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145. L’appréhension des rapports financiers dans un contexte de marché

correspond à une intervention plus ou moins étendue de l’État à travers le droit public ou à travers un corpus de règles qualifié de « droit de la régulation économique » ou « droit public économique ». En tant qu’intervention de l’État dans l’économie, ces règles juridiques visent des objectifs et des moyens qui sont co-déterminés par le processus de connaissance < > ordonnancement du marché financier. La systématisation juridique orthodoxe postulant la positivité du droit étatique détermine les critères de rattachement pertinents pour la délimitation du marché financier, qui devient ainsi visible pour le système juridique (§1). Cette approche systémique permet d’identifier les ressorts des mécanismes juridiques forgés avec l’objectif de sécurité financière (§2).

§1. Les critères de rattachement pertinents

146. Le marché financier pertinent pour le droit : un problème du droit positif et de la positivation du droit. La notion de marché peut être pertinente

788 Mais présente néanmoins indirectement : v. F. DRUMMOND, Y. SCHMIDT, « Les

manifestations en droit financier », préc., n° 9, p. 23 : « À première vue, le secteur financier apparaît comme l'un des domaines les plus étroitement contrôlé par les pouvoirs publics, car l'un des plus sensibles (…) c'est vrai pour les marchés réglementés, ce ne l'est pas pour les marchés de gré à gré, marchés internationaux, qui ne bénéficient d'aucune reconnaissance officielle d'une autorité nationale ou internationale et sont conçus comme de véritables espaces de liberté où la loi des parties est la seule qui prévaut. »

789 Th. BONNEAU, F. DRUMMOND, Droit des marchés financiers, Economica, 2010, p. 41. J.-

G. d'HÉROUVILLE, « Les marchés réglementés et de gré à gré », in Th. BONNEAU (dir.), La

modernisation des activités financières, GLN Joly Éditions, 1996, pp. 49-56, spéc. p. 50 : « les

marchés de gré-à-gré en revanche ne font l’objet d’aucune réglementation publique et ne comportent pas d’organisme de régulation, de contrôle ou de compensation ».

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pour le droit à plusieurs niveaux790. Selon la dichotomie entre l’approche interne et externe du droit, le marché peut servir, d’une part, d’élément technique dans le présupposé de la règle, ou, d’autre part, d’élément de contexte qui sous-tend la rédaction des règles juridique ou encore qui permet de projeter les conséquences d’un certain « devoir être ». De manière transversale, le langage de la coproduction791 invite à réfléchir sur les fonctions de connaissance et d’ordonnancement que la notion de marché remplit lorsque le droit est posé est positivé respectivement. Le marché soulève le problème de sa représentation, c’est-à-dire d’assignation conventionnelle d’un sens, et rend visible la tension entre le droit et l’économie pour sa définition. Qui est le représentant est qui est le représenté792 ? Le marché économique vu par le système juridique à un

certain moment dépend en principe de la compétence de ce dernier. Lorsque le

marché reçoit une signification juridique, la connaissance ainsi fournie aux acteurs économiques (y compris l’État) est susceptible de « boucler »793 sur le marché positif à travers une transformation, dont la positivation subséquente du droit devrait également rendre compte. Contrairement à ce que Hayek soutient794, la dynamique du marché économique n’est pas (ou n’est plus) spontanée dans la société de la connaissance, elle est influencée dans une large mesure de l’information issue du processus de la positivation du droit.

147. Perspective quantitative et qualitative du marché financier en tant que fondement des règles en matière financière. Du point de vue économique,

le marché financier se rattache à la circulation du capital, donc il est possible d’affirmer qu’il est là où le capital circule. Si le rapport de droit résume la bilatéralité, le marché ne résume pas seulement la multilatéralité, car il peut être atomique, oligopolistique ou même monopolistique. Le marché financier, comme tout marché économique, peut être à la fois celui du grand nombre de relations et de petits montants, mais également celui du petit nombre de relations et des grands montants. Il est ce que les acteurs du marché en font et ce que le

droit leur permet d’en faire.

790 H. BOUTHINON-DUMAS, « L’appréhension du marché par le droit », in G. BENSIMON

(dir.), Histoire des représentations du marché, Michel Houdiard, pp. 755-773, spéc. p. 755.

791 V. supra n°18.

792 M.-L. MATHIEU, Les représentations dans la pensée des juristes, préc., pp. 199s. 793 V. supra nos 19 et 41.

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Pour le système juridique le défi est complexe : à la fois identifier ce qu’est le marché financier (comment circule le capital), et imposer ce qu’il devrait être (comment devrait circuler le capital). Par rapport à cette question, nous avons

montré que les doctrines fondées sur la science économique orthodoxe au XXe

siècle ont fait fusionner les fonctions de connaissance et d’ordonnancement du marché795. Cela se traduit dans une mutation au sens où le défi du système juridique est susceptible de devenir d’imposer que le capital circule comme il circule.

