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Le mobilier protohistorique des fouilles de 1999 et son insertion chronologique

Chapitre 6 : le site de Delémont - Les Prés de La Communance

7.3 Le mobilier protohistorique des fouilles de 1999 et son insertion chronologique

Bien que les fouilles de 1999 n'aient révélé que de vagues restes d'une seule couche préromaine, le mobilier protohistorique recueilli sur ce site provient de plusieurs couches sédimentaires (fig. 163 62 et 164). Parmi elles, les couches 3.2 et 6 (ou 6.1) peuvent être interprétées comme étant protohistoriques. En par-tie préservée de l'érosion par l'enclos, la couche 3.2 a été prin-cipalement enregistrée dans l'angle sud-est du mausolée gallo-romain. D'une extension approximative de 70 m2, elle constitue la plus grande surface protohistorique conservée. Remaniés lors de la construction du mausolée gallo-romain, les sédiments 3.2 ne présentent cependant plus une couche cohérente. Sous forme de plusieurs petits lambeaux, la couche 6 a été observée à l'exté-rieur de l'enclos gallo-romain, surtout dans la partie orientale du site. Il est bien probable qu'elle soit identique à la couche 3.2. La couche 3.1 résulte de la démolition du mausolée gallo- romain; elle n’est d'ailleurs pas toujours bien individualisée de la couche 3.2 ou de la couche 2. Cette dernière, composée d’anciennes colluvions agricoles, couvre partout les ensembles archéologiques 3.

Fig. 162. La Communance. Plans et coupes des structures UF 6 et UF 8. A B 422,90 422,90 B A 7 UF 8 0 0,2 m UF 8 0 0,2 m

N

A B B A 422,90 422,90 7 UF 6 UF 6

Occupations protohistoriques au sud de Delémont : de l’âge du Bronze final au Second âge du Fer CAJ 31

Couche Total Age du Bronze final La Tène finale

nb Bord Autre Bord Autre

1 (humus) 2 2 2 22 1 20 1 2 / 3 34 3 27 2 2 3.1 53 2 49 2 3.1 / 3.2 30 2 25 1 2 3.2 107 9 94 2 2 6 / 6.1 11 3 8 Structures diverses 26 3 22 1 Déblais 2 1 1 Total 287 24 248 7 8

Fig. 164. La Communance. Répartition stratigraphique du mobilier protohistorique.

Le mobilier présenté infra comme des objets protohistoriques provient de l'ensemble des trouvailles qui englobe également le mobilier de l'Epoque romaine et du Haut Moyen Age. En dehors de celui provenant des couches 6 et 3.2, ce mobilier est privé de son contexte originel. Il ne peut pas refléter des ensembles clos. Le tri implique également qu'il y a peut-être d'autres objets qui n'ont pas été reconnus comme trouvailles protohistoriques parmi le mobilier restant.

Le décompte du mobilier protohistorique a porté sur 287 pièces (fig. 164). Il s'agit exclusivement de tessons céramiques dont la majorité (env. 80 %) sont des fragments de panse de faible taille et sans aucun décor. La pâte, le dégraissant, la finition et la cuis-son constituent souvent les seuls éléments pour les distinguer du mobilier gallo-romain et pour essayer de mieux les dater.

environ 250 autres tessons peuvent être attribués à cet en-semble. Au total 272 tessons, soit la majorité du matériel pro-tohistorique, marquent une occupation à l'âge du Bronze final. A l’exception d’un bord, les éléments marqueurs permettant une datation précise de l'ensemble font défaut. Une attribution chrono- logique s'avère donc délicate, d'autant plus que le mobilier n'a pas été trouvé dans une seule couche. Le bord datable provient d’un récipient à col en forme d’entonnoir, un type caractéristique de la phase Ha B3 (pl. 44.1). Ce fragment a été découvert dans la couche 3.2. Notons aussi l’absence d’écuelles à embouchure for-tement détachée et bien marquée par une arête à la surface inté-rieure qui est une forme très caractéristique de la phase Ha B1. Vu le nombre réduit de trouvailles, cette absence ne peut pas être prise comme preuve, mais elle est peut-être néanmoins un autre indice pour insérer cet ensemble dans la phase récente de l'âge du Bronze final.

