I. Lexicographie diachronique : Notices Étymol(ogie) et Hist(oire) du TLF
2. Du dépouillement à l’intégration
2.3. Structuration de la notice
2.3.2. Section étymologie-origine
2.3.2.1. Classes étymologiques du lexique français
2.3.2.1.1. Vocabulaire héréditaire
Le fonds latin constitue l’essentiel de notre patrimoine lexical héréditaire tandis que les
mots germaniques, d’introduction ancienne, ne couvrent qu’une petite portion de ce patrimoine et
concernent presque exclusivement la vie sociale (vie de tous les jours, vie à la campagne,
vocabulaire militaire et termes de droit et d’administration). Ce vocabulaire transmis oralement de
80
Voir à ce sujet Buchi 2004, 10.
génération en génération, a été transformé sous l’action des lois phonétiques.
2.3.2.1.2. Transferts lexicaux
Les transferts lexicaux issus du contact des langues, variable selon les époques
82, se
manifestent par les emprunts et les calques linguistiques. Les premiers intègrent, plus ou moins
complètement en l’état, les traits étrangers, tandis que les seconds n’intègrent qu’une partie des
traits étrangers, cela peut concerner un emprunt quant à la formation ou au sens. Ces emprunts
posent cependant des problèmes d’intégration sur les plans phonétique, graphique, morphologique
et sémantique.
1) EMPRUNTS A D’AUTRES LANGUES
Les emprunts lexicaux au latin ou au grec communément nommés mots savants remontent
pour certains à l’époque ancienne, mais ont connu une réelle expansion à partir du XIV
esiècle. On
peut rappeler, pour faire court, que les mots orientaux ont été empruntés à l’époque des Croisades,
les mots néerlandais (principalement le vocabulaire maritime) au XV
esiècle, les mots italiens à la
Renaissance (en ce qui concerne le lexique du commerce), puis aux XVII
eet XVIII
esiècles (en ce
qui concerne le lexique de la musique) en même temps que les mots espagnols et allemands
modernes, et les mots anglais dès le XVIII
esiècle, avec une expansion croissante jusqu'à nos jours
liée au développement de certaines spécialités scientifiques et techniques. On note une grande
diversité d’emprunts, certains s’accompagnant d’une intégration marquée par quelques adaptations
formelles (notamment phonétiques) :
FORFAIT
3Empr. à l'angl. forfeit (apparenté à forfait
1*
et 2* par empr. à l'a. fr.) désignant notamment toute amende ou
indemnité due pour la rupture d'un contrat, le non respect d'un engagement
HALLEBARDE
Empr. au m. h. all. helmbarte de même sens, littéralement « hache (barte) à poignée (helm, halm) »; cf. all.
Hellebarde « id. »
HOMOPHONE
Empr. au gr. o<mo'fwnoj « qui parle la même langue, qui rend le même son, qui est d'accord, à l'unisson ».
HOMUNCULE
Empr. au lat. homunculus « petit homme », dimin. de homo, -inis (homme*).
HUQUE
Empr. au m. néerl. hoike, heuke, huke « sorte de manteau » (XIV
es. [ms.] ds E. VERWIJS, J. VERDAM
et F. A. STOETT, Middelnederlandsch Woordenboek); néerl. huik « id. »; cf. aussi m. b. all. hoike, heike,
huke de même sens. L'hyp. inverse d'un empr., du néerl. au fr., qui pourrait être appuyée par les formes
variées du m. néerl. et du m. b. all. ainsi que par l'existence en lat. médiév. d'un subst. huca, hapax, de
même sens (Marseille, 1276 ds DU CANGE) doit être écartée pour des raisons d'ordre chronol. La
soudaine et massive apparition du mot en fr. au début du XV
es. est vraisemblablement liée à la mode de
l'époque. Cf. FEW t. 16, p. 258a.
IMPUTER
Empr. au lat. de l'époque imp. imputare « porter en compte; mettre en ligne de compte, faire valoir;
attribuer ».
MACHETTE
Empr. à l'esp. machete «id.» (début XVI
es. ds COR.), dér. de macho «massue, enclume», lui-même prob.
var. du mozarabe mazo «id.», qui remonte au lat. pop. *mattea (v. masse). Cf. COR. t. 3, p. 174.
SAUCISSON
Empr. à l'ital. salsiccione, att. au sens 1 dep. la 2
emoit. du XIV
es. (SACCHETTI ds TOMM.-BELL.), dér.
augm. de salsiccia (saucisse*)
TRANSFORMATIONNEL
Empr. à l'angl. transformational « id. » (1955, N. CHOMSKY, Transformational Analysis [titre] ds NED
Suppl.
2) ; dér. de transformation, terme de ling. (v. transformation)
D’autres, en revanche, gardent leur qualité de mot étranger :
MAKEMONO
Mot japonais (composé de maki «rouler» et de mono «chose») désignant une peinture sur soie ou sur
papier, beaucoup plus large que haute. Déjà att. en 1882 sous la forme makimono, en angl. (cf. NED
Suppl.
2)
PIU
1845-46 (BESCH.). Mot ital. signifiant «plus», du lat. plus «id.», v. plus.
