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1 1 Le développement durable et l’agriculture : un concept et plusieurs définitions

1.3. Indicateurs et outils de mesure de la durabilité des systèmes agricoles à la ferme

1.3.2 Les indicateurs économiques

Dans le secteur économique de l’agriculture, plusieurs indicateurs ont été identifiés comme primordiaux pour l’évaluation de la viabilité des entreprises agricoles. Cependant, les indicateurs retenus ne servent pas toujours à évaluer la durabilité proprement dite. Souvent, les indicateurs économiques sont utilisés dans leur forme actuelle sans qu’il y ait modification afin de prendre en compte les objectifs de durabilité à l’intérieur de ceux-ci. Paillat et al. (1997) ont retenu cinq ratios potentiels permettant de faire une détection précoce des difficultés financières des entreprises laitières au Québec. Cette étude est basée sur l’analyse technico-économique cumulative de 5 années (1988 à 1992) sur 67 entreprises laitières saines et sur 41 entreprises laitières défaillantes au Québec. Ainsi, quatre années avant l’apparition des difficultés (1992), une proportion plus élevée de dettes à court terme caractérise les entreprises défaillantes. Celles-ci ont recours à la marge de crédit pour

41 rencontrer les exigences des fournisseurs sans toutefois améliorer la situation financière de l’entreprise. De plus, ces entreprises défaillantes ont une proportion d’actifs non productifs plus importante que les entreprises saines. La détermination des indicateurs retenus est basée à partir de trois modèles statistiques. L’analyse des données technico-économiques est réalisée selon la méthode d’analyse discriminante, dont l’une est paramétrique et l’autre non paramétrique, et selon la méthode de régression logistique. Les ratios identifiés sont : l’actif moyen et long terme hors fonds de terre par dollar de produit brut, la dette à court terme par dollar d’actif, les emprunts à moyen et long termes par dollar de produit brut, la marge brute par dollar de produit brut et la production de lait par vache. Cette étude introduit bien le concept d’indicateur dans le modèle québécois bien qu’elle ne soit pas directement liée à l’étude de la durabilité.

Une autre étude, recensée plusieurs fois dans la littérature et réalisée par Gomez et al. (1996), présente six indicateurs pour évaluer la durabilité au niveau de la ferme, trois indicateurs économiques et trois indicateurs environnementaux. Ils proposent qu’un système agricole durable doive satisfaire les besoins du producteur tout en conservant les ressources naturelles. Les indicateurs économiques sont traduits par le rendement, le revenu brut et la fréquence d’échec des cultures et ce sont ces trois indicateurs qui sont supposés satisfaire les besoins du producteur. Il y a très certainement un manque du côté social à cette évaluation.

En Chine, Zhen et Routray (2003) proposent quatre indicateurs économiques incluant des seuils sur la base des composantes de la durabilité que sont la productivité, le profit et la stabilité économique des entreprises agricoles dans les pays en voie de développement. La productivité des cultures, le revenu net agricole, le ratio bénéfice-coût de production et la production de grain alimentaire per capita sont les indicateurs retenus. Ces mêmes chercheurs insistent sur l’importance d’attribuer des seuils pour chaque indicateur. Trois types de seuil sont proposés, basés par exemple sur les valeurs ou niveaux historiques (de la région ou de l’entreprise), sur des niveaux visés comme objectif (déterminé à partir d’un groupe d’experts), et selon des niveaux ou seuils potentiellement réalisables (déterminés à partir de contraintes biophysiques ou des mesures existantes). Une importance est accordée

42 à la dimension économique mais il y a tout de même présence d’indicateurs dans les deux autres dimensions du DD. Ce qui est intéressant, c’est la priorisation qu’ils font des dimensions de durabilité. Ils placent l’économie au premier rang car c’est la base pour qu’une ferme dure à long terme surtout dans un contexte de pays en voie de développement.

