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Chapitre 5 : le site de Delémont - La Deute

5.4.2 Les vestiges de la zone paléométallurgique

La zone paléométallurgique s’étend sur environ 600 m2 au

sud du périmètre fouillé (fig. 67). A l’est et au nord, cette zone plane est délimitée par le ruisseau historique qui draine la petite combe. Le long du bord du ruisseau, la couche archéologique 6.1.2 descend dans le chenal qui a partiellement été comblé par ses sédiments érodés (chap. 5.2.3, fig. 47). Au sud et à l’ouest de cette zone, la couche 6.1.2 disparaît sans limite nette ni régulière. Le chenal 44 est perpendiculaire au chenal 43. Son remplissage

se compose également de limons argileux brun gris foncé conte-nant des paillettes de charbon de bois, mais stérile en mobilier archéologique.

5.4.1.8 Les datations 14C de la zone d’habitat

Douze échantillons de charbons de bois de la zone d’habitat ont été soumis à une datation 14C (annexe 5.1, p. 100). Parmi eux, quatre proviennent des structures du bâtiment A et trois du bâtiment B, deux ensembles a priori cohérents. Mais les résul-tats obtenus, surtout pour le bâtiment A, sont très hétérogènes. A 1 sigma, des datations 14C remontant à la fin du 5e siècle av. J.-C. (CHB 101), voire une fois jusqu’au 8e siècle av. J.-C. (CHB 66), contrastent avec les échantillons CHB 2 et CHB 3 datant le même bâtiment A des 2e et 1er siècles av. J.-C. La moyenne arithmétique de ces quatre dates brutes est 2231 ± 56 BP, donc date le bâtiment A des 4e et 3e siècles av. J.-C. C’est quasiment la même période qui est signalée par l’échantillon CHB 10 prélevé dans le gisement archéologique une dizaine de mètres au nord-est du bâtiment A. Les résultats obtenus pour le bâtiment B sont plus homogènes. Les trois datations 14C et la moyenne arithmétique indiquent une construction entre le 3e et le 1er siècle av. J.-C.

Distante d’environ 20 m à l’ouest des bâtiments A et B, la fosse 54 est la structure la plus récente. La couche charbonneuse A, la plus ancienne, date environ du 1er siècle ap. J.-C. (CHB 26 et CHB 37) et le dépôt de plaques de terre cuite qui repose sur elle n’est qu’à peine plus récent (CHB 36). Par contre, le résultat de la couche C est inattendu (CHB 35). Cette couche ne marque pas une réutilisation de la fosse. A en croire la datation 14C, il s’agit d’un dépôt de sédiments érodés de l’occupation laténienne. A cause de l’hétérogénéité des résultats 14C, notamment pour le bâtiment A, il s’avère difficile de préciser si les deux bâtiments sont contemporains ou si la construction B est postérieure au bâtiment A. Mais on favorise une attribution des deux au 2e siècle av. J.-C. Par contre, la fosse 54 semble être plus récente. On ne peut pas exclure qu’elle ait été creusée après l’abandon de l’habitat laténien.

5.4.1.9 Les datations archéomagnétiques de la zone d’habitat

Lors de la fouille, I. Hedley a prélevé 27 échantillons afin de tenter une datation archéomagnétique des argiles rubéfiées des structures 33 et 37 (Laboratoire de pétrophysique du Départe-ment de minéralogie de l’Université de Genève). Les résultats obtenus (fig. 66) constituent un élément supplémentaire pour l’interprétation de ces structures ; malheureusement, aucune datation précise ne peut être proposée.

La structure 33 se compose de taches d‘argile rubéfiée décou-vertes au centre du bâtiment B. La cuisson est très bonne. Par contre, la dispersion des directions individuelles (Alpha 95 %) est très grande. Elle montre que les plaques rubéfiées ne sont pas à l‘emplacement originel de leur cuisson. Il ne peut s‘agir, par conséquent, ni de restes d‘un sol cuit lors d‘un incendie,

Structure 33 Structure 37

Echantillon (nb) 13 14

Aimantation rémanente (ARN) 0,7 - 5,3 A / m 0,18 - 3,1 A / m

Viscosité magnétique 2 - 7 % 4 - 34 %

Déclinaison 357,6°

Inclinaison 66,2°

Statistique Fisher / Alpha 95 % 69,6° 13,8°

Statistique Fisher / k 1,3 10

Datation proposée 600 - 0 BC

Fig. 66. La Deute, zone d’habitat. Datations archéomagnétiques.

