• Aucun résultat trouvé

I. Lexicographie diachronique : Notices Étymol(ogie) et Hist(oire) du TLF

4. Bilan et conclusion

4.1. Bilan

À la question sur le « bilan du travail » concernant les notices diachroniques, je souhaiterais

d’emblée rappeler pour mémoire les propos de F. Schalk, selon lequel si le dictionnaire permet de

voir « clairement combien un seul mot recouvre de réalités différentes », il « ne peut tenir compte

de toute l’histoire du mot et de toutes les significations. S’il voulait les enregistrer, il élargirait

sensiblement le cadre prescrit à un dictionnaire »

96

; cette vision devrait atténuer les exigences

d’une visée maximaliste.

Toutefois, ce n’est pas sans satisfaction que je me félicite d’avoir eu le privilège de

participer à cette œuvre qui retrace dans ses grandes lignes les principales étapes du lexique

français encore usité actuellement et je me réjouis à l’idée que certaines de mes notices ont été

acceptées par d’autres lexicographes (p. ex. MORNE

2

, repris dans le RobHist). En tant que notice

d’accompagnement à l’article de synchronie, la notice de diachronie qui fournit à la fois l’analyse

historique et étymologique de chaque unité lexicale considérée comme encore en usage, rend

compte, comme il était prévu, de l’apparition en français des premières attestations des principaux

sens, acceptions, emplois, locutions ou syntagmes ainsi que des chaînons désuets intermédiaires

indispensables pour suivre l’évolution globale de chaque unité. Et l’analyse étymologique permet,

parfois après discussion, et en s’abritant derrière des autorités reconnues, de déterminer l’origine

de chaque unité, selon les données disponibles au moment de la rédaction. Il ne semble pas vain

d’ajouter combien la politique d’accueil du TLF

97

a été favorable à l’émergence de données

lexicographiques nouvelles répertoriées dans les notices de diachronie. Les résultats obtenus grâce

aux méthodes employées par l’équipe de diachronie sont la preuve d’une avancée majeure :

1) en matière de datations : nombreuses sont les datations inédites de mots (ETRIPADE),

d’acceptions (TAILLAGE, terme de céramique, terme d’alpinisme), de locutions (POURPRE

2

,

anat. pourpre rétinien) ou de datations plus précises que celles des prédécesseurs (INLASSABLE),

d’antédations d’un bon nombre de mots (FIFI « nom donné aux petits oiseaux » ou de leurs de sens

(PLATINE

1

, terme d’imprimerie), de locutions (PÔLE, électr. pôle positif, pôle négatif) sans

compter des corrections de dates (voir quelques exemples dans l’annexe de la thèse, t.3, pp.

228-331). À cela on peut ajouter que la part de l’apport important des datations du TLF a été soulignée

par R. Radermacher, qui observe que sur un échantillon de 58 notices entre M et mâcler1 (se) « le

taux des datations que le Trésor parvient à améliorer par rapport au FEW s’élève à plus de 70% »

96

Cf. F.Schalk, dans Lex 1957, 70et 73.

(Radermacher 2004, 157).

2) en matière d’étymologie, la mission assignée au diachronicien est à mettre au rang de la

vulgarisation des connaissances, puisqu’il s’agit de rendre accessible au plus grand nombre

98

des

données provenant d’ouvrages scientifiques spécialisés, difficilement abordables à ceux qui ne

sont pas spécialement familiers du domaine, notamment le FEW (LESSIVE / MIJOTER) et à

rendre compte des grands progrès intervenus dans cette discipline depuis la parution des premiers

volumes du FEW (FLIBUSTIER). Mais les notices de diachronie ne se limitent pas au seul

rassemblement de toutes ces données, leur intérêt consiste justement aussi à les compléter par

différents ajouts du type ‛etimologia remota’ (MACAQUE), commentaire (MELON), hypothèse

nouvelle (ORIN) ou par la simple émission de doutes relatifs à l’étymologie proposée (HUBLOT)

ou encore par la reconnaissance de la difficulté qu’il y a à choisir entre plusieurs hypothèses

(GALOPER).

En récapitulant, on trouve parmi ces notices

1) des notices nouvelles qui attendaient une première datation et une étymologie

(KAM(T)CHADALE)

2) des notices qui ne modifient en rien la date d’apparition et l’étymologie traditionnellement

admises ; dans ce cas le TLF établit les matériaux et « authentifie » l’étymologie reçue

(FASÉYER).

