I. Lexicographie diachronique : Notices Étymol(ogie) et Hist(oire) du TLF
2. Du dépouillement à l’intégration
2.3. Structuration de la notice
2.3.1. Section étymologie-histoire
2.3.1.2. Datations
Pour pouvoir être intégrées, toutes les datations doivent être préalablement vérifiées — et plus
particulièrement celles qui améliorent, parfois considérablement, les premières datations reconnues
jusqu’alors, mais aussi celles qui ont été admises depuis longtemps — puisqu’il ne faut pas
prendre le risque de fausser l’histoire du vocabulaire français.
Du point de vue formel, la datation se présente essentiellement sous l’une des formes
suivantes :
année
ca (= circa) + année / av. (= avant) + année /apr. (= après) + année
siècle
ordinal (romain) + moitié / quart / tiers du + siècle
ou bien déb. (= début) / mil. (= milieu) / fin du + siècle
fourchette de dates (où les dates prennent l’une des formes ci-dessus).
Pour garantir la validité de l’attestation, la date retenue est affectée, toutes les fois qu’il est jugé
utile, d’un complément, toujours entre crochets droits, qui précise la source de cette date (cette
source peut être davantage développée dans la référence). Ce complément se présente sous l’une
des formes suivantes :
[ms. (= manuscrit) (+ facultativement Bibliothèque, section et cote ou sigle du ms.)]
[date du ms.]
[var. (= variante) du ms. (+ facultativement Bibliothèque, section et cote ou sigle du ms.)]
65[éd. (= édition) (+ princeps lorsqu’il s’agit de la première édition)]
[n. st. (= nouveau style, ce qui signifie que le millésime mentionné correspond à celui du
calendrier grégorien (ou nouveau style) en vigueur depuis 1582 selon l'endroit]
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Cette présentation peut être remplacée par : [ms.] et dans ce cas on indique var. après la référence (p. ex . sous
Ainsi on note par exemple :
MEURTRISSURE
XV
es. [date du ms.] meurtrissure «marque livide causée par une contusion» (Gloss. gall.-lat., BN lat.
7684 ds GDF. Compl.)
MORGUE
21532 [n. st.] fig. (CHARLES DE BOURDIGNÉ, La Légende Joyeuse de Maistre Pierre Faifeu, éd. Fr.
Valette, p.8, 12: Ayans passé les tenebreuses morgues, Le feu purgeant la tache des delictz)
66Pour l’essentiel cependant, le point qu’il faut prioritairement résoudre en matière de datation est
celui même de la paternité d’un mot. Pour les textes d’ancien et de moyen français, les dates
retenues correspondent généralement à celles de la composition de l’œuvre lorsque les manuscrits
s’accordent sur une même leçon ; sinon, c’est la date du manuscrit ou de l’édition dépouillée qui
sera retenue et dans ce cas, la source de la date est donnée entre crochets droits après la date.
1) lorsque le texte original n’a pas pu être établi :
EXPLORATEUR
XIV
es. [ms.] « éclaireur » (L'Explorateur qui ert par les quatre fleuves Paradiz terrestre, ms. Rich. 443, f
o1 r
ods GDF.)
2) ou lorsqu’il s’agit clairement d’une variante propre à un manuscrit :
FACETTE
XIII
es. [ms.] facete « petit visage » (Athis et Prophilias, éd. A. Hilka, t. 1, var. du vers 3794)
FRAÎCHEUR
1288 [ms.] frescor « éclat, lustre (d'une fleur) » (Athis et Prophilias, éd. A. Hilka, t. 1, p. 47, var. du vers
1311)
si bien que pour un même texte, ici un texte écrit aux environs de 1200, la datation peut varier en
fonction de l’attribution du mot à l’un ou l’autre des copistes et non à l’auteur lui-même :
PAVOT
Mil. du XIII
es. [ms.] plante (CHRÉTIEN DE TROYES, Erec et Enide, éd. M. Roques, 2408 [var. du ms.
BN fr. 794, v. aussi éd. W. Foerster, 2412])
Ainsi, de manière générale, lorsqu’une attestation nous est parvenue par un manuscrit en désaccord
avec les leçons des autres manuscrits et que, de surcroît, la date de composition de l’œuvre nous
éloigne de beaucoup de la date de l’attestation suivante, on préférera retenir la date du manuscrit
dans la mesure où elle nous rapproche des attestations suivantes. Cette situation est fréquente pour
les œuvres qui nous ont été transmises par un manuscrit unique chronologiquement éloigné de la
date de composition. Je citerai l’exemple de FANION
67qui est attesté une première fois dans un
texte écrit au début XIII
es. qui nous a été transmis par un manuscrit du XV
es. et pour lequel, au
moment où l’article a été rédigé, aucun exemple antérieur à 1673 ne nous était connu.