Quinze tessons montrent des caractéristiques du mobilier laté-nien. Les écuelles (pl. 45.6-7) et les pots (pl. 45.1-2) de forme courante pendant toute la période de La Tène ne permettent cependant pas de datation plus précise. Par contre, les quelques fragments de tonnelets, présentant tous une surface noire fon-cée et bien lissée, sont des marqueurs caractéristiques de La Tène finale (pl. 45.3-5).

Trouvé épars dans les diverses couches du site, le mobilier laté-nien ne marque aucune couche ni aucune zone particulière dans le périmètre fouillé, mais reflète bien l'hétérogénéité des en-sembles sédimentaires (fig. 164). Vu le nombre restreint de seu-lement quinze objets, il est égaseu-lement douteux qu'ils marquent une deuxième phase d'occupation préromaine. Il est bien pos-sible que ce mobilier laténien ait été amené sur place lors de la construction du mausolée vers la fin du 1er siècle ap. J.-C. Notes

60 Communication personnelle de Vincent Légeret.

61 Les fouilleurs désignent une surface de fouille restreinte comme unité de fouille UF. Souvent, il s’agit de petites anomalies comme fosse, trou de poteau, tombe, lambeau d’une couche, etc.

62 La coupe 5/8 est la seule longue coupe montrant la stratigraphie générale du site.

Fig. 163. La Communance. Coupe stratigraphique à l'intérieur de l'enclos gallo-romain.

Seul 40 % du mobilier trié a été trouvé dans les couches 6 et 3.2 (fig. 164). Environ 20 % du mobilier a été ramassé dans la couche de démolition du mausolée 3.1.

Deux phases protohistoriques ressortent de l'ensemble céra-mique trié, l'âge du Bronze final et La Tène finale.

Pour l'essentiel, l'insertion chronologique dans l'âge du Bronze final repose sur une vingtaine de tessons diagnostiques, c'est-à-dire des bords, des fonds et des fragments de panse décorés (pl. 44.1-21). En se basant sur la pâte, la finition et la cuisson,

423,00 423,00 M 0 SE M 8 NW 3.1-a 3.1-b 3.1-c 3.1-g 3.1-f 3.1-d 3.1-e 1-2 7 7 3.2 1 m 0

Au début des années 1990, la carte archéologique du canton du Jura suggérait que le bassin de Delémont n’avait pas été fré-quenté pendant les périodes préhistoriques et que la première occupation humaine avait eu lieu seulement à partir du Bronze moyen (Schifferdecker et Stahl Gretsch 1998). Pour l’âge du Fer, les traces anthropiques se raréfiaient de nouveau fortement. Seule l’Epoque romaine montrait une occupation du sol compa-rable avec le Plateau suisse au sud et l’Ajoie au nord-ouest. Les nombreuses campagnes de sondages et de fouilles archéo-logiques effectuées dans le cadre de la construction de l’A16 ont permis de corriger cette idée qui n’avait pas assez pris en compte la conservation fragmentaire des traces humaines très discrètes dans le sol et la recherche archéologique insuffisante au 20e siècle. Bien que les fouilles autoroutières ne représentent qu’une étroite bande au travers du bassin de Delémont, il est maintenant possible d’esquisser une fréquentation anthropique au Mésolithique récent/ final et au Néolithique moyen (Pousaz et al. 2009). De plus, nos connaissances sur l’occupation à l’âge du Bronze final et à l’âge du Fer se sont multipliées (Davila Prado 2002 ; Dunning et Schif-ferdecker 2005 ; Pousaz et al. 1994 ; Pousaz 2002 ; Wey 2003b ; Wey 2007). Ce n’est sans aucun doute qu’une question de temps et de recherche d’ici à ce qu’une occupation continue depuis le Paléo-lithique supérieur jusqu’à nos jours soit établie dans le bassin de Delémont. Les fouilles archéologiques menées au sud de la ville de Delémont ont, d’une part, fortement augmenté le nombre de sites connus de l’âge du Bronze final et, d’autre part, permis de découvrir les premières installations de l’âge du Fer dans la région.