3) des notices présentant des changements réels et bénéfiques par rapport à la tradition,

certaines d’entre elles concernent la date d’apparition du mot (FLÈCHE

2

, fleche de lart

« pièce de lard sur le côté du porc, de l'épaule à la cuisse » : 2

e

moitié du XIV

e

s. au lieu de

1549) ou l’articulation sémantique (LIBRAIRE), d’autres fois elles concernent l’étymon

(RIME) ou l’explication étymologique (LANIER).

Comme on peut le constater, l’intérêt de ces notices réside à la fois dans la critique des

sources et dans les références aux sources: contrairement à d’autres dictionnaires contemporains,

(GLLF, ROB.), le TLF ne cite, dans la mesure du possible, que des données vérifiées, dûment

référencées. Ces notices ont donc été écrites dans un souci prédominant du respect philologique ;

cependant, l’idéal eût été de suivre plus fidèlement le procédé méthodologique préconisé par A.

Henry au tout début de ses Études de lexicologie française et gallo-romane (publiées en 1960) et

qui est résumé, dans ses grandes lignes, dans cet extrait que l’on peut lire à la page 5 :

datation et localisation, au moins régionale, des textes ou des copies ; étude phonétique (valeur des

rimes) et sémantique des mots en question ; détermination approximative de l’aire ancienne, sans

oublier les enseignements de la géographie linguistique ; l’étude philologique doit absolument tenir

compte de l’apparat critique et des caractéristiques régionales des divers manuscrits ; en cas d’absence

d’édition critique, il faut recourir à l’examen des copies, si l’on veut tabler sur des témoignages dignes

de foi ; …étude de phonétique et sémantique des données modernes ; établissement de l’aire lexicale ;

…comparaison des résultats des deux enquêtes, au triple point de vue de la phonétique, de la sémantique

et de la linguistique géographique ; les résultats ne sont tout à fait sûrs que si l’accord s’affirme dans les

98

Quoique O. Jänicke dans son compte rendu publié dans Vox, 55, 1996, pense que « die diachrone Rubrik …ist

eher für Spezialisten bestimmt, d.h. für Sprachhistoriker und sprachgeschichtlich Interessierte » (p. 343).

trois domaines et surtout, si la superposition des aires se fait dans une mesure satisfaisante.

Force est d’admettre que le tableau final des notices diachroniques n’est hélas pas toujours à la

hauteur de nos espérances. Et les limites de la notice sont en corrélation avec les principales

difficultés auxquelles il a fallu faire face. Ces difficultés sont imputables au nombre important de

rédacteurs (une dizaine) et aux diverses contraintes éditoriales (limitation de l’espace

typographique qui rend certaines notices squelettiques ; nécessité, pour chaque rédacteur, de

produire 350 articles par an) qui empêchaient les rédacteurs d’exploiter la totalité de la

documentation dont ils disposaient ou parfois simplement de ne consigner que l’essentiel des

résultats obtenus

99

. Elles se traduisent souvent par un manque d’homogénéité lié à la manière de

travailler à une période pré-informatique ; le point le plus critiquable est celui du découpage et de

la répartition d’une même famille étymologique entre plusieurs rédacteurs de diachronie, faute de

documentation préalable disponible ; ce procédé laisse d’emblée entrevoir l’hétérogénéité des

données. Ainsi un même texte peut être daté et référencé de plusieurs façons comme le souligne

très justement Th. Städtler, qui a relevé le cas de l’œuvre d’Henri d’Andeli citée 43 fois avec 13

dates différentes (Städtler 2006, 2) et qui a signalé quelques exemples de référencements

incohérents (Städtler 2006, 3). À ce titre, on notera que les outils informatiques actuels contribuent

aisément à une meilleure harmonisation. Ces difficultés se traduisent aussi par une absence

regrettable de définition justifiée par le renvoi implicite à la synchronie (ce qui a été sévèrement

critiqué par Möhren [Möhren 2005, 2-3]) et à une trop grande concentration des informations. À

cela, il faut ajouter la difficulté qu’il y a eu à coordonner certaines parties de synchronie avec

celles de diachronie si bien que « lelecteur en est réduit à reconstituer lui-même l’articulation des

différents sémantismes donnés en synchronie et en diachronie » (Möhren 2005, 2-3). Un autre

reproche formulé par ce lexicographe est celui du manquement vis-à-vis de certains acquis des

dictionnaires ou études scientifiques existants. On lui empruntera, pour exemple, le cas d’épicycle

pour lequel une des données de GdfC 9, 497a n’a pas été exploitée.

