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Chapitre 2 Modèles spatialement explicites de l’utilisation des terres reposant sur les processus de décision des

B. Principaux enjeux et perspectives des méthodes de dissémination horizontale des décisions spatialement

1. Intérêts et limites des principales méthodes de dissémination horizontale des décisions

Les méthodes de dissémination horizontale des décisions reposent sur deux démarches, la démarche exclusive et la démarche inclusive. La démarche exclusive consiste à représenter les invariants d’un processus tandis que la démarche inclusive consiste à l’inverse à en représenter toutes les variantes

quel que soit son contexte (Ducrot et al, 2010). Parmi les différentes méthodes de dissémination

possibles, la première conduit souvent à la mise en place de modèles génériques et la deuxième à la mise en place de typologies.

1.1. La modélisation générique pour une application à une diversité de situations locales

La modélisation générique peut prendre plusieurs formes. Elle peut prendre la forme : (i) de concepts ou de théories existants, (ii) de représentations de processus génériques, (iii) de conception d’outils génériques et/ou (iv) d’expériences de dégradation ou de simplification des outils contextualisés

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Figure 2.21 : démarche générale d’élaboration des typologies (Girard, 2004)

Figure 2.22 : présentation des grilles répertoires (Girard, 2006)

« Les grilles-répertoires permettent de formaliser des

construits (i.e. la description des pratiques des

agriculteurs), qui différencient ou rassemblent les cas ».

Les grilles-répertoires choisis dans les travaux de Girard, 2006, sont celles du Web-GridII « pour son interactivité, ses représentations graphiques et sa disponibilité sur le web ». « Une fois codées les valeurs de chaque construit, WebGridIII propose différentes sorties d'une analyse de données classique (analyse en composantes principales) », « comme les arbres de classification hiérarchique, montrant les groupes de cas ayant des ressemblances les plus fortes »

« Ces représentations graphiques, réalisées après chaque réunion de travail, ont été utilisées comme représentations médiatrices lors de la réunion suivante : les rapprochements multidimensionnels entre cas peuvent ainsi être discutés sur une base concrète, en revenant à chaque fois à leur position sur chaque construit »

69 Quel que soit sa forme, la modélisation générique consiste en une abstraction du processus observé, permettant de l’extraire de son contexte. Ainsi, les modèles obtenus peuvent s’appliquer à des contextes territoriaux différents ; c’est leur principal intérêt.

Cependant, cette abstraction pose des difficultés pour modéliser des processus de décision relatifs aux territoires : ces difficultés ont été observées à travers la modélisation d’accompagnement portée

par la communauté de recherche ComMod (Ducrot et al., 2010). En effet, d’une part, même si un

outil générique tente d’intégrer au mieux l’hétérogénéité des situations territoriales possibles, une adaptation de cet outil aux spécificités locales est très fréquemment observée. Pour ce faire, beaucoup d’allers retours entre les ébauches successives d’un modèle générique et des modèles spécifiques sont nécessaires, ce qui pose des limites d’utilisation par un tiers non expert. D’autre part, l’extrême simplification a parfois décrédibilisé cette démarche auprès des acteurs.

La modélisation générique est donc globalement remise en question par Ducrot et al. (2010),

considérant préférable de modéliser directement la diversité des situations locales.

1.2. La typologie pour une modélisation fine des spécificités locales

Comme présenté dans la partie 1.3.2, les typologies utilisées par la communauté du changement de l’utilisation des terres servent au changement de niveau ascendant. Elles intègrent donc des facteurs externes aux EA et présentent des limites à simplifier les processus de décision.

Les typologies des agronomes, elles, sont principalement utilisées pour la dissémination horizontale. Parmi ces typologies, une grande partie est élaborée à partir d’inventaires et de classifications, sur des critères portant sur les éléments structurels de l’EA, les orientations de sa production, les résultats économiques, etc. Peu de typologies en revanche « prennent en compte la manière concrète dont l’agriculteur gère son exploitation et les justifications qu’il donne à ses choix » (Girard, 2004). Parmi cette dernière catégorie de typologies, les typologies de INRA-ENSSAA (1977) ont eu l’intérêt de spatialiser finement les types d’activités dans le territoire de la montagne vosgienne,

mais sans formaliser de démarches. Girard et al. (2008), eux proposent « étapes et outils pour

abstraire de cas des types de combinaisons définis par les pratiques les plus typiques ». Ce sont les intérêts et limites de cette méthode que nous présentons ci-dessous.

Les typologies de Girard et al. (2008) (cf. aussi Girard, 2004 ; Girard, 2006) portent sur les pratiques

d’utilisation de l’espace par l’agropastoralisme afin d’identifier le rôle potentiel des élevages dans la gestion de l’embroussaillement. Ces travaux ont été réalisés dans le cadre de la conception d’un plan de gestion dans le canton d’Arreau (Hautes-Pyrénées), dans l’objectif d’identifier des leviers d’action grâce à la conception collective d’une typologie de pratiques et de stratégies de gestion de l’élevage. La démarche employée pour réaliser de manière collective cette typologie repose sur trois étapes (cf. figure 2.21). La première consiste à échantillonner les EA à enquêter et à clarifier les attentes et rôles de chaque participant dans le processus de conception de la typologie. La deuxième étape consiste à réaliser les enquêtes et à analyser leur contenu, afin de résumer les pratiques et les stratégies des éleveurs enquêtés. Enfin, la troisième étape consiste à formaliser de manière collective les données d’enquêtes ; elle s’est elle-même décomposée en plusieurs séances pour : (a) formaliser les critères représentant la diversité des pratiques, (b) analyser la combinaison des critères pour les cas, (c) formaliser la description des types et (d) identifier les cas similaires à chaque type (cf. figure 2.21). Les originalités de cette démarche (outre son déroulement participatif) sont : (i) d’utiliser des critères qualitatifs exprimés par les agriculteurs lors des enquêtes, (ii) de caractériser les types « par leur centre sous la forme de pôles de manière à comparer chaque exploitation à chaque type par une distance et non par une appartenance stricte » et (iii) d’utiliser un outil d’ingénierie des

70 connaissances, les grilles-répertoires, comme support de discussion pour classer les cas selon leur similarité et ainsi valider la typologie co-construire par les participants (cf. figure 2.22).

L’intérêt de cette démarche est qu’elle a permis de cerner des leviers d’action opérationnels pour le plan de gestion du canton et qu’elle est une méthode généralisable à d’autres situations que celle pour laquelle elle a été réalisée ; elle répond ainsi aux objectifs méthodologiques des auteurs. En revanche, cette méthode ne permet pas de faire des simulations spatiales dans la mesure où les types sont décrits de manière littéraire et peu quantifiés. Par ailleurs, si cette méthode permet une dissémination des pratiques des agriculteurs au niveau cantonal étudié, les auteurs spécifient que la typologie développée ne peut pas s’appliquer à d’autres situations territoriales en raison de sa spécificité au contexte étudié. Ainsi, pour réaliser des simulations les auteurs préconisent d’utiliser un modèle générique couplé à une logique floue et à un modèle décisionnel.

Les limites d’un modèle générique pour disséminer des décisions ont cependant été présentées dans la partie précédente. Ces limites expliquent que d’autres méthodes de dissémination horizontale sont actuellement en cours d’exploration par la communauté des agronomes du territoire.