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Conclusions des auteurs sur les intérêts potentiels du RàPC pour transposer des décisions d’une EA à une autre

Chapitre 2 Modèles spatialement explicites de l’utilisation des terres reposant sur les processus de décision des

B. Principaux enjeux et perspectives des méthodes de dissémination horizontale des décisions spatialement

3. Intérêts potentiels du raisonnement à partir de cas comme nouvelle méthode possible de dissémination

3.3. Conclusions des auteurs sur les intérêts potentiels du RàPC pour transposer des décisions d’une EA à une autre

d’une EA à une autre

Pour Le Ber et al. (2003), Metzger (2005), Osty et al. (2008), le système ROSA a permis de répondre

au premier objectif assigné au système. Il permet en effet de fournir un outil pour structurer et manipuler les documents, informations et connaissances, issus des enquêtes en exploitations agricoles. Les auteurs montrent aussi que l’outil permet de répondre au deuxième objectif car il « permet d’interroger les modes de raisonnement des agronomes et de révéler des connaissances implicites, tout au long du processus de construction du système ». La conception du système ROSA ne se réduit donc pas selon eux, à la mise au point d’un outil pour les agronomes, mais se constitue bien comme un processus collaboratif de construction de connaissances.

Plus globalement, les auteurs montrent que c’est une méthode « qui s’adapte bien aux questions difficilement traitables par les méthodes classiques de l’agronomie : complexité, incertitude, variabilité spatiale, variabilité temporelle tandis qu’il n’existe pas d’outils de modélisation reconnus pour traiter ces caractéristiques ». Pour les auteurs, les résultats de ces travaux montrent alors que

« la rencontre de l’agronomie des territoires et du raisonnement à partir de cas peut s’avérer

fructueuse, tant pour l’agronomie, à la recherche de méthodes qualitatives d’appréciation de la complexité, que pour l’informatique, confrontée à des problématiques nouvelles ».

De notre point de vue, le RàPC apparaît comme une solution prometteuse pour identifier les règles de décision, et pour transposer ces règles de décision d’une EA à une autre, tout en tenant compte des spécificités de chacun de ces cas, grâce à l’étape d’adaptation.

Plus globalement, nous faisons l’hypothèse que le RàPC est une solution innovante et adaptée pour procéder à une dissémination spatialement explicite des décisions de plusieurs EA à un territoire plus large et contribuer ainsi à répondre aux enjeux méthodologiques des modèles de changement de l’utilisation des terres présentés en première partie de ce chapitre. Pour appuyer cette hypothèse, nous avons choisi de présenter de manière plus approfondie le cadre formel de modélisation du RàPC dans le chapitre qui suit.

74 Résumé du chapitre 2

Le chapitre 2 présente les enjeux méthodologiques et les perspectives de recherche des modèles spatialement explicites du changement de l’utilisation des terres.

Ce chapitre présente dans une première partie les méthodes et difficultés des modèles produits par la communauté de recherche sur l’utilisation des terres. Il montre que ces modèles sont limités dans leur capacité de modélisation des processus de décision des agriculteurs sur de grands territoires.

D’une part, les démarches top-down de modélisation allouent les changements de l’utilisation des

terres par des règles arbitraires et modélisent les processus de décision des agriculteurs de manière

trop simplifiée ; d’autre part les démarches bottom-up de modélisation allouent bien les

changements de l’utilisation des terres à partir des processus de décision des agriculteurs, mais ont des difficultés à étendre leurs simulations sur des territoires englobants (par changement de niveau d’organisation ascendant) ou sur des territoires plus étendus (par dissémination horizontale).

Compte tenu de l’intérêt de la dissémination horizontale (scaling out) pour modéliser finement les

processus de décision des individus et compte tenu du manque de méthodes et d’outils disponibles par la communauté du changement de l’utilisation des terres pour procéder à cette dissémination, la deuxième partie du chapitre 2 présente les méthodes de dissémination horizontale existantes en agronomie.