Pour avoir rédigé 2500 notices, et avec le recul que mes nouveaux travaux m’ont donné, le

jugement que je porte sur certaines de mes notices laisse parfois un léger goût d’amertume. Malgré

tous mes efforts pour intégrer dans les notices l’essentiel des ressources disponibles tout en les

soumettant à un examen philologique préalable, il est des cas où, grâce aux travaux que j’ai

réalisés depuis, et qui ont contribué à infléchir ma réflexion méthodologique, le jugement que je

porte sur certaines notices n’est pas très favorable. Ainsi, on peut dresser le bilan qu’il n’a pas

toujours été possible de déjouer l’obstacle qui se dressait contre la tâche de l’identification des

œuvres, fondamentale pour qu’une datation juste puisse être établie et pour que la filiation

sémantique de l’ensemble de la notice soit la plus exacte possible, même si l’on a parfaitement

conscience que la notion de première attestation de mot ou de sens est toute provisoire dans la

mesure où de nouveaux dépouillements sont susceptibles de remettre en question l’équilibre des

premières attestations. Avec le recul, on peut regretter qu’à l’époque le retour aux sources n’a pas

toujours pu se faire, faute de références ou d’accès aux documents, ce qui, dans certains cas, risque

de mettre en péril à la fois l’interprétation et la datation des attestations et peut conduire à fausser

la « biographie du mot » tout en donnant à la notice l’apparence d’une compilation de seconde

main. Si aujourd’hui, les « dix commandements du lexicologue diachronicien » plaidés et

explicités, après l’achèvement du TLF, par Th. Städtler [Städtler 2006, 5-6]), sont plus facilement

applicables que dans les années 70-80 et ce grâce aux nouvelles technologies

100

, certaines erreurs

ou inexactitudes auraient été évitées. Notamment celles d’appliquer à des textes anciens des sens

modernes et de commettre par conséquent des anachronismes sémantiques qui rejaillissent sur

certaines unités lexicales sous forme de faux-sens ou de contresens.

Ainsi les articles énoncer et énonciateur sont la preuve irréfutable des limites de la seule

documentation interne et du manque d’échanges entre la synchronie et la diachronie.

Concernant énoncer, dont voici la notice :

1. 1377 enoncier (N. ORESME, Le Livre du Ciel et du Monde, éd. A. D. Menut et A. J. Denomy, p.

162, 21) attest. isolée; de nouv. 1611 (COTGR.); 2. a) 1677 énoncé part. passé subst. « énonciation,

déclaration » (F. DE MAUCROIX, Histoire du schisme d'Angleterre, I. ds RICH. 1680); b) 1932 ling.

(BALLY Ling., p. 44). Empr. au lat. enuntiare de même sens.

le lecteur aurait aimé être informé sur le sens de la première attestation, la synchronie enregistrant

outre le sens usuel, que sous-entend la première attestation, un sens spécifique en usage dans les

textes législatifs. L’attestation du participe passé en emploi substantivé n’est guère plus

satisfaisante, non pas que l’attestation se rapportant à la date de 1677 soit de seconde main, celle-ci

étant très proche de la date de 1680 du Richelet qui la cite, mais parce que, là aussi, une précision

sémantique aurait été la bienvenue, la synchronie signalant en outre des sens spécifiques au droit et

aux mathématiques. Dans les deux cas et dans la mesure où Richelet cite un passage assez éloquent

du texte auquel il est fait référence, il eût été utile de citer au moins les contextes susceptibles

d’éclairer les sens. On regrettera enfin l’absence de définition pour l’étymon auquel énoncer se

rattache. Cependant, 1377 reste la première attestation du mot (cf. DMF) et 1677, la première

attestation de l’emploi substantivé du participe passé (Frantext ne propose pas mieux que 1695).

Mais, dans la mesure où l’évaluation d’un ouvrage lexicographique passe par la

reconnaissance de ses successeurs, ce n’est pas sans satisfaction que l’on peut constater que le TLF

a fait des émules dans l’histoire de la lexicographie, tant et si bien que le RobHist qui « s’est très

largement inspiré du TLF, souvent même mot à mot »

101

a montré le parti qu’on pouvait en tirer.

Dans Radermacher 2004, un tableau synoptique (455-477) où sont comparées les notices du FEW,

du BL.-W., du TLF et du RobHist. révèle que le TLF, qui antédate une multitude d’attestations

102

,

a abondamment été plagié par les dictionnaires de Robert. De ce fait, il s’avère que les

100

Voir quelques adresses électroniques, infra, p. 102.

