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Matériel et méthode de l’étude micro-écologique

Découverte d’une nouvelle espèce de souris sur l’île de Chypre

3.5. Signification micro-écologique du peuplement murin à Chypre

3.5.1. Matériel et méthode de l’étude micro-écologique

La chouette effraie (Tyto alba) est un rapace nocturne dont le régime alimentaire est très éclectique. Ses proies, les rongeurs comme les insectivores, sont étroitement inféodés aux facteurs climatiques, à leur biotope, et aux changements de végétation. Le territoire de chasse de Tyto alba varie selon un rayon compris entre 1,5 et 3,7 Km (Vigne et al., 2002). Le contenu de ses pelotes de réjection regroupe donc des biotopes représentatifs d’une microrégion.

L’étude menée selon une analyse des correspondances de la proportion des deux espèces de souris sympatriques (M. m. domesticus et M. macedonicus) dans les pelotes de réjection de chouette effraies d’Israël a démontré qu’une partition micro-écologique par exclusion compétitive se faisait entre les deux espèces : M. macedonicus est exclue des

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installations humaines et M. m. domesticus des environnements naturels (Auffray et al., 1990b)

La répartition géographique de notre collection de pelotes de réjection de chouette effraie couvre la majorité des milieux de Chypre (Fig. 28). Cet échantillonnage était destiné à servir à appréhender la signification écologique de la part relative entre souris commensale et sauvage dans les pelotes et à construire un modèle théorique actualiste sur le degré d’anthropisation du milieu par rapport à la distribution de deux souris sympatriques à Chypre au sein des collections fossiles. Cette étude sera réalisée en deux temps :

1. Pour séparer les deux espèces dans les collections de pelotes de Chypre, nous effectuerons une AFD avec un référentiel comprenant seize M. m. domesticus de Khirokitia et douze Mus cypriacus. Les distances de Mahalanobis nous permettront ensuite de classer les individus des localités. Ces classifications feront l’objet d’une confirmation visuelle sur les images à partir des critères morphoscopiques sur la M1

définit par Orsini et al. (1983). Nous calculerons ensuite la part relative entre M. m.

domesticus et Mus cypriacus pour chaque localité.

2. La corrélation entre la proportion et les caractéristiques écologiques de l’aire de chasse de la chouette effraie pour chaque localité sera appréhendée à partir d’une analyse factorielle des correspondances (AFC) multiples avec les localités comme individus et deux variables à plusieurs modalités. La première variable multiple correspond aux catégories de proportion spécifique des deux souris dans les pelotes définies par Auffray et al (1990b) (Tab. 12). La seconde correspond aux grandes tendances écologiques des aires de chasse des chouettes effraies pour chaque localité. Celles-ci ont été définies selon quatre catégories définissant un gradient d’anthropisation allant du milieu non exploité (naturel) aux zones densément urbanisées (habitations), en passant par des milieux ou l’agriculture domine le paysage (agriculture) et des milieux mixtes (agriculture/naturel). Nous en déduirons un modèle pour appréhender la pression anthropique sur l’environnement à partir des fréquences relatives entre M. m.

domesticus et Mus cypriacus dans les collections fossiles à caractère coprocénotique

M.m.domesticus Mus cypriacus Catégories spécifiques 0-20 % 80-100 % V1 20-40 % 60-80 % V2 40-60 % 40-60 % V3 60-80 % 20-40 % V4 80-100 % 0-20 % V5

Tableau 12 : Définition des catégories spécifiques d’après Auffray et al. (1990)

3.5.1.1. Définition de l’espace morphologique et des catégories

spécifiques de chaque localité de pelotes

La comparaison entre le morphotype sauvage de Chypre et les morphotypes continentaux (M. spretus et M. macedonicus) (Fig. 32) nous montre que Mus cypriacus est très proche du morphotype marocain de spretus (massive avec les tubercules tE et tC marqués).

Les contours occlusaux de la M1 des deux espèces sympatriques de Chypre, se différencient de façon significative l’une de l’autre (Wilks' lambda=0.0372, ddl1=1, ddl2=21,

P=0.0035). Mus cypriacus est plus grande que la souris commensale (F=18,073, P<0,0001).

Notre standard de comparaison pour les AFD décisionnelles est donc constitué par 11

Mus musculus domesticus piégées à Khirokitia et 12 Mus cypriacus génétiquement

séquencées (ADNmt) provenant d’individus de localité différentes. Les individus des deux espèces se classent a 100 % et à 76 % en validation croisée (Jackknife) (Tab. 13). Le modèle de référence est donc suffisamment robuste pour classer les individus des pelotes.

