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Marques d’usage, conditions d’emploi

I. Lexicographie diachronique : Notices Étymol(ogie) et Hist(oire) du TLF

2. Du dépouillement à l’intégration

2.3. Structuration de la notice

2.3.1. Section étymologie-histoire

2.3.1.4. Marques d’usage, conditions d’emploi

D’un point de vue formel, ces indicateurs énoncés sous forme de langage métalinguistique

se placent avant la définition, auprès de laquelle ils jouent le rôle de compléments ; toutefois, ils

peuvent dans certains cas se substituer à la définition.

Les marques d’usage servent à informer le lecteur des contraintes d’emploi associées à une

unité lexicale, à une expression ; elles décrivent, d’une manière plus ou moins arbitraire, leurs

diverses variétés stylistiques qui sont d’ordre technique ou scientifique, sociolinguistique,

géolinguistique et signalent conjointement leur fréquence d'usage. Les spécificités techniques ou

scientifiques se rattachent à des domaines clairement établis et leur délimitation répond à une

classification détaillée dans la liste des soixante-dix domaines techniques de spécialité de

synchronie. Cette donnée apporte des renseignements qui concernent l’analyse sémique qui vise à

établir la composition sémantique d’une unité lexicale. Si le sens général constitue le noyau

sémique fondamental d’une lexie, le sens particulier du domaine est à considérer comme une

différenciation de ce noyau sémique par restriction ou glissement de sens ou changement de niveau

de langue. Ce sont les traits sémiques circonstanciels de la définition générale qui forment les sens

spéciaux spécifiques aux domaines de spécialité, les sous-sens du signifié. Une unité lexicale peut

être appropriée par plusieurs domaines qui se présentent en autant de divisions qu’il y a de

domaines.

spécialité

69

oùun mot, un sens est employé. Comme signalé plus haut (chapitre 2.1.2., § 2), en cas

de parfaite équivalence sémantique entre le domaine retenu pour une lexie en synchronie et celui

de la diachronie, le rédacteur, toujours soucieux d’économiser de la place, donne la prépondérance

à l’indicateur de domaine sur la définition qu’il remplace (cette dernière n’étant obligatoire que

lorsque le degré de recouvrement n’est pas absolu).

Les marques sociolinguistiques signalées en référence à un parler social (arg. [= argot],

précisé parfois en arg. de théâtre, arg. milit. [= militaire], arg. mus. [des musiciens]) renseignent le

lecteur sur l’usage social, le milieu déterminé d’utilisation d’un mot ; les marques socioculturelles

signalées par des indicateurs stylistiques (péj. [= péjoratif], fam. [= familier], pop. [= populaire],

terme d’injure) renseignent sur le registre. Les marques géolinguistiques délimitent les aires

diatopiques d’emploi d’un mot ou d’un sens ; leurs sigles (pic. [= picard], norm. [= normand], etc.)

sont ceux du TLF (Abréviations et signes conventionnels, t. 1, pp. CXXVII-CXXXI). Les marques

de fréquence (attest. [= attestation] isolée, de nouv. [= nouveau]

70

, rare (av.)) ne sont mentionnées

que lorsqu’un mot, un sens s’écarte de l’usage courant.

Pour exemple, on se reportera, selon le classement défini, aux notices suivantes :

1) MARQUES SOCIOLINGUISTIQUES :

GAUFRER

1947 arg. « suspendre, arrêter » (d'apr. ESN.)

JAMBONNEAU

1879 arg. mus. (HUYSMANS, loc. cit.)

MAQUILLER

Vers 1840 verbe pronom., arg. de théâtre «se grimer» (d'apr. ESN.)

SALOPARD

1911 arg. milit. (d'apr. ESN.)

2) MARQUES SOCIOCULTURELLES :

PACIFISTE

1919 péj. (HERMANT, L'aube ardente, p.192)

PUCELLE

1608 fam. « femme vierge » (RÉGNIER, Satire, III, 146 ds Œuvres, éd. G. Raibaud, p. 33)

SOIGNÉ

1830 pop. « fort » (Barricades de 1830, p. 29 ds QUEM. DDL t. 19)

3) MARQUES GEOLINGUISTIQUES :

FOUDRE

2

XIII

e

s. pic. voder « sorte de mesure » (GIRY, Histoire de la ville de Saint-Omer, p. 494 ds IGLF : voder

d'ail)

69

Voir note 53.

