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3.4 Les datations 14 C

3.5.2 Le matériel lithique taillé

Jean Detrey

Il s’agit d’un corpus composé de quatorze artefacts (fig. 19). La moitié de ces objets proviennent de niveaux attribués à La Tène ancienne (c. 5.2 et 5.1), un éclat est issu du niveau Bronze final (c. 5.4), cinq artefacts proviennent du niveau médiéval (c. 4.1 à 4.2.3) et une pierre à fusil a été retrouvée dans la couche 2. Sauf pour deux artefacts, les données stratigraphiques et typologiques ne permettent pas de faire d’attribution chrono-culturelle. La pierre à fusil, provenant des niveaux supérieurs actuels ou subactuels, a été aménagée en silex originaire de Meusnes (Loir-et-Cher, F) (pl. 1.1). Ce type d’artefact est bien connu dans la région (Detrey et al. 2005). Il est à noter que la présence de cortex sur la face supérieure ainsi que l’organisation de la retouche échappe totalement aux standards militaires définis dans les

textes officiels au moment de la pleine production de ces pièces au début du 19e siècle (Ehretsmann 1985). La mise en œuvre des normes militaires n’était peut-être pas chose aisée au quotidien, notamment au cœur du combat, mais peut-être existait-il aussi un « circuit parallèle » de production dans les mines officielles, où la récupération de supports non standards pouvaient être un moyen d’enrichir un tant soit peu la soupe quotidienne du tailleur. Un petit nucléus multipolaire a été trouvé dans la couche 5.1 (pl. 1.4). La totalité de ses faces a fait l’objet d’une exploitation en vue de produire des éclats. Ce type de nucléus a déjà été trou-vé en contexte Mésolithique sur le territoire du canton, en Ajoie (Aubry et Detrey 2008).

En plus de ces deux objets datables, un autre outil a été découvert dans cette couche 2 ; il s’agit d’un éclat à cortex résiduel porteur d’une retouche abrupte partielle. Ni le type d’outil ni le support ne permettent de proposer une attribution culturelle.

Il faut signaler également la découverte de trois artefacts en silex lors de sondages effectués à une cinquantaine de mètres à l’est du site protohistorique du Tayment (Paupe et al. 2001). Il s’agit de deux éclats, l’un cortical et l’autre à cortex résiduel, et d’une lame à bord cortical. Mais là non plus, aucune attribution culturelle n’est possible.

Note

1 G. Lüscher a classé ce type d’écuelle dans son groupe 3 (Lüscher 1993, p. 40, fig. 27a).

Occupations protohistoriques au sud de Delémont : de l’âge du Bronze final au Second âge du Fer CAJ 31

Annexe 3.1

Le Tayment. Résultats des datations 14C

(selon Reimer et al. 2004, OxCal v3.10 Bronk Ramsey 2005).

Couche 5.1, sondage 668 CHB --, UA-17830 Couche 5.1, base CHB 67, UA-17832 Couche 5.1, base CHB 69, UA-17833 Couche 5.1 CHB 95, UA-17834 Couche 4.2.3 CHB 9, UA-17831 Couche 5.4 CHB 126, UA-17835

2000 cal BC 1000 cal BC cal BC / cal AD 1000 cal AD

3230 ± 75 1610 - 1420 BC 1690 - 1370,1340 - 1310 BC 2235 ± 70 390 - 340,320 - 200 BC 410 - 100 BC 2350 ± 65 720 - 690,540 - 360 BC 800 - 200 BC 2260 ± 60 400 - 350,300 - 200 BC 410 - 160 BC 2310 ± 70 490 - 460, 450 - 440, 420 - 340, 320 - 200 BC 750 - 600, 550 - 150 BC 1630 ± 75 340 - 540 AD 240 - 590 AD Date BP Datation

4.1 Les fouilles

Le toponyme La Beuchille désigne à la fois un plateau et une ferme situés sur le versant nord du Montchaibeux. Le plateau s’étend sur une longueur approximative de 1000 m entre les lieux-dits Le Tayment à l’est et La Deute à l’ouest (chap. 1, fig. 1 et 2). Avec une différence de niveau d’environ 20 m, ce plateau do-mine les plaines alluviales de la Birse et de la Sorne, ainsi que les quartiers sud de la ville de Delémont. Ces dernières années, les diverses parcelles du plateau ont principalement été mises en culture, en particulier pour le maïs.

L’autoroute A16 traverse le plateau de La Beuchille par une tran-chée couverte construite depuis Le Tayment à l’est jusqu’aux Prés de La Communance à l’ouest. Ce type de construction implique une emprise plus large que pour la réalisation du tracé lui-même, ainsi qu’un vaste terrain pour stocker temporairement les maté-riaux destinés à recouvrir la tranchée (fig. 20). Pour éviter des transports longs et coûteux, les sédiments ont été généralement entassés aux environs immédiats du chantier. En conséquence, toute la moitié occidentale du plateau de La Beuchille a été dési-gnée comme grande zone de stockage. La petite combe de La Deute, qui marque le bord ouest du plateau, a été destinée à être totalement comblée (chap. 5.1).

