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Chapitre 5 Les déterminants de l’insertion territoriale du miscanthus au niveau de l’exploitation agricole

3. Matériel et méthode

3.1. Zone d’étude

Pour modéliser les processus d’insertion territoriale actuelle et à venir du miscanthus, nous avons choisi de mener des enquêtes en Côte d’Or (Bourgogne), où deux coopératives agricoles ont mis en place des moyens incitatifs pour que les agriculteurs implantent du miscanthus et du switchgrass dans leur bassin d’approvisionnement. L’une a débuté son action en 2006 pour trouver une alternative à la consommation de fuel, devenue une charge trop lourde au fonctionnement de son usine de déshydratation de luzerne. L’autre, ancienne sucrerie, a lancé le projet en 2008 pour convertir son site industriel de production de granulés de pulpes de betterave en production de granulés de bois et de miscanthus. Ce projet a été possible grâce aux aides du programme européen de restructuration de la filière sucre, appliquées en France en 2006. Ces aides prennent en charge une partie du coût (entre 40 et 60%) d’implantation du miscanthus et du switchgrass, en vue d’approvisionner le site industriel et, plus largement, en vue de redynamiser l’ensemble du territoire agricole marqué par le déclin de la production betteravière. Ces aides ont donc profité aux agriculteurs des deux bassins d’approvisionnement enquêtés, jusqu’à la fin de l’année 2011. Parallèlement aux aides, les deux coopératives proposent à leurs adhérents la garantie d’un prix minimum de 70€ par tonne de matière sèche et la garantie de débouchés, qui aujourd’hui s’orientent aussi bien vers le chauffage que la litière animale et les biomatériaux.

Ce terrain d’étude a été choisi pour plusieurs raisons. D’une part, cette zone présente l’avantage de pouvoir saisir différentes attitudes possibles face à un même projet territorial à l’échelle d’un bassin d’approvisionnement de coopérative agricole. Par exemple, au début de l’année 2011, moins d’un ancien betteravier sur six a fait le choix d’implanter du miscanthus, tandis que de nombreux agriculteurs qui n’étaient pas producteurs de betteraves ni adhérents à l’ancienne sucrerie ont choisi d’intégrer cette nouvelle filière. D’autre part, avec une distribution des aides économiques qui se superpose sur le bassin d’approvisionnement des deux coopératives agricoles, cette zone d’étude présente l’intérêt de pouvoir s’extraire des seules modalités financières pour expliquer le choix des agriculteurs. L’actualité de ce projet permet également d’enquêter des zones où les processus de décision sont en cours. Enfin, les potentialités agronomiques contrastées des deux bassins d’approvisionnement enquêtés (au niveau pédoclimatique) permettent également de rencontrer des choix d’implantation différents et d’affiner ainsi la compréhension des règles de localisation de ces cultures dans le parcellaire des agriculteurs.

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Enquêtes du 29 au 30 décembre 2010 Enquêtes du 21 au 23 février 2011

Agriculteurs enquêtés : Agriculteurs enquêtés :

2 éleveurs (un en bio) et 3 céréaliers 2 éleveurs et 3 céréaliers (un en bio)

Zone d’enquête correspondante Zone d’enquête correspondante

Bassin d’approvisionnement 1

- nom de la coopérative : Bourgogne Pellets - activité : granulés de bois et miscanthus

Bassin d’approvisionnement 2

- nom de la coopérative : SCA de la Haute- Seine - activité : déshydratation de luzerne

Tableau 5.1 : Échantillonnage des enquêtés

Supports utilisés par les enquêtés pendant les entretiens

Parcellaire : 4 entretiens, dont 3 parcellaires dessinés par l’enquêté lui-même

Photos satellite du village : 4 entretiens

Photos satellite des parcelles : 2 entretiens

Tableau 5.2 : Liste des supports spatiaux utilisés par l’enquêté pendant l’entretien

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3.2. Choix de l’échantillon d’enquêtes

L’adoption du miscanthus étant un processus trop récent et trop rare pour pouvoir tirer des conclusions statistiques fiables sur les profils d’agriculteurs plantant du miscanthus, nous avons fait le choix de réaliser l’échantillonnage de nos enquêtes en fonction des Orientations Technico-économiques des EXploitations (OTEX). Cette classification distingue les exploitations agricoles en fonction de leur activité principale estimée sur un critère de marge brute standard. Sachant que chaque système de production définit des règles particulières de localisation des cultures dans le

parcellaire de l’exploitation agricole (Benoît et al., 2004), nous avons cherché à enquêter différents

systèmes de production, afin de saisir une diversité de facteurs d’adoption et de localisation du miscanthus dans le territoire des agriculteurs.