Le glissement est également facilité par le fait que la question ontologique du marché financier prévaut sur celle axiologique de sa régulation : les États sont intéressés en premier lieu par l’existence ou l’accès au marché financier, et de manière secondaire de sa régulation, car réguler au point d’en supprimer l’existence serait contraire au bon sens. L’État a l’intérêt de financer sa dette ou de rendre productif son excèdent, ainsi que d’assurer le financement des acteurs économiques qui contribue à ses recettes. Le moyen pour avoir un certain contrôle sur ce processus réside dans l’organisation d’un marché financier afin d’attirer à la fois l’épargne locale et les investisseurs étrangers, ce qui mène à une concurrence entre les États en ce sens.

La circulation du capital rend difficile son rattachement, qu’il soit territorial ou personnel, public ou privé796, à travers les compétences étatiques.

148. La nature des rattachements retenus : l’ordre public et considérations techniques. Niboyet avait identifié trois fondements pour les

règles impératives de droit interne : la nature des choses, des raisons techniques et des considérations d’opportunité797. Privilégiant une approche unilatéraliste

795 V. supra n°142.

796 V. M.-A. FRISON-ROCHE, « Argent privé, argent public », APD 1997. 197, spéc. p. 198 :

« Mais c’est à une révolution plus grande que le droit financier invite, en ce que, pour un marché financier, la distinction entre argent public et argent privé devient indifférente, donc disparaît véritablement ».

797 J. P. NIBOYET, « La force de la règle de droit en droit français », Mélanges Sugiyama, Sirey,

1940, pp. 241-262, spéc. p. 242s. Partant de l’observation que « toute société organisée a besoin d’un certain nombre de règles absolument impératives », Niboyet distribue celles-ci en trois catégories : a) celles d’après la nature des choses (i.e. la famille, la propriété) ; b) celles dues à des raisons d’ordre technique (e.g. le minimum de réglementation pour la validité des actes juridiques) ; c) celles fondées sur des considérations d’opportunité (ce qui fait que cette catégorie varie aussi bien dans le temps que dans l’espace). Cela ne signifie pas que ces matières sont

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(i.e. la coïncidence de la compétence législative avec la compétence juridictionnelle), l’auteur poursuit la classification sur le terrain de la compétence internationale, et distingue entre les fondements d’ordre public, des raisons de technicité et des raisons d’opportunité798. Les lois de police sont classées dans la dernière catégorie, du fait que celles-ci « présentent un intérêt essentiel pour l’État qui les édicte »799, qui pour Niboyet est impossible à être préservé à travers une délégation à un autre ordre juridique800.

Faisant écho à cette approche unilatéraliste, MM. Audit et d’Avout retiennent, comme principaux rattachements pour le droit financier, et implicitement pour le marché y visé, l’ordre public et les raisons techniques : le premier vise le lien territorial avec l’épargne sollicitée, tandis que le deuxième concerne la plateforme de transaction (la bourse traditionnelle, puis le marché réglementé)801. Mme Idot observe, par rapport au droit de l’Union européenne, qu’une « localisation par le marché » se décline en rattachements liés à la « mise sur le marché », d’une part, et à « l’effet sur le marché » d’autre part802. Ces conceptualisations nécessitent d’être approfondies au regard de la dynamique économique et juridique.

149. Localisation de la négociation. Bourse, entreprise de marché, contrepartie. Le rattachement technique à une plateforme de transaction a été

de nature territoriale lorsqu’une place financière (la bourse) avait une signification physique, était une « donnée factuelle »803. Son maintien a évolué dans l’obligation des entreprises de marché, en tant que sociétés de droit privé

entièrement composées de règles impératives, des aspects particuliers pouvant ȇtre toutefois régis par la liberté individuelle.

798 J.-P. NIBOYET, Traité de droit international privé français, Sirey, 1949, t. VI, n°1718, p.

264.

799 Ibid.

800 Ibid. « En matière d’opportunité, on peut citer l’application des lois de police qui présentent

un intérêt essentiel pour l’Etat qui les édicte, et dont les exigences de police ne sauraient ȇtre satisfaites, s’il appartenait aux tribunaux d’un autre pays de les appliquer, un peu comme si un pays édictait un règlement de police, mais chargeait la police d’un autre de le faire respecter ».

801 V. B. AUDIT, L. d’AVOUT, Droit international privé, préc., n°1085, p. 956.

802 L. IDOT, « Le domaine spatial du droit communautaire des affaires », TCFDIP 1992-1993,

pp. 145-177, spéc. n°20, p. 150.

