’objectifs de durabilité environnementale préalablement définis avec des intervenants du milieu agricole. Cette section sur les indicateurs environnementaux n’est pas exhaustive mais image bien la diversité qui peut exister au sein des différents outils propres à l’agroenvironnement.