Parmi ces fouilles réalisées, c’est le petit site du Tayment qui semble livrer les traces les plus anciennes. Si l’on en croit l’unique datation 14C de la couche 5.4, située entre 1610 et 1410 BC à 1 sigma, ce gisement remonterait à l’âge du Bronze moyen. Néanmoins, le peu de céramiques récoltées suggère plutôt une attribution de cette couche à l’âge du Bronze final. Cette période, la phase Ha B1 63, est aussi représentée par un récipient presque complet, récolté sans observation stratigraphique lors du creuse-ment d’un sondage. Pour l’heure, on ne sait pas si le résultat 14C indique une date trop ancienne ou si la couche 5.4 se compose de restes de deux ou de plusieurs phases non discernables. Chacun des autres sites fouillés, c’est-à-dire La Beuchille, La Deute, Les Prés de La Communance et La Communance, pos-sède également une phase d’occupation attribuable à l’âge du Bronze final (fig. 165). Sur ce court tracé d’autoroute de seule-ment 2 km de longueur, cinq sites ont donc été découverts et ce ne sont pas les seuls de cette période dans le bassin de Delé-mont 64. Bien qu’aucun n’ait fourni d’objets en bronze datables et bien que les couches concernées de La Beuchille, de La Deute et de La Communance aient souffert des mauvaises conditions de conservation, l’étude du mobilier céramique permet de proposer une suite chronologique dès la phase Ha B1 présente dans le mobilier de la couche 6.2.2 de La Deute. On peut probablement aussi ajouter le petit complexe de la couche 5.4 du Tayment. Pour la phase suivante, le Ha B2, on peut mentionner le site de La Beuchille et, sous réserve, celui de La Deute qui peut perdurer jusqu’au Ha B2/ancien. Le Ha B3 est présent dans la zone A des

Habitat Mobilier abondant Mobilier isolé Nécropole, tombe isolée Dépôt monétaire Bronze final Hallstatt Epoque romaine

Delémont

A16

N

300 m 0 La Tène ancienne et moyenne Fig. 165. Situation et

carac-téristiques des sites du sud de Delémont. Reproduit avec l’autorisation de swisstopo (BA110461).

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Prés de La Communance et dans le mobilier récolté lors de la fouille de La Communance. La faiblesse numérique de ce dernier et l’incertitude sur sa provenance stratigraphique ne permettent d’établir aucune proposition sur la contemporanéité des deux sites. Au Hallstatt ancien (Ha C), la zone D des Prés de La Com-munance a accueilli une ferme isolée. Les deux récipients trouvés en 1948 lors du creusement des tranchées à La Communance datent de cette même phase ou du Hallstatt D1. Cet ensemble constitue probablement la seule nécropole connue à ce jour dans ce secteur 65. Un autre petit site datant du Hallstatt ancien est situé à Courtételle - Les Prés Roses, au sud-ouest de la ville de Delémont (Davila Prado 2002). Pour le Ha D, aucun autre site ne peut être signalé avec certitude. La présence humaine est de nouveau bien attestée à partir de La Tène ancienne, notamment aux Prés de La Communance avec les habitats isolés découverts dans les zones B et C, et le foyer isolé découvert dans la zone A. Le petit complexe de la couche 5.1 du Tayment date aussi de cette période. Vers la fin de La Tène C2, ou au tout début de La Tène D1, une autre ferme isolée est construite sur le site de La Deute. En ce qui concerne La Tène finale, des indices d’une occupation du sol se font de nouveau très rares. Seuls quelques tessons de céra-mique isolés, ramassés épars dans le périmètre des fouilles de La Beuchille, des Prés de La Communance et de La Communance, témoignent d’une fréquentation dans le dernier siècle av. J.-C. A l’Epoque romaine, seul le site de La Communance a fourni une occupation sûre. D’une part, il faut mentionner le mausolée gallo-romain découvert en 1998 (Légeret et al. 2007) et, d’autre part, les 18 monnaies romaines récoltées dans les tranchées 1 et 4 de la fouille de 1948. Excepté le petit site du Tayment qui est sans mobilier gallo-romain, tous les autres ont fourni quelques trouvailles isolées qui prouvent une fréquentation ponctuelle.