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2. Connaissances sur les processus de décision des agriculteurs relatifs au consentement à produire du miscanthus et

2.3. Les déterminants territoriaux

Comme nous l’avons présenté en introduction de cette partie, les déterminants territoriaux relatifs à l’adoption du miscanthus sont très peu analysés. Seules quatre études prennent explicitement en considération ces déterminants, sans les définir néanmoins et sans apporter de conclusions communes.

2.3.1.La « qualité » des terres

Ainsi, les travaux récents de Augustenborg et al. (2012) et de Glithero et al. (2013) montrent que la

qualité des terres impacte le consentement à produire : par exemple, dans Augustenborg et al.

(2012), l’inadéquation de la qualité des terres constitue un frein à l’adoption du miscanthus pour 19% d’agriculteurs enquêtés. Sans chercher à identifier ce qu’est cette qualité des terres pour les agriculteurs enquêtés, ni même à expliquer pourquoi elle est tantôt favorable à l’adoption du miscanthus et tantôt défavorable, ces deux études prouvent l’importance de ce facteur dans les prises de décision des agriculteurs.

Pour approfondir la définition de la qualité des terres et ses liens de causalité avec l’adoption de cultures énergétiques, Paulrud et Laitila (2010) ont analysé la proportion d’implantation des cultures énergétiques selon la localisation géographique de l’EA. Les résultats de cette étude montrent alors que le niveau d’implantation est bien déterminé par la localisation géographique de l’EA. Les auteurs

expliquent cette détermination par le contexte agricole, i.e. (i) par l’effet de la demande en énergie

liée à une filière régionale, mais aussi, (ii) par l’effet des caractéristiques pédoclimatiques des terres induisant un niveau de compétitivité entre les cultures. Ainsi, par ce deuxième effet, les zones ayant les plus hauts rendements moyens en céréales sont celles dont le niveau d’implantation observé est le plus bas.

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Tableau 1.5 : description des parcelles marginales implantées en miscanthus d’après les enquêtes de Bocquého (2012)

Encadré 1.6. Répartition de la localisation du miscanthus sur les terres marginales et non marginales de l’échantillon enquêté (Bocquého, 2012)

Liens entre marginalité des terres et insertion territoriale du miscanthus parmi l’échantillon d’enquêtes de Bocquého (2012)

Part des terres marginales dans le territoire d’EA des producteurs de miscanthus

- 92% des producteurs de miscanthus ont des terres marginales dans leur EA

- ces terres marginales représentent en moyenne 11% de la SAU Part des terres marginales parmi les parcelles implantées en miscanthus

- les terres marginales représentent 56% de la surface implantée en miscanthus (cf. tableau 1.5)

Part des principales pratiques d’insertion territoriales du miscanthus selon le niveau de marginalité des terres

- 49% des producteurs ont inséré le miscanthus sur des terres marginales

- 37% des producteurs ont inséré le miscanthus sur des terres non-marginales - 14% des producteurs ont inséré le miscanthus sur des terres mixtes

Interprétation du lien entre marginalité des terres et insertion territoriale du miscanthus de Bocquého (2012)

« On en déduit qu’en moyenne le miscanthus est préférentiellement implanté sur des parcelles marginales, mais qu’il ne s’agit pas d’une condition générale à l’adoption du miscanthus » (Bocquého, 2012).

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2.3.2.La « marginalité » des terres

De nombreuses publications montrent que la marginalité des terres est un concept difficile à définir. Récemment, Shortall (2013) a montré que ce concept relevait d’une imbrication de trois points de vue distincts : le point de vue ambigu de la qualité des terres, le point de vue des capacités de production, et le point de vue de la rentabilité économique de la parcelle. Ainsi, à notre connaissance, les liens de causalité entre la marginalité des terres et le consentement à produire du miscanthus n’ont fait l’objet que d’une seule étude menée par Bocquého (2012) à travers (i) une enquête descriptive des caractéristiques des parcelles jugées marginales par les agriculteurs enquêtés et (ii) la conception d’un modèle économétrique d’adoption du miscanthus en fonction de la marginalité des terres.