Ce chapitre montre premièrement que la dissémination horizontale par l’utilisation de modèles génériques est limitée par les besoins fréquents d’un nouveau paramétrage de ces modèles pour une meilleure adaptabilité aux nouvelles zones d’application, remettant en question l’intérêt même de la montée en généricité de ces modèles.

Ce chapitre montre deuxièmement que la dissémination horizontale par une typologie située du fonctionnement de l’EA présente un grand intérêt pour modéliser les diversités locales des pratiques des agriculteurs. En revanche, si la typologie permet une dissémination horizontale dans un contexte territorial similaire à celui à partir duquel elle a été élaborée, la typologie n’apparait pas être un outil adapté pour une dissémination sur d’autres territoires. Qui plus est, la typologie du fonctionnement

d’une EA, telle que réalisée de manière originale et fine par Girard et al. (2008), ne permet pas non

plus d’automatiser facilement cette dissémination.

Ce chapitre montre troisièmement que la dissémination par couplage des règles de décision et des régularités statistiques est une alternative intéressante pour une dissémination automatisée sur de larges territoires, mais qu’elle ne permet pas à ce jour de tenir compte de la diversité des processus de décision des agriculteurs.

Ainsi, dans une dernière partie, ce chapitre montre que la dissémination horizontale par RàPC est originale et qu’elle semble répondre aux principales limites des autres méthodes employées. D’une part, le RàPC est une méthode informatique permettant une dissémination horizontale automatisée. D’autre part, le RàPC repose sur un raisonnement par analogie permettant aussi, en principe, de transposer les processus de décision relatifs à l’organisation spatiale et fonctionnelle d’un territoire d’EA, au territoire d’une autre EA, tenant compte des dissemblances entre ces territoires.

Ainsi, les conclusions de ce chapitre portent sur l’intérêt potentiel du RàPC comme nouvelle méthode possible de dissémination horizontale des décisions spatialement explicites du changement de l’utilisation des terres. Le chapitre 3 a alors pour objectif d’approfondir cette réflexion en présentant de manière plus approfondie les méthodes et enjeux méthodologiques du RàPC.

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Chapitre 3

Raisonner à partir de cas pour modéliser les décisions des agriculteurs relatives à l’insertion territoriale du

miscanthus : quels méthodes, intérêts et difficultés potentiels?

77 Préambule

Dans le chapitre 2 nous avons présenté les principaux enjeux des modèles spatialement explicites du changement de l’utilisation des terres, ainsi que les nouvelles perspectives de recherche de la communauté du changement de l’utilisation des terres. Parmi ces perspectives, émerge celle de

substituer une dissémination horizontale de processus de décision des agriculteurs (scaling out) à un

changement de niveau d’organisation vertical usuellement employé par les modélisateurs (scaling up

et scaling down). Nous avons donc présenté dans la deuxième partie du chapitre 2, plusieurs

méthodes de dissémination horizontale.

Parmi ces méthodes, nous avons présenté celle du raisonnement à partir de cas (RàPC), employée entre 2000 et 2005 dans le projet de recherche « Modélisation, comparaison et interprétation d’organisations territoriales agricoles » : cette méthode a été choisie pour mémoriser et exploiter des résultats d’enquêtes en exploitations, en vue de fournir une aide au diagnostic des territoires (Le Ber

et al., 2003 ; Metzger, 2005 ; Osty et al., 2008). Nous avons plus particulièrement présenté le cadre

formel général du RàPC et du système ROSA développé dans le cadre de ce projet.

Or les conclusions de ces travaux montrent : (i) que le RàPC s’adapte bien aux questions difficilement

traitables par les méthodes classiques de l’agronomie des territoires, i.e. des questions complexes,

incertaines, variables dans le temps et l’espace, (ii) que le RàPC permet d’outiller une dissémination des processus de décision d’une exploitation agricole à une autre, tout en tenant compte de leurs variabilités particulières dans l’espace (ce qui n’est pas à ce jour encore rendu possible par les autres méthodes de dissémination horizontale s’appuyant sur une montée en généricité des processus de décision des agriculteurs).