Fig. 67. La Deute, zone paléométallurgique. Plan des structures. Zone paléométallurgique Ruisseau

N

10 m 0

Tranchée pour canalisation

Zone intermédiaire 89 B,C,D 88 A,B 92 72 70 82 85 90

Occupations protohistoriques au sud de Delémont : de l’âge du Bronze final au Second âge du Fer CAJ 31

5.4.2.1 Les trous de poteau

Les cinq trous de poteau sont incomplets, et souvent, seule une petite partie de leur base est conservée (fig. 68). Cela témoigne d’un fort impact de l’érosion sur cette couche. Dans aucun cas, trou de poteau et fosse de creusement n’ont pu être différenciés l’un de l’autre. La fonction des poteaux n’est pas déterminable. Epars et isolés, ils ne peuvent pas être considérés comme étant les traces d’un bâtiment dans la zone paléométallurgique. On peut imaginer que les poteaux 90 et 92 sont en rapport avec les structures 85, 88A et 88B (chap. 5.4.2.2). Notons encore la présence de plus de 200 battitures de fer dans les sédiments de comblement tamisés de la structure 90.

En général, un mauvais état de conservation de la couche archéo-logique 6.1.2 a été relevé dans toute la zone paléométallurgique. Cet horizon ne se distingue que difficilement des couches 6.2.2, inférieure, et 4, supérieure. La couche 6.1.2 n’est bien marquée que le long de la berge du ruisseau.

Le nombre de structures découvertes, ainsi que la quantité de mo-bilier récolté, sont rares dans cette zone. Au total, onze structures en creux ont été mises au jour : cinq trous de poteau (72, 89C, 89D, 90 et 92 ; fig. 82) et cinq fosses (70, 82, 85, 88A et 88B) et une structure (89B) non interprétée. Comme dans la couche 6.1.2, les limites des structures ont aussi été difficiles à observer elles doivent donc être considérées avec une certaine réserve.

Fig. 68. La Deute, zone paléométallurgique. Plans et coupes des trous de poteau. A B 441,60 441,60 6.2.2.1 B A 72 72 A B C D E F 89 C 89 D 89 B 441,50 6.2.2 441,50 B A 89 B 441,50 441,50 6.2.2 C D 89 C 89 B 441,50 441,50 6.2.2 E F 89 C 89 D 8D 8C 8B 8B-C-D A B 441,60 441,60 6.2.2 B A 90 90 Canalisation A B B A 441,00 441,00 6.2.2

N

92 92 0 0,2 m 0 0,2 m

5.4.2.2 Les fosses

Les cinq fosses ne sont pas groupées. Distantes de 5 à 10 m les unes des autres, sauf les 88A et 88B qui sont contiguës, elles sont toutes situées à proximité de la berge du ruisseau.

La fosse 70

La structure présente, en plan, une forme ovale de 85 cm sur 60 (fig. 71). Creusée dans la couche 6.2.2, la profondeur conservée mesure 29 cm (fig. 69). Le fond de la fosse est concave, les parois sont évasées ou verticales. Un seul remplissage est observable, il est composé de limons argileux gris beige orange avec des paillettes de charbon de bois. Il contient cinq petits fragments de céramiques attribuables à l’âge du Bronze final. Le tamisage des sédiments du remplissage a fourni quelques rares battitures de fer et une soixantaine de restes végétaux, surtout des restes de battage et des fragments indéterminables. Aucun indice quant à la fonction de la structure n’a été décelé.

La fosse 82

De forme ovale, la structure 82 a des dimensions atteignant 70 cm sur 55 (fig. 71). Le fond est plat et les parois évasées. Profonde de 18 cm, la fosse a été creusée dans la couche 6.2.2. Des limons sableux gris-brun constituent le seul remplissage observable. Malgré une concentration de charbons de bois relati-vement élevée, aucune trace de rubéfaction n’a pu être observée,

ni au fond, ni sur les parois de la structure. En plus de deux petits bords de céramiques non datables (pl. 19.5-6), de graines et d’autres restes végétaux, souvent inidentifiables, le remplissage a fourni 300 g de déchets de scorie, quelques fragments d’argile scorifiée ainsi que des battitures de fer. Les diverses catégories de déchets métallurgiques dans et aux environs immédiats de la structure dévoilent la présence d’une aire d’activité liée au travail du fer (fig. 72). Les indices font supposer que la fosse 82 peut être interprétée comme bas foyer de forge (fig. 70).

La fosse 85

Cette fosse, située 5 m à l’ouest de la fosse 82, est en partie détruite par une conduite moderne. Elle est incomplète. Son plan est irrégulier avec un diamètre d’environ 100 cm (fig. 71), son fond est concave et sa profondeur conservée atteint 30 cm.

Fosse Dimensions Profondeur Céramique Déchet

scorifié Battiture Graine Autre reste végétal cm cm g 70 85 x 60 29 5 < 10 39 24 82 70 x 55 18 2 300 ± 800 22 50 85 100 x > 95 30 < 1 ± 200 8 21 88A 70 x 60 27 25 < 10 88B 85 x 55 16 3 < 1 ± 700 29 32

Fig. 69. La Deute, zone paléométallurgique. Dimensions et contenu des fosses 70, 82, 85, 88A et 88B.

Fig. 70. La Deute, zone paléo-métallurgique. Reconstitution du foyer de forge 82.