70

La mention ‘attest. isolée ; de nouv.’ forme un bloc ; ‘de nouv.’,‘rare (av.)’ peuvent cependant, bien que dans une

moindre mesure, fonctionner seuls.

LAIE

2

1298 anglo-norm. lay « réserve dans une forêt » (Lettre d'Édouard 1

er

ds Recueil de lettres anglo-fr., éd.

F.J. Tanquerey, 71)

PATATE

canad. 1765 «pomme de terre» (Arch. du Pt Séminaire de Québec, C-11, 11 déc., p.80 ds Trav. de ling.

québécoise, t.2, 1978, p.208; peut-être déjà en 1750, v. ibid., loc. cit.)

4) MARQUES DE FRÉQUENCE :

Lorsqu’un lexème bien qu’attesté à date ancienne n’a pris son essor que plus tardivement, la date

qui marque son entrée dans la langue moderne, sera elle aussi indiquée. Ces marques

métalinguistiques ne sont utilisées qu’après une première attestation :

ÉNONCIATIF

1386 « qui sert à énoncer » (Preuves de l'histoire de Bourgogne, III, 94 ds R. Hist. litt. Fr. t. 11, p. 507 :

parolles enuntiatives); de nouv. en 1542 (P. DE CHANGY, Livre de l'Institution de la Femme

chrestienne, I, 8 ds GDF. Compl.)

ENRUBANNER

1386 « qui sert à énoncer » (Preuves de l'histoire de Bourgogne, III, 94 ds R. Hist. litt. Fr. t. 11, p. 507 :

parolles enuntiatives); de nouv. en 1542 (P. DE CHANGY, Livre de l'Institution de la Femme

chrestienne, I, 8 ds GDF. Compl.)

EXPLORATION

1

er

tiers du XVI

e

s. [ms.] au retour de l'exploration (J. FOSSETIER, Chroniques Margaritiques, ms. Brux.

10509, f

o

167 r

o

ds GDF. Compl.), rare; de nouv. 1797 « action d'explorer un pays» (Voy. La Pérouse, t. 2,

p. 215)

FABRICATEUR

1279 « personne qui fabrique quelque chose » (Documents en français des Archives Angevines de Naples,

I, 141 ds Cah. Lexicol. t. 6, p. 98), attest. isolée; de nouv. fin XV

e

s. « id. » (JEAN MOLINET, Aultre

balade baladant, 14 ds Faictz et dictz, t. 2, p. 445)

FACIAL

Adj. 1545 « de visage, d'apparence » (J. BOUCHET, Epîtres morales et familières du Traverseur, 116 ds

HUG.), rare; de nouv. 1800 (BONALD, Essai analyt., p. 229)

GAFFE

3

1455 gaffre « sergent » (Le Procès des Coquillards ds SAIN. Sources Arg. t. 1, p. 96), attest. isolée, de

nouv. 1798, nov. rester en gaffre « faire sentinelle » (ORGÈRES, II-1-267, v

o

37 Aveux Ringette)

JEANNETTE

3

XV

e

s. [ms.] janecte (L'amant rendu cordelier, éd. A. Montaiglon, 1477, var. du ms H); 1615 jannette

(DALECHAMPS, Histoire générale des plantes, t. 2, p. 392); de nouv. 1817 jeannette (Nouveau

dictionnaire d'hist. nat. ... ds R. Ling. rom. t. 44, 1980, p. 235)

MONOLITHE

71

Adj. 1532 «fait d'une seule pierre» (Compt. de la gr. comm. de S.-Den., Arch. LL ds GDF.: hanap

monolythe d'agate), rare av. 1803 (BOISTE)

J’ajouterai que les deux derniers marqueurs, ceux qui indiquent l’aire d’emploi et la fréquence,

sont plus systématiquement intégrés dans la partie étymologie-origine qui engage plus volontiers

une discussion quant à l’usage ou la vitalité d’un mot.