Il convient donc à présent de présenter le cadre formel du RàPC de manière plus approfondie, pour identifier les potentialités de cette méthode pour modéliser l’insertion territoriale du miscanthus à partir des décisions des agriculteurs. Cette présentation fait l’objet de ce chapitre 3.

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Encadré 3.1 : le raisonnement analogique

Le raisonnement par analogie consiste au transfert et à l’adaptation d’une propriété ou d’une relation, des objets « d’un univers » (source) aux objets « d’un autre univers » (cible).

Figure a : carré d’analogie d’après Lieber (2008)

La figure 1 représente le carré d’analogie proposé par Py (1994) d’après Lieber (2008). Dans cette figure, les relations Δ pb et Δ sol représentent les liens entre un problème srce et un nouveau problème cible ; les relations β srce et β cible représentent quant à elles les liens entre un problème et une solution (appelés liens de dépendance).

Le raisonnement par analogie consiste alors à inférer la solution de cible sachant (i) que « la solution de cible est à la solution de source, ce que le problème cible est au problème source » et sachant (ii) que « la solution de cible est au problème cible ce que solution de source est au problème source ». Autrement dit, le raisonnement par analogie consiste à inférer la solution de cible à partir des connaissances sur les relations Δ et β étant donné un problème cible, un problème source et sa solution (Lieber, 2008).

Encadré 3.2 : l’apprentissage à partir d’expériences dans le domaine de la psychologie cognitive et de la philosophie

Le raisonnement à partir de cas s’appuie sur l’apprentissage à partir d’expériences et plus particulièrement sur la théorie de la mémoire dynamique de Schank (1982).

Cette théorie concerne la compréhension d’histoires énoncées en langage naturel. Elle montre (i) que l’Homme se sert de schémas mentaux décrivant par exemple ce qui se passe dans un restaurant, (ii) que ces schémas sont formalisés dans des « scripts » décrivant une suite d’évènements attendus (ex : entrer, s’installer, ...), (iii) que ces scripts contiennent des explications permettant de les adapter et (iv) qu’ils sont organisés dans une mémoire dynamique MOPS (Memory Organisation Packets) les rendant généralisables et spécialisables (le script « commerçant » se spécialise en un script « restaurant » et « magasin de vente » dans la figure).

79 Le raisonnement à partir de cas (RàPC) est une méthode de résolution de problèmes de l’intelligence artificielle (Cf. figure 3.1) : il consiste à résoudre des problèmes en s’appuyant sur la réutilisation de solutions de problèmes déjà résolus (Riesbeck et Schank, 1989). Le RàPC tire ses origines de travaux sur le raisonnement par analogie et sur l’apprentissage à partir d’expériences (Cf. encadré 3.1 et encadré 3.2) : il s’est développé dans les années 1980 (Riesbeck et Schank, 1989 ; Slade, 1991 ; Kolodner, 1992 ; Aamodt et Plaza, 1994) et est depuis utilisé dans divers domaines d’application

(Lopez et Mantaras et al., 2005) tels qu’en jurisprudence, en médecine, en cuisine, en architecture,

en environnement (Ram et Wiratunga, 2011 ; Agudo et Watson, 2012) et pour ce qui nous intéresse plus particulièrement dans la thèse, en géographie et en agronomie (cf. partie 3).

Figure 3.1 : cadre méthodologique du RàPC et techniques associées (d’après Watson, 1999)

Pour présenter les enjeux méthodologiques du RàPC afin d’identifier ses potentialités pour modéliser l’insertion territoriale du miscanthus à partir des décisions des agriculteurs, nous commencerons par présenter dans une première partie le cadre méthodologique du RàPC (structure du RàPC) en termes de connaissances nécessaires à son fonctionnement et en termes de tâches de raisonnement. Nous présenterons ensuite dans une deuxième partie, les principaux intérêts du RàPC mis en avant dans la littérature, puis dans une troisième partie, les applications proches du sujet de la thèse en agronomie et en géographie. Enfin, nous terminerons par présenter dans une quatrième partie les principales difficultés de mises en œuvre du RàPC et quelques solutions employées pour y faire face.