Occupations protohistoriques au sud de Delémont : de l’âge du Bronze final au Second âge du Fer CAJ 31

Fig. 71. La Deute, zone paléométallurgique. Plans et coupes des fosses 70, 82, 85 et 88A-B.

Scorie Argile scorifiée 441,20 6.2.2 441,20 B A B A 88 B 88 A 88 B 88 A

N

88A-B 88A-B 0 0,2 m 0 0,2 m B A 6.2.2 441,60 441,60 B A 85 85 ? ? Canalisation A B 6.2.2 441,50 441,50 B A 82 82 A B A B 440,80 440,80 6.2.2 70 70

5 m 0 Mobilier en fer Battiture 88B 85 82 5 m 0 Ferreuse Coulée Indéterminée 88B 85 82 5 m 0 Argile scorifiée 88B 85 82 5 m 0 Calotte 88B 85 82 5 m 0 88B 85 82

N

30 m 0

Déchet scorifié et mobilier en fer

Ruisseau

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Aucune tache de rubéfaction n’a pu être observée. Le seul rem-plissage observable se compose de limons sableux gris foncé beigecontenant quelques paillettes de charbon de bois. Il a four-ni quelques fragments de scories, environ 200 battitures de fer et quelques graines et restes végétaux, souvent indéterminables. Les déchets métallurgiques indiquent que la fosse 85 est située dans une aire d’activité liée au travail du fer. Par contre, les faibles quantités ne permettent pas d’affirmer qu’une telle activité se soit déroulée dans cette structure, il est ainsi à noter l’absence de scories ainsi que de restes d’un revêtement en argile.

La fosse 88A

Cette structure est située 14 m au nord-ouest de la fosse 82. Elle a une forme ovale de 70 cm de long sur 60 de large (fig. 71). Creusée dans la couche 6.2.2, elle a une profondeur conser-vée de 27 cm. Les parois sont évasées et le fond est concave. La seule couche de comblement observable se compose de limons argileux gris jaune brun contenant quelques charbons de bois et quelques rares déchets métallurgiques. Comme elle est quasi-ment stérile en mobilier archéologique, aucun indice ne permet d’identifier la fonction de cette fosse.

La fosse 88B

Elle est située immédiatement au sud de la fosse 88A, contiguë à cette dernière sans qu’on puisse préciser quelle est la structure antérieure (fig. 71). La fosse 88B présente, en plan, une forme ovale atteignant les dimensions de 85 cm sur 55. La profondeur conservée mesure 16 cm. Les parois sont abruptes et le fond est plus ou moins plat. Du point de vue morphologique, la structure se distingue donc de la 88A. Les mêmes sédiments de comble-ment que pour la fosse 88A ont été observés. Trois tessons érodés attribuables, sous toute réserve, à l’âge du Bronze final, quelques petits débris de scories et environ 700 battitures de fer y ont été repérés. Une soixantaine de restes végétaux, la plupart non déter-minables, complète l’ensemble des trouvailles. Malgré les indices évoqués, qui restent trop faibles, il serait un peu hardi d’interpré-ter la fosse 88B comme foyer de forge. A défaut d’autres éléments sûrs, aucune fonction ne peut être proposée.

Du point de vue morphologique, les cinq fosses de la zone paléométallurgique ne se distinguent pas des autres petites fosses mises au jour sur le reste du site. Aucun aménagement particulier en pierre ou en bois n’a pu être observé à l’intérieur de ces struc-tures. Ni paroi, ni fond ne montrent de taches de rubéfaction ; la concentration de charbons de bois n’est pas plus élevée, sauf dans la fosse 82. Les déchets métallurgiques présents dans leurs remplissages sont les seuls éléments qui les distinguent des autres petites fosses simples.

L’association de plusieurs indices probants, à savoir charbons de bois, battitures en quantité, déchets scorifiés plus nombreux que d’ordinaire permet d’interpréter la structure 82 en foyer de forge. Par contre, on ne peut ni affirmer ni infirmer une telle fonction pour les deux structures 85 et 88B ; les quantités de déchets métallurgiques sont trop modestes pour en tirer des conclusions sûres. Les fosses 70 et 88A ne peuvent, quant à elles, pas être interprétées comme foyer de forge.

5.4.2.3 Les datations 14C de la zone paléométallurgique

Le nombre restreint en mobilier archéologique datable a amené à soumettre cinq échantillons de charbons de bois provenant de quatre fosses différentes à une datation 14C (annexe 5.1, p. 100). Il en ressort que les fosses 70, 82 et 85 datent d’une fourchette chronologique similaire aux structures de la zone d’habitat. La divergence entre les deux résultats de la structure 82 ne peut pas être expliquée, mais illustre bien la difficulté à obtenir une attribution chronologique précise par une seule datation 14C. Le résultat inattendu de la structure 88B doit être envisagé sous cette même optique. Ainsi, du fait de l’absence de mobilier ar-chéologique assuré du Premier âge du Fer, il semble qu’il faille considérer cette date comme fausse plutôt que comme la trace d’une éventuelle présence hallstattienne.