2) CALQUES SEMANTIQUES ET STRUCTURELS
Contrairement à l’emprunt linguistique, le calque n’intègre, comme on peut le constater dans
les quelques exemples qui suivent, qu’une partie des traits étrangers empruntés relevant
généralement de la grammaire :
INCONDITIONNÉ
1864 subst. (RENOUVIER, loc. cit.). Calque de l'all. das Unbedingte (1781, KANT, Critique de la raison
pure ds LAL.), prob. par l'intermédiaire de l'angl. the unconditioned (1829, W. HAMILTON ds NED).
LANIER
Calque du germ. anothapuh (où hapuh correspond à l'all. mod. Habicht « autour ») signifiant « qui prend
les canards » (vers 728, Loi des Bavarois, cf. EVANS, p. 24, v. Bbg), sous une forme primitive anier
(hapax, 1304 ds EVANS, p. 31 : faucons heroniers et aniers), formée de ane « canard » (v. bec-d'ane,
étymol. et hist., s.v. bec) et du suff. -ier. L'agglutination, dans lanier, de l'art. déf. au mot, est difficilement
explicable (peut-être pour empêcher l'homon. avec a(s)nier, du lat. asinus, mais la forme lanier entraîne
l'homon. avec lanier, du lat. lanarius; peut-être est-elle due aussi à la disparition du subst. ane « canard »).
OISEAU-MOQUEUR
Comp. de oiseau* et de moqueur*; d'apr. l'angl. Mocking-bird «id.» (de mocking «moqueur» et bird
«oiseau») (1676, T. GLOVER in Phil. Trans. XI, 631 ds NED) et Mock-bird «id.» en 1649 (id.).
Mais la langue possède son propre processus de formation des unités lexicales pour créer des
unités nouvelles à partir de morphèmes lexicaux : elle utilise notamment, et pour l’essentiel, les
procédés de la dérivation et de la composition.
2.3.2.1.3. Créations françaises : étymons français
1) DERIVES
lexicale par l’ajout d’un affixe qui en modifie le sens ou la fonction. Les préfixes qui ont servi à la
formation des mots ont tous, en tant qu’éléments formateurs du vocabulaire, été admis au même
titre que les mots eux-mêmes à la nomenclature du dictionnaire (cf. Préface, t .1, p. XXXVIII)
83.
En effet, la nomenclature accueille les particules comme des-, re-, les prépositions comme contre-,
en-, les adverbes comme bien-, mal- ainsi que les suffixes, aussi bien les suffixes primitifs, qui
remontent au latin populaire, comme -eau, -aison, que les suffixes savants, qui sont tirés du latin,
comme -iste, -tion ou qui sont empruntés au grec comme -arque, -ose ou à d’autres langues
comme le provençal ou l’italien d’où viennent respectivement -ade et -esque. À côté de ce type le
plus courant, le français connaît d’autres types de dérivation, comme la dérivation régressive
produite par la suppression d’un suffixe, ou les déverbaux formés à partir des radicaux verbaux, ou
encore les conversions (substantivation, adjectivation et adverbialisation) et les altérations /
réfections / variantes reconstruites sous l´influence d´un terme voisin ou d´une variante populaire
d´un mot.
2) COMPOSES
La composition consiste à former une nouvelle unité lexicale à partir d’éléments lexicaux
susceptibles d’emploi indépendant. On note parmi les composés ceux qui sont formés de deux ou
plusieurs morphèmes lexicaux, ceux qui sont composés d’un élément de formation indépendant,
communément appelé formant par les linguistiques
84et d’un morphème lexical et enfin ceux qui
sont constitués de deux éléments formants (les confixés)
85.
Mais, en dehors de ces grandes familles d’étymons qui se limitent à des exemples qui
représentent des cas bien tranchés, il existe de nombreux étymons discutables ou problématiques
qui laissent la discussion ouverte.
2.3.2.1.4. Inclassables : mots d’origine inconnue ou incertaine
Pour une partie du vocabulaire, notamment les mots dont la base a été altérée par de
multiples croisements et influences, il est impossible d’établir une étymologie sûre. Dans certains
cas, plusieurs propositions paraissent possibles, bien que discutables ou problématiques, laissant
ainsi la discussion ouverte ; dans d’autres cas, aucune hypothèse ne peut être avancée. Ces
matériaux d’origine inconnue ou incertaine sont consignés dans les volumes 21 à 23 du FEW,
même si « on relève dans les volumes 1-20 et 24-25 des paragraphes, voire des articles entiers
83
On dispose aujourd’hui, pour l’établissement d’une meilleure morphologie dérivationnelle, de l’ouvrage de D.
Apothéloz, La construction du lexique français, Texte imprimé : principes de morphologie dérivationnelle, Paris :
Ophrys, 2002, 164 p.
84
Cf. H. Cottez, « Dictionnaire des structures du vocabulaire savant. Éléments et modèles de formation », Paris : Le
Robert, 1988, 515 p. ; dans cet ouvrage a été réalisé un inventaire des formants.
consacrés à » ces matériaux (Buchi 1996, 14). Je n’en citerai que quelques exemples parmi
lesquels figurent entre autres des propositions d’étymons ou des étymons réfutés mais non résolus
pour autant.
Le bien-fondé de l’étymon retenu est justifié dans le commentaire argumenté référencé qui suit
immédiatement l’énoncé de l’étymon.
2.3.2.2. Composantes de la section : analyse étymologique et commentaire
Dans le document
Lexicographie et lexicologie historique du français
(Page 70-74)