101

Cf. G. Roques, dans Revue de linguistique romane 57, 1993, 236.

dictionnaires de Robert sont les plus grands vulgarisateurs du TLF qui a en définitive établi un

nouveau standard étymologique. C’est ainsi que je retrouve presque textuellement intactes

certaines des notices comme kitsch, manade et morne

2

que j’ai rédigées pour le TLF.

Pour finir, on peut, afin d’évaluer l’importance du TLF dans le domaine des recherches

historiques et étymologiques, contraster la conception des notices historiques par rapport aux

nombreux travaux publiés ultérieurement et (chronologiquement : DEAF, BaldEtym

103

,

FennisGal

104

, DRF

105

, DMF, TLF-Etym

106

, articles de revues, nouvelles éditions critiques, etc.)

dont certains ont pu très largement bénéficier des ressources informatiques disponibles qui sont un

facteur considérable de progrès scientifique. On peut citer parmi ces nouvelles ressources

accessibles au plus grand nombre des bibliothèques ou des sites qui hébergent des textes numérisés

ou des données bibliographiques susceptibles d’apporter un soutien à la recherche tels que :

http://gallica.bnf.fr/ ; http://www.archive.org/details/mmoiresdelasoci23fragoog ;

http://books.google.com/ ; www.mediatheque-agglo-troyes.fr/bmtroyes/ ;

http://www.ordonnances.org/, etc.

107

. Pour mesurer combien la situation a changé depuis la

rédaction du TLF, je vais donc procéder à quelques comparaisons entre les notices que j’ai

rédigées et certains des travaux cités parus depuis l’achèvement du TLF.

DEAF / TLF

L’article interlocutoire du DEAF (publié en 2002), qui repose sur des dépouillements

auxquels le TLF n’avait pas accès remplace avantageusement celui que j’ai rédigé une vingtaine

d’années plus tôt et qui a été publié en 1983. En effet, aussi bien l’emploi adjectif que l’emploi

substantif de ce terme de droit y sont antédatés par rapport au TLF et l’étymologie est plus tranchée

que celle du TLF qui en raison de la date tardive du latin médiéval interloquitorius par rapport au

français, n’ose pas un emprunt direct à interloquitorius.

Sous inspeccion, le DEAF n’apporte ni une datation meilleure, ni une étymologie

différente bien qu’elle soit un peu plus étoffée.

On notera que l’absence de l’article invective dans le DEAF, revient à dire que le

DEAF n’a pas enregistré le mot avant 1404 (date retenue par le TLF), ce que confirment les ressources

du DMF.

FennisGal / TLF

Le TLF n’enregistre sous fourrure l’emploi dans le domaine de la marine qu’à partir

de Furetière 1690 ; l’examen de FennisGal permet non seulement d’améliorer la date de la première

attestation de ce sens, mais permet aussi de se rendre compte de la vitalité du mot dès 1636 (il

enregistre 5 occurrences du mot entre 1636 et 1691).

DRF/ TLF

Prenons l’exemple du substantif souper « repas du soir », c’est-à-dire le troisième repas de la

journée. La notice diachronique du TLF atteste le sens de « repas du soir » dès la fin du X

e

s. et signale,

103

K. Baldinger, Etymologien. Untersuchungen zu FEW 21-23, I, Tübingen : Niemeyer, 1988 (ZrP-Beih. 218) ; II,

Tübingen : Niemeyer, 1998 (ZrP-Beih. 288) ; III, : Niemeyer, 2003 (ZrP-Beih. 315).

104

J. Fennis, Trésor du langage des galères, Tübingen : Niemeyer, 1995, 3 vol.

105

P. Rézeau et collab., Dictionnaire des régionalismes de France. Géographie et histoire d'un patrimoine

linguistique, Bruxelles : De Boeck, 2001.