A M.m.d Chypre Mus cypriacus % correct

M.m.d Chypre 17 0 100

Mus cypriacus 0 12 100

Total 17 12 100

B M.m.d Chypre Mus cypriacus % correct

M.m.d Chypre 14 3 82

Mus cypriacus 4 8 67

Total 18 11 76

Tableau 13 : A : Matrice de classification entre les souris commensales (M. m.

domesticus) et sauvages (M. cypriacus) actuelles, avec leur pourcentage de classement

-5 0 5

CA1 (37,1 %)

-4

-3

-2

-1

0

1

2

3

4

CA2 (17,3 %) M.spretus Maroc M.spretus Majorque M.spretus France M.spretus Espagne Mus cypriacus M.m.spretoides Israël M.m.macedo Grèce M.m.macedo Géorgie M.m.macedo Bulgarie M.macedo Turquie M.macedo Syrie M.macedo Iran M.macedo Irak

Figure 32 : Variation de la forme des M1 des souris sauvages actuelles et de Mus cypriacus

La classification selon les probabilités associées aux distances de Mahalanobis (Annexe 1) nous a permis de définir pour chacune des localités la part relative des deux espèces et leur catégorie de proportion spécifique (Tab. 14). La majorité des localités de Chypre (8 sur 11) sont dominées par les souris sauvages.

Tableau 14 : Effectifs et fréquences relatives (%) entre M.m.domesticus et Mus

cypriacus par localité avec les catégories spécifique afférentes (cf. Tabl. 9).

3.5.1.2. Résultats et interprétations de l’AFC

L’analyse factorielle des correspondances multiples (Fig. 33 ; tableau de sortie de l’AFC en Annexe 2) met en opposition, sur l’axe 1 (29,6 %), le milieu urbanisé et un taux de souris supérieure à 80 % (V5) avec le reste des localités. L’axe 2 (19,9 %) décrit l’opposition de la catégorie V4 (M. m. domesticus entre 60 et 80 %) et la catégorie V2 (20-40 %). Le plan F1* F3 est plus informatif encore avec un effet Guttman illustrant un gradient clair ville/culture/campagne non cultivée et les trois catégories de fréquence relative des deux souris. On peut observer notamment que la catégorie V3 (M. m. domesticus entre 40 et 60 %) se situe dans un environnement à forte dominante agricole. Nous avons donc une association très forte entre la nature du terrain de chasse de l’effraie et les catégories spécifiques de souris.

La répartition des deux espèces de souris à Chypre est très simplifiée ou stéréotypée par rapport à ce qui avait été mis en évidence par Auffray et al. (1990) en Israël. La signification

Nicosia A. Dometios Arliki Gialia Kissonerga Kophinou

M.m.domesticus. 13 20 8 10 11 6

Mus cypriacus 16 2 17 16 17 13

TOTAL 29 22 25 26 28 19

Nicosia A. Dometios Arliki Gialia Kissonerga Kophinou

% M.m.domesticus 45 91 32 38 39 32 % Mus cypriacus 55 9 68 62 61 68 Cat. Spécifique V3 V5 V2 V2 V2 V2

Kourion Mantria Peristerona Potami Tohni

M.m.domesticus 13 12 10 8 12

Mus cypriacus 12 14 17 17 5

TOTAL 25 26 27 25 17

Kourion Mantria Peristerona Potami Tohni

% M.m.domesticus 52 46 37 32 71 % Mus cypriacus 48 54 63 68 29 Cat. Spécifique V3 V3 V2 V2 V4

Nicosia Urbanisation 80-100 % domesticus A. Dometios 40-60 % domesticus Mantria Kourion Tohni 60-80 % domesticus Agriculture/n. exploité Kophinou Potami Gialia 20-40 % domesticus Peristerona Champs cultivés Kissonerga Non exploité Apliki F2 - 21.91 % 0.75 0 -0.75 -1.50 -2.25 -0.75 0 0.75 1.50 2.25 F1 - 29.61 % Non exploité 80-100 % domesticus A. Dometios Urbanisation Nicosia 40-60 % domesticus Mantria Kourion Champs cultivés PeristeronaKissonerga Agriculture/n. exploité 60-80 % domesticus Tohni Kophinou Potami Gialia 20-40 % domesticus Apliki 1.50 0.75 0 -0.75 -0.75 0 0.75 2.25 F1 - 29.61 % 1.50 F3 - 19.60 %

A

B

Figure 33 : AFC entre la proportion de M. m. domesticus et de M. cypriacus et les caractéristiques écologiques de l'aire de chasse de la chouette effraie pour chaque

localité (Cf. fig. 28). Projection des individus ( localités à pelotes ) et des contributions des variables ( = catégorie spécifique, = écologie du terrain de chasse de la chouette effraie) sur les axes : A - F1*F2 de l'AFC. B - F2*F3.

micro-écologique de la proportion des deux espèces sympatriques de Chypre consiste principalement en deux tendances :

1. la catégorie V5, 80-100 % de souris commensales est associée à un fort degré d’anthropisation et aux environnements très urbanisés comme à Agios Dometios et Nicosia, et secondairement aux milieux à dominante agricole.

2. Une majorité de localités représentées par une proportion forte de souris sauvage (entre 60 et 80 %) associée à des milieux mixtes entre dominante agricole et environnement naturel.

Cette catégorisation permettra d’utiliser la proportion entre les deux espèces des assemblages archéologiques comme un outil paléoenvironnemental.

Bien que des populations sauvages secondaires de Mus musculus domesticus soient présentes à Chypre, cette dernière subit une forte pression de compétition de la part de l’espèce sauvage de l’île qui la cantonne principalement dans les milieux fortement anthropisés, s’octroyant une place prépondérante dans la majorité des biotopes de l’île.

3.6. Discussion : l’analyse des contours dentaires par les