Jusqu’à récemment, aucun mobilier archéologique en prove-nance de La Beuchille n’était connu et, dans la bibliographie historique, aucune mention de La Beuchille comme site n’a été relevée. De point de vue archéologique, ce plateau était terra

incognita.

Des questions de planning, l’opposition de certains exploitants et l’attente des récoltes de diverses cultures, ont amené l’équipe des sondages à intervenir en plusieurs étapes à partir d’avril 1999. Jusqu’au mois d’octobre 2000, les nombreux sondages effectués se sont toujours révélés négatifs. En novembre 2000 lors de l’avant-dernière étape de prospection, un site protohistorique a été loca-lisé entre le bord ouest du plateau et la ferme de La Beuchille (fig. 21). Située précisément sur le tracé de la future tranchée couverte, la zone archéologique s’étend sur environ 8000 m2.

Le début des travaux de génie civil étant programmé pour avril 2001, un chantier archéologique a été ouvert mi-février 2001 par l’équipe travaillant sur la fouille voisine de La Deute.

Les grandes dimensions du terrain à investiguer et le laps de temps restreint à disposition, deux à trois mois, ont fait opter pour un décapage extensif à la pelle mécanique, méthode souvent

N

30 m 0 440,00 438,00 Piste de chantier Zones de surveillance limitée 244600 593 300 Zone A Zone B Coupe 1 Coupe 2 M70 M20 M5 M10

Fig. 20. La Beuchille. Situa-tion topographique et plan des zones fouillées.

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pratiquée dans le cadre des fouilles archéologiques jurassiennes. Toutefois, les conditions de travail pour le décapage machine étaient très particulières. La fragilité des terres végétales (humus A et B), due à la nature extrêmement hydromorphe des sols, et la nécessité de leur remise en place après la construction de la tran-chée ont impliqué une procédure particulièrement soignée lors du décapage à la pelle mécanique. L’humus A et l’humus B ont dû être strictement séparés l’un de l’autre et transportés immédia-tement sur leurs places de dépôt respectives. Pour empêcher une perte de valeur de ces terres végétales à la décharge, les travaux de décapage machine ont dû être interrompus pendant les fortes pluies et les jours qui suivaient. Malheureusement, le printemps 2001 a été l’un des plus pluvieux de ces dernières décennies et les arrêts forcés ont donc été nombreux.

Pour éviter que les camions ne s’enfoncent dans les sédiments gorgés d’eau et que les chenilles de la pelle mécanique ne mélangent l’humus B avec les sédiments situés au-dessous en détruisant la couche archéologique, des pistes de chaille ont dû être aménagées au début des grands travaux de terrassement. Elles partent à intervalles réguliers depuis la piste de chantier située en bordure septentrionale de la zone archéologique. La circulation de tous les engins n’a été autorisée que sur ces pistes chaillées, les décapages ne pouvant être réalisés que sur les terrains situés entre.

Les conditions météorologiques, très défavorables entre fin février et fin avril, nous ont également contraints à renoncer à quelques standards de qualité dans l’observation et la docu-mentation du site. Lors des pluies, la séparation de la couche 2 (humus B) et de la couche sous-jacente 6.1.2 (couche archéolo-gique) ne s’est guère avérée possible, la nature de ces deux sédi-ments étant trop proche l’une de l’autre et les nuances entre les deux n’étant plus visibles une fois gorgés d’eau.

A cause de nombreuses infiltrations souterraines à partir de 30 cm de profondeur, la réalisation des coupes a posé de grands problèmes. Afin de prévenir les effondrements, les rectifications, photographies et dessins des coupes étaient réalisés le même jour. De même, une fouille minutieuse s’est avérée difficile pour

les anomalies en creux découvertes sous la couche archéologique. Situées à la base des surfaces décapées, elles étaient rapidement et en permanence inondées par les infiltrations souterraines nécessitant l’utilisation d’une pompe jour et nuit, afin d’établir une documentation minimale.

Les mêmes méthodes de travail ont été appliquées sur ce chan-tier que sur ceux de La Deute et des Prés de La Communance. Au début, la surface du site a été découpée selon un quadrillage de secteurs orientés du sud au nord avec pour point d’origine le point topographique 931. Chaque secteur mesure 10 m sur 5 et son angle sud-ouest constitue le point d’origine (point 0) pour toutes les mesures à l’intérieur de celui-ci. En plus de l’indication de la couche et l’altitude absolue, l’ensemble du mobilier récolté lors du décapage machine a été repéré depuis ce point par ses coordonnées x (= sud-nord) et y (= ouest-est) avec une précision centimétrique.