106

TLF-Etym, consultable à l’adresse : http://stella.atilf.fr/gsouvay/TLFEtym/

107

J’ai réuni depuis plusieurs années, à l’ATILF, un carnet d’adresses des bibliothèques virtuelles à l’attention des

utilisateurs intéressés par ces données et j’ai mis sur pied une bibliothèque numérique qui comporte actuellement

près de 300 titres, principalement pour la langue ancienne du Moyen Âge à la Renaissance.

dans la partie réservée à l’étymologie, que le sens de ce mot, tout comme pour le verbe correspondant,

« s'est maintenu dans les parlers de la Belgique, du Canada et de la Suisse romande ». La consultation

du DRF permet de faire l’observation suivante : sans être fausses, ces informations restent nettement

insuffisantes et n’apportent finalement que des réponses partielles. Un commentaire sur « la relégation

du souper très tard en fin de soirée » (DRF, s.v. dîner 366b et s.v. souper 937b), eût été bien utile, tout

autant d’ailleurs qu’eût été intéressant un marquage diatopique plus approfondi, qui prendrait en

compte la situation réelle de cet emploi du mot dans les différentes régions de France et dans les

diverses variétés de français, les bornes relevées par le DRF étant en fait bien plus étendues que ce que

prétend la notice du TLF. On notera aussi que l’attestation que donne la notice diachronique du TLF

pour le verbe au sens de "faire un souper" ne se comprend que par rapport au sens de "repas qu'on

prend à une heure avancée de la nuit, après le spectacle ou au cours d'une soirée" de la notice

historique du substantif.

DMF/ TLF

La date d’apparition du mot fascicule semble assurée à partir de 1532, le DMF, avec l’aide des

ressources en ligne sur Gallica, réussit à dater le mot de 1498, ce qui fait faire un progrès de 34 ans ; il

se pourrait même que la date puisse être avancée ultérieurement, lorsque les moyens techniques le

permettront, à 1483 qui est la date de la première publication du texte chez un imprimeur lyonnais.

Pour femur, l’avancée de la première attestation est bien plus spectaculaire, car les ressources

du laboratoire de l’ATILF permettent d’antédater le mot de 176 ans. Attesté dans le TLF à partir de

1541, il se lit déjà dans les Amphorismes Ypocras deMartin de SAINT-GILLE, composés entre 1362

et 1365.

TLF-Etym / TLF

La notice patronymique du TLF-Etym ne diffère pas fondamentalement de celle du TLF sur le

plan des datations de sens qui y sont enregistrés, à cela près que le premier ajoute une attestation du

mot dans un texte grammatical et la datation du sens de « qui est relatif au patronyme », qui, à mon

avis, dans la mesure où il est emprunté à Aalma R 8.880 où on lit « patronomicus. –mica. –micum :

patronymiques » ne peut pas être distingué avec assurance du sens qu’a patronymique dans la locution

nominale masculine nom patronomique qui figure plus haut dans l’article « AalmaR 3.240 : Eacides :

non d'onme. filz ou nepvou de Eacus, si conme Achilles. nom patronomique). On notera cependant une

meilleure datation de la première attestation (cf. sur la datation du texte cité Städtler 2006, 2) et la

présence de la dernière date d’attestation de ce sens aujourd’hui disparu. On soulignera aussi que la

définition donnée par le TLF-Etym, pour la première attestation est plus appropriée que celle du TLF

qui émane en fait du FEW 8, 27a :

PATRONYMICUM

. Mais ce qui différencie vraiment les deux

dictionnaires, c’est la subtile division de l’article sur la base de la distinction étymologique entre, d’une

part, l’emprunt au latin des grammairiens pour le substantif et l’adjectif, et, d’autre part, le calque du

latin des grammairiens pour la locution nominale. Des précisions sur l’emprunt du latin au grec et sur

la forme patronomique du français complètent par ailleurs avantageusement l’article.

À ces quelques exemples, qui révisent et souvent corrigent les données historico-étymologiques du

TLF, il faut ajouter l’ouvrage de K. Baldinger, complémentaire au FEW et les nombreux articles

de revues qui approfondissent la recherche sur l’histoire du vocabulaire français. Le premier, par la

richesse des données, traite un nombre important de mots dont l’étymologie n’était pas connue du

FEW (environ 40 000)

108

et améliore considérablement les matériaux d’origine, en tenant compte

des publications parues depuis la parution des volumes 21 à 23 du FEW ; dans bien des cas les

matériaux qui y sont livrés complètent avantageusement, voire corrigent le TLF. Les articles de

revues qui abordent l’aspect historique du français font également progresser nos connaissances

par rapport à l’étymologie du TLF. On peut citer l’article de J.-P. Chauveau, Sur l’étymologie de

français BAIE « petit golfe », dans Revue de linguistique romane, 70, 2006, 409-430 qui impose

une nouvelle étymologie pour le mot baie et corrige les datations du TLF ; on peut citer aussi

l’article de Fr. Möhren qui porte sur l’utilisation critique des sources dans le travail étymologique