De plus, cette étude ayant pour but d’identifier finement les dynamiques spatiales et d’en comprendre leur processus complexe, nous avons fait le choix d’un premier échantillon d’enquêtes assez réduit de dix agriculteurs. Le modèle du raisonnement à partir de cas permettant d’ajouter

ultérieurement ad libitum de nouveaux cas, d’autres enquêtes seront réalisées par la suite.

Ainsi, nous avons rencontré quatre éleveurs et six céréaliers sur les deux bassins d’approvisionnement de Côte d’Or (cf. tableau 5.1). Pour comprendre la diversité de points de vue entre agriculteurs d’un même bassin d’approvisionnement, nous avons également fait le choix de rencontrer parmi ces agriculteurs, deux agriculteurs qui n’ont pas implanté de miscanthus sur la zone d’Aiserey.

3.3. Conduite des entretiens

Les entretiens ont été construits en suivant la méthodologie du courant de la sociologie compréhensive de l’action, qui pour Kaufmann (1996) correspond à une méthode ayant pour but « de comprendre plus que de décrire systématiquement ou de mesurer ». La forme d’entretien qui y est associée correspond à un matériau souple permettant d’explorer toutes les dimensions du problème observé. L’intérêt est de pouvoir identifier un très large éventail de facteurs explicatifs des pratiques d’insertion territoriale du miscanthus par les agriculteurs.

Nous avons donc conduit ces entretiens autour des six champs d’investigation suivants : (i) les facteurs d’adoption du miscanthus ; (ii) son insertion et ses répercussions au sein de l’exploitation ; (iii) l’organisation spatiale de l’exploitation agricole ; (iv) la perception par l’enquêté des cultures biomasses pérennes et de l’agriculture ; (vi) les perspectives de l’enquêté concernant l’insertion du miscanthus et sa vision du territoire d’insertion idéal.

Chacun des entretiens a été mené avec un support spatial pour permettre à l’enquêté de mieux expliciter son discours sur l’organisation du parcellaire et la gestion de l’assolement (cf. tableau 5.2), (cf. figure 5.1).

Les enquêtes se sont déroulées chez les agriculteurs, pour une durée moyenne de 2 heures. Pour faciliter l’analyse du discours, ces entretiens ont tous été intégralement retranscrits, à raison de 8 heures de retranscription par entretien.

3.4. L’analyse des entretiens

Les entretiens ont été analysés selon les trois types de discours dominants de l’ensemble des enquêtés : le discours sur les pratiques d’insertion du miscanthus dans le parcellaire de l’enquêté, le discours sur les déterminants de ces pratiques et le discours sur les perspectives d’avenir des agriculteurs.

Les pratiques d’insertion territoriale du miscanthus ont été synthétisées dans un tableau en tenant compte de 11 variables (cf. tableau 5.3). Le discours sur les perspectives des enquêtés a quant à lui permis l’extraction de règles prospectives sur l’insertion territoriale du miscanthus (cf. tableau 5.8).

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Pratiques générales d'implantation de cultures biomasses pérennes

Description des parcelles d'implantation de cultures biomasses pérennes

Année d'implantation Surface

Nombre de parcelles implantées Texture du sol

Coopérative/entreprise de collecte Mode de faire-valoir

Occupation et usage du sol précédents Distance au siège d'exploitation Topographie (% pente) Risque d'inondation

Voisinage (rivière, bois, habitations, etc.)

Tableau 5.3. Liste des variables décrivant les pratiques d’insertion territoriale du miscanthus

Le miscanthus: solution pour gérer l'espace…

… par la valorisation des territoires contraignants

Opportunités perçues par les enquêtés Occurrence

solution pour valoriser les parcelles humides difficiles à travailler 10/10

solution pour réduire la charge de travail 10/10

solution pour valoriser les parcelles difficiles d’accès avec le matériel

agricole 3/10

solution pour protéger l'eau (cours d'eau et captage d'eau potable) 3/10

Le miscanthus: solution pour gérer le temps…

… par la préparation de futurs projets

Opportunités perçues par les enquêtés Occurrence

préparer le départ en retraite sans succession 2/10

développer une autonomie énergétique sur l’exploitation 2/10

préparer l’installation d’un jeune 1/10

préparer un arrêt éventuel d’activité 1/10

Tableau 5.4. Les opportunités du miscanthus exprimées par les agriculteurs (occurrence sur les 10 exploitations agricoles enquêtées)

127 Pour identifier les déterminants des pratiques, nous avons construit une grille d’analyse reposant sur les trois dimensions du discours des enquêtés : la dimension technique, la dimension sociale et la dimension économique. Chacune de ces dimensions expliquant des choix différents, nous les avons différenciées selon deux catégories de facteurs explicatifs : les facteurs d’adoption du miscanthus et les facteurs de localisation de la culture (cf. tableaux 5.5 et 5.6).