Encore dans un contexte de pays en voie de développement, Rasul et Thapa (2004) évaluent la durabilité des systèmes agricoles basée sur les perspectives environnementales, économiques et sociales. Ces auteurs mentionnent également que les pratiques agricoles durables doivent être rentables pour être adoptées. Dans un contexte où la priorité est de procurer assez de nourriture pour la famille à court terme, sécuriser l’environnement à long terme devient moins important. Ils utilisent comme indicateurs économiques : la productivité, la stabilité des rendements, la profitabilité, les retours financier et économique, la valeur ajoutée.

En Belgique, (Van Passel et al., 2007) utilisent la notion de coût d’opportunité et des différents types de capitaux pour évaluer la durabilité des fermes. Ce concept particulier créé par Figge et Hahn 2004-2005 (cité dans Van Passel et al., 2007) propose qu’une entreprise peut contribuer à sa durabilité si elle utilise de façon la plus efficace possible tous les capitaux présents sur la ferme. Les formes de capital peuvent varier et être nombreuses. Ainsi, afin éviter des problèmes d’agrégation entre les différentes formes de capitaux, par exemple le capital naturel et le capital physique, les auteurs utilisent le coût d’opportunité. En fait, tout est transformé en coût d’opportunité. Cette méthode incorpore les trois dimensions du DD par l’inclusion des capitaux naturel et social. Cette méthode est sommairement détaillée ici car la dimension économique de la durabilité n’est pas la priorité de cette revue de littérature.

Cependant, il importe de mentionner que Larochelle (2011) a déposé un mémoire de maîtrise à l’Université Laval portant sur le développement d’une méthode d’évaluation de la durabilité technico-économique des fermes laitières québécoises. Cette étude, faisant partie intégrante de ce projet de doctorat, énumère en détail quelques-uns des outils

43 économiques présentés ici. Les composantes et indicateurs technico-économiques retenus pour l’évaluation des fermes laitières ainsi que la pondération de ces derniers pour cette section du projet sont présentés dans le tableau 1-4.

Tableau 1-4 : Indicateurs retenus dans la méthode d’évaluation de la durabilité technico- économique des fermes laitières québécoises.

Composantes Indicateurs Pondération Définition

Gestion

technique Production par vache 8 La production par vache moyenne du troupeau comparé à la moyenne provinciale de la race. Lait fourrager 12 Une estimation du lait produit par les fourrages lorsqu’on

déduit du lait total le lait produit par les concentrés Viabilité

financière

Marge de sécurité 15 La somme d’argent qui reste pour réinvestir dans l’entreprise après le paiement des charges fixes et variables. Elle est exprimée en % du revenu brut.

Endettement total par

hectolitre 10 La somme des dettes de l’entreprise divisée par le nombre d’hectolitres produits à la ferme et vendus. Contrôle des

charges

Pourcentage des charges 20 Les charges d’opération de l’année sont divisées par le revenu brut de l’entreprise et exprimées en %.

Charges machinerie par

hectolitre de lait vendu 10 Les charges associées à l’entretien, à la réparation et au financement de la machinerie agricole divisées par le nombre d’hectolitres produits à la ferme et vendus. Efficacité du

travail Lait par UTP 15 Le total de lait (en litres) produit à la ferme divisé par le nombre d’unité de travail personne (UTP) impliquées dans l’entreprise incluant les employés. Une UTP correspond à 2500 heures.

Auto suffisance

Autosuffisance en

fourrages 10 Le pourcentage des besoins en fourrages du troupeau laitier comblé par les fourrages produits sur les terres en propriété et en location à long terme (bail de location de 5 ans-50 % du volume considéré dans le calcul, 6 ans–75 % du volume, 7 ans et plus 100 % du volume).

44 Bien que la revue sur les indicateurs économiques soit assez courte, d’autres recherches ayant développé des indicateurs économiques seront présentées dans la section qui résume les méthodes tenant compte des trois dimensions de la durabilité des entreprises agricoles.