Sous la surveillance continue de collaborateurs expérimentés, toutes les couches ont été décapées à la pelle mécanique, sec-teur par secsec-teur. En général, chaque décapage fait entre 1 et 2 cm d’épaisseur. L’avancement du travail à la machine dépendait principalement du nombre et de l’épaisseur des couches à déca-per et de la richesse en mobilier archéologique à documenter. Ainsi sur le chantier de La Beuchille, le décapage à la pelle méca-nique a permis d’observer environ 100 m2/jour.

En cas d’anomalies sédimentaires ou de concentrations sus-pectes de mobilier archéologique, le décapage machine était remplacé par une fouille fine manuelle sur une surface définie. Toutes les zones réservées dans ce but ont été pourvues d’un quadrillage propre qui, par la suite, a été intégré dans le réseau principal.

Au total une surface de 4700 m2 a été décapée (fig. 20), dont 3700 m2 en deux étapes : une zone occidentale (zone A) et une zone orientale (zone B). A cause de la quasi-absence de couche archéologique et de mobilier archéologique, le décapage des 1000 m2 situés sous les pistes de chaille orientales s’est fait sous une surveillance limitée mais attentive aux éventuelles structures en creux. Aucune structure n’ayant été découverte sous ces pistes, il a été renoncé au décapage des zones intermédiaires.

4.2 La stratigraphie

Les problèmes hydrologiques nous ont contraints à limiter le nombre et la longueur des coupes destinées à établir la stratigraphie du site. Par contre, les nombreuses tranchées et approfondissements ponctuels réalisés lors de la prospection archéologique en 2000, souvent en présence d’un géologue de l’Office de la culture, ont fourni une bonne image de la géologie du plateau de La Beuchille.

Deux coupes montrant la même séquence des ensembles sédi-mentaires ont été effectuées dans la zone A. D’une longueur d’environ 63 m et d’une profondeur maximale de 110 cm, la coupe 1 est la coupe de référence du site (fig. 22).

Fig. 21. La Beuchille. Vue sur la zone archéologique depuis l’ouest. Au fond se dessine le Montchaibeux.

En raison du temps de fouille très restreint et de la faible pré-sence du seul horizon archéologique (couche 2/6.1.2), aucune coupe longue n’a été effectuée dans la zone B. Notons toutefois que la même séquence stratigraphique a pu y être observée. La numérotation des couches principales a été déterminée dans le cadre d’une étude géologique englobant tous les sites prospec-tés ou fouillés sur le tracé de l’A16 dans l’agglomération sud de Delémont. Sur le site de La Beuchille, les couches 1, 2, 6.1.2, 6.2 et 9 sont présentes.

4.2.1 La couche 9

A la base, se trouve la couche 9 avec un sommet très irrégulier. Elle est composée de graviers stériles en mobilier archéologique beige jaune à gris blanc vers le nord. A plusieurs endroits, de nombreuses taches de précipitations manganiques ont été obser-vées. Le décapage à la pelle mécanique a été arrêté à l’apparition de cette couche.

4.2.2 La couche 6.2

Au-dessus des graviers de la couche 9, la couche 6.2, composée de limons argileux orange jaune tachetés de gris, s’est déposée. Elle est marquée par des précipitations manganiques et ferriques sur toute son épaisseur. Très irrégulière à la base, son épaisseur oscille entre 15 et 60 cm ; son sommet est souvent bioturbé. A l’exception de quelques rares objets, surtout récoltés dans la partie sommitale, la couche 6.2 s’est révélée stérile en mobilier archéologique.

4.2.3 La couche 6.1.2

La couche 6.1.2 présente un matériel abondant, il s’agit de l’ho-rizon archéologique. Composée de limons sableux bruns, elle contient de manière irrégulière des paillettes de charbon de bois, parfois bien concentrées, plus rarement des fragments, ainsi que quelques petits cailloux. A sa base, les nombreuses bioturbations marquent la présence d’un sol fossile.

4.2.4 La couche 2

Au-dessus de l’horizon archéologique 6.1.2, vient la couche 2, ou humus B. C’est un sédiment de limons sableux beige brun passant au brun vers le nord. Cette couche ne contient que très peu de paillettes de charbon de bois et les petits cailloux y sont quasiment absents. Composées d’un sédiment similaire, les couches 6.1.2 et 2 n’ont pu être séparées l’une de l’autre que dans une section courte d’environ 10 m dans la coupe de référence (M17,0 – M17, 90 et M49,50 – M58,80). Dans les autres parties de la coupe, notamment lorsqu’une séparation entre les deux

couches n’était pas possible (chap. 4.1), le mobilier recueilli a toujours été marqué « couche 2 ».

Ensembles, les deux couches ont une épaisseur entre 15 et 30 cm. Dans la section où la séparation est visible, la couche 6.1.2 est toujours plus épaisse que la couche 2, cette dernière ne dépas-sant pas 10 cm d’épaisseur. Enfin, la couche 2 est recouverte par la couche 1, ou humus A.

4.2.5 La provenance stratigraphique du mobilier