Les conditions d’emploi, signalées par des indicateurs sémantiques métalinguistiques (au

propre, au fig., p. métaph., p. anal., p. ext.) situent davantage les mots dans leur contexte,

« précisent l'actualité d'un sens(…) permettent au destinataire de l'énoncé d'identifier lequel des

sens possibles a été effectivement manifesté dans l'énoncé qui lui est transmis dans la

communication » (Préface, t. 1, p. XXIV). Cette catégorie permet d’intégrer indirectement à la

définition les contraintes de sous-catégorisation qui n’ont pas valeur de définition. Dans les

exemples suivants la condition d’emploi est introduite par ‘en parlant de’ :

FOURNIR

XIV

e

s. [ms.] fourni « épais, touffu (en parlant de sourcils) » (CHR. DE TROYES, Perceval, éd. A. Hilka,

1819, var. du ms. B.N. fr. 1453)

IGNIVOME

1. 1599 [éd.] « qui vomit du feu » (MARNIX DE SAINTE-ALDEGONDE, Differens de la Religion, t. 1,

chap. 14, f

o

207 r

o

); 2. 1776 « id. (en parlant des volcans) » (VALM., p. 500, s.v. volcan)

RIPAILLE

1578 faire la ripaille chez qqn « aller manger, s'approvisionner chez quelqu'un (en parlant de soldats) »

(LE LOYER, Nephelococugie ds Œuvres et meslanges poét., Paris, J. Poupy, 1579, p. 226)

Cette catégorie permet aussi d’indiquer la valeur contextuelle propre à la source, par rapport à une

valeur plus générale, que la source atteste indirectement. Elle est généralement introduite par :

(‘ici’, ‘ici en parlant de’) comme on peut le constater dans les exemples qui suivent :

LESSIVE

Ca 1200 lissive « solution à base de cendre qui sert à laver » (ici une pers.) (Conquête de Jérusalem, 6381

ds T.-L.)

OBSERVER

2

e

moitié du X

e

s. «se conformer à ce qui est prescrit par la loi (ici la loi chrétienne)» (St Léger, éd. J.

Linskill, 71: Lei consentit et observat)

OURLET

1304 orlet «bord d'un objet (ici d'un vase)» (LESPINASSE, Métiers de Paris, t.3, p.443)

SCRUTATEUR

1680 « personne appelée à participer au dépouillement d'un scrutin » ici, en parlant des religieux (RICH.)

ou encore d’expliciter un sème privilégié dans l’emploi attesté :

FLÉCHETTE

1896 fig. p. réf. à la vitesse (LOUŸS, Aphrodite, p. 143)

Et enfin, cette catégorie permet encore de relier les sens entre eux dans la mesure où les emplois

considérés sont nouveaux, présentés comme dérivant d’un sens initial. En voici quelques

exemples :

GALOPADE

1696 « petite course au galop » (DANCOURT, Moulin de Javelle, éd. E. Guillain, p. 66); 3. a) 1863 au

fig. galopade de l'ombre (GONCOURT, Journal, t. 1, p. 160); b) 1878-81 « course précipitée » (LOTI,

Journal, t. 1, p. 138)

LICE

1

1585 entrer en lice « combattre » (GARNIER, Bradamante, IV, 5, 1416 ds Les Tragédies, éd. W. Foerster,

IV, p. 57); 1622 au fig. « intervenir dans un débat » (Les Caquets de l'Accouchée, éd. Éd. Fournier, p. 214)

OMNISCIENCE

1. 1734 «science infinie que l'on attribue à Dieu» (VOLTAIRE, Traité de métaphysique, chap. 7 ds

OEuvres complètes, Paris, Garnier, t.22, p.220); 2. 1831 p. ext. «science, connaissance de toutes choses»

(MICHELET, Hist. romaine, t.1, préf., p.II).

PARRAIN

a) Début XII

e

s. parain «celui qui tient un enfant sur les fonts baptismaux et qui ensuite veille à son

éducation religieuse» (St Brendan, éd. I. Short et Br. Merrilees, 89; var. du ms. A [début XIII

]

: parin, v.

éd. E. G. R. Waters); b) 1690 p.anal. (FUR., s.v. parrein: les cloches qu'on baptise ont aussi des parreins

et marreines)

SALE

sale temps ) 1858 au fig. (GONCOURT, op. cit., p. 459); ) 1877 au propre (ZOLA, Assommoir, p. 652)

SAUCISSON

1552 Saulcisson « sorte de grosse saucisse » (RABELAIS, Quart Livre, chap. 36, éd. R. Marichal, p. 162);

2. 1623 p. métaph. « sorte de fusée » (Ch. SOREL, Francion, éd. Colombey, 1877, p. 435)

Rappelons que tous ces marqueurs, dont certains se placent avant, d’autres après, la définition,

lorsqu’ils se réfèrent à un sens parfaitement univoque, peuvent se substituer à la définition jugée

alors superficielle. Examinons à présent la fonction de la définition et ses propriétés.