66
« LaLégende avait été composée la même année que sa parution, car le premier mars 1531 correspond au premier
mars 1532 nouveau style » (cf. p. XVII de l’édition).
Pour être le plus juste possible en ce qui concerne les attestations extraites de textes plus
récents, c’est de préférence l’édition princeps qui est citée, notamment pour les textes pour
lesquels il n’existe pas d’édition critique ou d’édition de texte sur lesquels s’appuyer.
INVECTIVE
1512 [éd.] « parole injurieuse » (LEMAIRE DE BELGES, Illustrations de Gaule et singularitez de Troye,
Paris, chap. XXXIIII, f
oG VII r
o)
Pour les oeuvres posthumes, la règle générale consiste à indiquer : Av. (= avant) + la date de la
mort de l’auteur, suivie, soit immédiatement, soit dans la référence, de la date d’édition de l’œuvre
dépouillée :
INSOUTENABLE
av. 1654 « inadmissible, indéfendable, injustifiable (opinion, ...) » (GUEZ DE BALZAC, Œuvres
complètes, éd. de 1665, t. 2, p. 583)
INSPECTER
Av. 1771 « examiner, en qualité d'inspecteur, quelque chose qu'on est chargé de contrôler officiellement »
(HELVÉTIUS, De l'Homme, éd. 1773, t. 2, p. 405)
SALIN
av. 1590 [éd. de 1628] « qui est propre au sel » (PARÉ, Œuvres, XX, 13, éd. J. F. Malgaigne, t. 3, p. 195)
Si une quelconque hésitation subsiste quant à la première attestation d’un mot ou d’un sens,
l’attestation qui suit chronologiquement sera donnée. C’est par ce même souci d’exactitude que
lorsqu’il y a un écart chronologique trop important entre la première date et la suivante, les deux
dates sont impérativement mentionnées : la première correspond au premier stade d’emprunt, et la
seconde est celle de l’usage moderne. Ces deux dates sont reliées par un lien du type : attestation
isolée ; de nouv. (= de nouveau), séparé de ce qui précède par une virgule ou un point-virgule
68:
ENVIEILLIR
1225-30 envellir trans. « rendre vieux » (GUILLAUME DE LORRIS, Rose, éd. F. Lecoy, 381), attest.
isolée, de nouv. en 1537 envieillir (B. DES PÉRIERS, Cymbalum Mundi, 4 ds HUG.), rare.
FÊLER
XIII
es. faelé « lézardé » (Aucassin et Nicolette, éd. M. Roques, p. 14, 32); de nouv. 1483 feller « fendre un
objet cassant sans que les parties se disjoignent » (Inventaire des Biens de Charlotte de Savoie ds Bibl. de
l'École des Chartes, 6
esérie, t. 1, 1865, p. 428)
FOURNIR
XIV
es. [ms.] fourni « épais, touffu (en parlant de sourcils) » (CHR. DE TROYES, Perceval, éd. A. Hilka,
1819, var. du ms. B.N. fr. 1453), attest. isolée; de nouv. 1690 « épais, touffu (du bois) » (FUR.)
JAMBÉ
1582 mal jambé (J. DOUBLET, Les memoires de Xenafon Athenien, f
o53 v
o), attest. isolée; de nouv. 1798
bien jambé (Ac.).
La datation, en tant qu’elle est l’un des fondements de la philologie, se doit d’être la plus
précise possible et ce d’autant plus qu’elle est l’un des critères mis en avant dans le projet du
dictionnaire. Néanmoins, en raison du nombre des rédacteurs et en l’absence d’un fichier central
de datations commun à l’ensemble de l’équipe de rédaction, on notera de regrettables fluctuations
de date pour un même texte. Force est de constater cependant que malgré toutes les précautions qui
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À cette formulation, certains rédacteurs ont préféré celle de : ‘ex. isolé ; à nouv.’, tandis que d’autres ont opté pour
une présentation plus sobre, du type : ‘puis + date’ ou simplement ‘point-virgule + date’.
ont été prises lors de la rédaction des notices, il est des erreurs de datations qui n’ont pas été
évitées. Ainsi, on rappelera à titre d'exemple celles que signale G. Roques (Roques 2005) lorsqu’il
énumère quatre textes importants pour l’histoire du vocabulaire médical médiéval pour lesquels le
TLF a appliqué une datation erronée, en donnant soit une date purement hypothétique, soit une
date qui repose sur la confusion de ce qui appartient à l’auteur, au manuscrit ou à l’imprimé.
Dans le document
Lexicographie et lexicologie historique du français
(Page 49-52)