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1 1 Le développement durable et l’agriculture : un concept et plusieurs définitions

1.3. Indicateurs et outils de mesure de la durabilité des systèmes agricoles à la ferme

1.3.3 Les aspects sociaux incorporés à la durabilité

Plusieurs auteurs mentionnent que les méthodes proposées n’étendent que rarement l’évaluation de la durabilité aux aspects sociaux (von Wiren-Lehr, 2001 ; Mathijs et Wauters, 2004 ; Rasul et Thapa, 2004 ; Halberg et al., 2005). En 2010, Binder et al. ajoute que trop longtemps l’accent a été mis sur la durabilité environnementale et les aspects techniques en integrant peu l’aspect économique et par-dessus tout l’aspect social. Selon Sands et Podmore (2000), il serait préférable méthodologiquement, dans l’analyse de la durabilité, de débuter par l’analyse sur une base individuelle de chacune des dimensions du DD pour ensuite procéder à l’intégration des mesures. Toutefois, si on analyse sur une base individuelle, il faut nécessairement se rendre jusqu’à la dimension sociale.

Les interrelations avec les durabilités environnementale et économique sont intrinsèques à la notion de durabilité sociale. Un système social ne peut pas être durable s’il n’est pas économiquement ou environnementalement viable (Scott et al., 2000). En fait, la durabilité sociale reflète et agit sur les deux autres dimensions (Pepperdine, 2000).

Dans la littérature, certains auteurs associent la durabilité sociale au concept de capital social (Bridger et Luloff, 2001 ; Gafsi, 2006 ; Pretty, 2008). Le capital social est le rendement de plusieurs actions collectives, mutuelles et bénéfiques qui contribuent à la cohésion et la coopération entre les gens en société. Plusieurs valeurs sont associées au capital social telles que la confiance, la solidarité, la réciprocité (Pretty, 2002). Le capital social est en fait l’ensemble des relations qui existent parmi les acteurs d’un milieu afin de créer un climat où la productivité est favorisée et où la qualité de vie des individus et de la communauté en général est augmentée.

Il existe aussi un lien à faire entre la durabilité sociale et le capital humain. Le capital humain est la capacité totale de savoir et de compétences qui réside dans chaque personne

45 pour arriver à réaliser des projets. Le leadership et les compétences organisationnelles sont particulièrement valorisés pour utiliser plus adéquatement les autres ressources (Pretty, 2002). En fait, le capital humain est essentiel pour exploiter les ressources et en tirer profit. Le capital humain saisit également la notion d’entrepreneurship qui peut être perçu comme une des composantes de la durabilité sociale. Pour Pretty (2008), les systèmes agricoles qui possèdent des capitaux social et humain élevés sont plus en mesure d’innover dans des contextes d’incertitude. Donc, cela tend à avoir des fermes plus durables.

1.3.3.1 Des exemples d’indicateurs sociaux en agriculture

En Australie, un modèle pour l’inclusion d’indicateurs sociaux dans un projet national sur la gestion des ressources eau et sol a été testé par Lockie et al. (2002). Des facteurs d’aptitude aux changements ont été identifiés. Les indicateurs sociaux proposés en relation avec les facteurs d’aptitude aux changements ont été significatifs dans la région de production bovine à l’étude. Les indicateurs proposés étaient l’éducation, l’usage de consultants privés, le travail avec des conseillers du gouvernement pour l’adoption de nouvelles pratiques, le nombre de générations dans le métier de producteur, les employés externes de la ferme, les membres de la famille travaillant à temps partiel sur la ferme, etc. Dépendamment des régions à l’étude, ce ne sont pas tous les indicateurs qui sortaient significatifs dans chaque région.

Toujours en Australie, une étude de King et al. (2000) porte sur le potentiel de participation des producteurs dans le développement d’indicateurs. Le focus group a été utilisé comme méthodologie de l’enquête afin de recueillir les données. L’objectif était de voir la diversité des indicateurs utilisés par les producteurs en ayant un maximum de réponses possibles. Les composantes : systèmes de culture, capital, finances, gestion, ressources naturelles et unité familiale de la ferme sont ressorties. Dans cette dernière, les indicateurs qualité de vie, santé, qualité esthétique et temps libre ont été mentionnés par les producteurs. Par la suite, des indicateurs au niveau de la composante gestion sont aussi sortis en grand nombre : planification de la ferme, monitorage, calcul du temps des opérations, usage de l’expérience, pensée critique, gestion du temps et gestion du stress.

46 En Angleterre, Tzilivakis et Lewis (2004) ont décomposé les indicateurs définis au niveau national pour les rendre plus significatifs au niveau de la ferme. Des indicateurs sont présents dans les trois dimensions environnementale, économique et sociale. Au niveau social, nous retrouvons des indicateurs comme l’âge des producteurs, le nombre d’employés sur la ferme, l’adoption de système de gestion, le niveau de connaissances des codes et règlements en vigueur etc.

Rigby et al. (2001) divisent aussi l’aspect social en deux niveaux distincts. Ils considèrent un niveau social pour la ferme qui comprend l’augmentation de la qualité de vie et l’indépendance des producteurs. L’autre niveau social plus large comprend l’augmentation de l’équité en général ainsi que la production de biens (nourritures et fibres) qui répond aux besoins de la société. Bien qu’ils mentionnent l’importance de ces indicateurs, ils ne les ont pas inclus dans leur outil présenté plus tôt dans la sous-section des indicateurs environnementaux.

Il existe aussi certaines études qui mesurent la durabilité sociale rurale (Smailes, 1995 ; Scott et al., 2000 ; Pepperdine, 2000) Parmi celles-ci, l’étude de Pepperdine (2000) identifie 15 facteurs pour l’expliquer et la mesurer. Parmi ces facteurs, citons en exemple la cohésion, la prospérité du milieu, l’esprit communautaire, le voisinage, la participation sociale, les opportunités d’emploi, la communication, le temps pour des vacances et loisirs. Parmi ces facteurs, certains sont pertinents et applicables à l’échelle de la ferme par exemple le voisinage ou le temps pour des vacances et loisirs. Pour d’autres facteurs par exemple la prospérité du milieu ou l’esprit communautaire, le lien avec la ferme est moins évident. De plus, l’incorporation des aspects sociaux dans la durabilité vont également mettre les différences culturelles au premier plan. Par exemple, les asiatiques mettront beaucoup de poids au respect et au maintien d’une culture plus communautaire comparativement aux nord-américains qui misent davantage sur l’épanouissement de l’individu. Ceci se reflètera au sein des indicateurs sélectionnés.

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