L’enquête descriptive de Bocquého (2012) s’est faite en demandant aux agriculteurs d’identifier les causes d’éventuelles difficultés de travail de certaines parcelles implantées ou non en miscanthus. Les critères prédéfinis et proposés aux agriculteurs pour décrire ces causes étaient : la qualité du sol, l’éloignement de la parcelle, sa taille, son niveau de pente et son niveau d’irrégularité dans la forme. Ainsi, l’analyse des résultats d’enquêtes de Bocquého (2012) montre d’une part « qu’en moyenne le miscanthus est préférentiellement implanté sur des parcelles marginales, mais qu’il ne s’agit pas d’une condition générale à l’adoption du miscanthus » (cf. tableau 1.5 et encadré 1.6). Elle montre d’autre part que globalement, la caractérisation de la marginalité des terres pose des difficultés : (i) car une parcelle peut être marginale pour une ou plusieurs raisons combinées et (ii) car pour Bocquého (2012), la notion de marginalité est « subjective et relative », dépendant des préférences de l’agriculteur et de ses perceptions, ainsi que du contexte même de l’EA.

La modélisation de Bocquého (2012) montre par ailleurs que la détermination du consentement à

produire du miscanthus diffère selon le type de terre, i.e. selon si la parcelle est marginale ou non.

Ainsi, l’auteur montre que pour les terres marginales, l’adoption est déterminée par l’âge, le revenu non agricole, l’élevage et l’actualisation standard, tandis que sur les terres non marginales, l’adoption est déterminée par l’ancienne production ou non de betteraves et par les évènements extrêmes.

2.3.3.L’organisation spatiale du territoire et l’impact paysager

Les travaux de Augustenborg et al. (2012) montrent que le consentement à produire du miscanthus

est déterminé par l’organisation du territoire en termes d’infrastructures mises à disposition et en termes de conditions d’accès et de transports des récoltes de miscanthus jusqu’à l’usine de collecte. Ainsi, ces déterminants constituent respectivement un frein à l’adoption du miscanthus pour 35% et 29% des enquêtes. Malgré ce résultat qui tend à montrer que l’organisation spatiale du territoire impacte sur le consentement à produire du miscanthus, aucun travail connu à ce jour ne prend en compte ces déterminants pour comprendre les prises de décision des agriculteurs.

Par ailleurs, la méta-analyse de Ostwald et al. (2013) portant sur les études réalisées en Suède sur

quatre cultures énergétiques (miscanthus exclu), montre que les déterminants territoriaux sont très peu étudiés pour les nouvelles cultures énergétiques alors que les impacts de ces déterminants ont été prouvés pour les cultures énergétiques plus anciennes (cf. tableau 1.6). L’impact paysager de l’insertion de ces cultures en termes d’appréciation esthétique et en termes de régulation de processus écologiques fait partie de ces déterminants d’ores et déjà reconnus pour impacter

l’adoption des premières cultures énergétiques. Ces déterminants ont été étudiés par Haughton et

al. (2009), via des groupes de discussion et par Dockerty et al. (2012) via des simulations de paysage

présentées auprès de populations locales (cf. figure 1.6). En revanche, aucune étude ne porte sur les liens entre la perception paysagère des agriculteurs eux-mêmes et l’insertion territoriale du miscanthus.

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Tableau 1.6 : déterminants du consentement à produire des cultures énergétiques (Ostwald et al., 2013)

Figure 1.6 : paysages simulés pour étudier l’impact paysager du miscanthus sur l’acceptabilité sociale (Dockerty et al., 2012)

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Ainsi, l’ensemble des travaux existants n’est pas suffisant selon Ostwald et al. (2013). Une approche

plus compréhensive des processus de décision est nécessaire selon eux.

“Finally, there are knowledge gaps in the literature as to why farmers decide to keep or change a production system. Since the Swedish government and the EU intend to encourage farmers to expand their energy crop production, this knowledge of such motivational factors should be enhanced” (Ostwald et al., 2013).

Les conclusions de Bocquého (2012) montrent aussi que le consentement à produire du miscanthus est lié aux caractéristiques spatiales du parcellaire de l’agriculteur et que cette question est donc à explorer de manière fine, compte tenu des difficultés de caractérisation des terres marginales et du lien entre la marginalité des terres et l’adoption.

3. Discussion sur les connaissances existantes sur les décisions relatives à l’insertion