803 A. COURET, H. le NABASQUE et al., op.cit., n°1580, p. 1174,: « La localisation

géographique, qui est donc une donnée factuelle et non un élément qualificatif d’une place financière, induit des conséquences en droit, notamment quant à la loi régissant les acteurs du marché ainsi que les opérations réalisées ».

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soumises à l’agrément administratif pour gérer des marchés réglementés, d’avoir effectivement la nationalité locale804. Cependant, cette organisation étatique de la circulation du capital à travers les marchés réglementés n’assurait pas l’exclusivité quant aux transactions financières, existant la possibilité de dérouler des opérations de gré-à-gré805.

De plus, dans l’espace européen la première directive MIF806 entrée en vigueur en 2007, à la veille de la crise financière, a abrogé le monopole des entreprises de marchés en ce qui concerne l’organisation des plateformes de transactions, ainsi que l’obligation de concentration des ordres807. De nouvelles formes d’organisation des négociations (les systèmes multilatéraux de négociation (MTF) et l’ « internalisation » des ordres) sont apparues, avec la possibilité d’être gérées par des prestataires des services d’investissements. Le rattachement à travers la nationalité de ceux-ci (lieu d’enregistrement et direction effective) ressort des conditions d’agrément dans les pays de l’espace économique européen808.

C’est à travers les conditions d’agrément qu’un droit financier étatique peut « nationaliser »809 le régime juridique applicable aux plateformes gérés par ces sociétés. La directive MIF refondue renforce cet outil en condamnant l’arbitrage

804 L. 421-2 CMF : « (…) Lorsque l’entreprise de marché gère un marché réglementé régi par les

dispositions du présent code, son siège social et sa direction effective sont établis sur le territoire de la France métropolitaine ou des départements d’outre mer ou de Saint-Barthélemy ou de Saint-Martin. »

805 V. infra n°159.

806 Directive 2004/39 du 21 avr. 2004 concernant les marchés d'instruments financiers.

807 A. COURET, H. le NABASQUE et al., op.cit., n°59, p. 47 : « jusqu'en 2007, les marchés

réglementés en France étaient protégés par le principe de concentration des ordres qui donnait la possibilité à un État d'exiger que les transactions qui répondent à des critères définis soient obligatoirement effectuées sur un marché réglementé. La mise en œuvre de ce principe contenu dans l'article L. 421-12 ancien du Code monétaire et financier avait pour objectif de favoriser les marchés réglementés, de ce fait, ils occupaient une place centrale dans le système français. Ce principe a disparu depuis la transposition de la directive 2004/39/ CE […]».

808 V. considérant n°46 de la Directive MIF refondue (Directive 2014/65/UE du Parlement

Européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE (refonte)) : « [...]Une entreprise

d’investissement qui est une personne morale devrait être agréée dans l’État membre où se trouve son siège statutaire. Une entreprise d’investissement qui n’est pas une personne morale devrait être agréée dans l’État membre où est située son administration centrale. Par ailleurs, les États membres devraient exiger que l’administration centrale d’une entreprise d’investissement soit toujours située dans son État membre d’origine et qu’elle y opère de manière effective. ». Pour le droit français v. art. L 532-2 1° CMF.

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normatif et indirectement l’abus de la libre prestation de services financiers dans l’espace économique européen810.

150. La localisation du public investisseur. C’est décidemment le public en

tant qu’investisseurs potentiels qui est au cœur du marché financier et de son encadrement juridique à travers une réglementation impérative. Plus qu’un « lieu », le marché est une « activité »811 qui concerne le public. Comme le soulignent MM. Audit et d’Avout, il s’agit d’un rattachement fondé sur la protection des investisseurs : « Le droit financier moderne pourrait sans abus être présenté, à certains égards au moins, comme un droit spécial de la consommation. En effet, indépendamment des aspects techniques de la négociation boursière, le fait du placement public des titres suscite la nécessité de protéger les investisseurs profanes »812.

Confirmant l’épistémologie orthodoxe de la régulation financière, la qualification de cet ordre public comme étant de protection813 mérite d’être remise en cause à plusieurs niveaux. Premièrement, face à l’innovation financière, tout investisseur est inévitablement profane au moins dans un premier temps. Deuxièmement, elle favorise une représentation qualitative et atomique du marché financier, ce qui est une question contingente. En ce sens l’expérience de la crise financière de 2008 témoigne de l’existence d’un marché économique quantitativement supérieur au marché pris en compte par la régulation financière d’origine étatique. Troisièmement, cette approche occulte le fait qu’« une préoccupation d’intérêt collectif est fréquemment sous-jacente

810 V. considérant n°46 de la Directive MIF refondue, préc. supra : « Les principes de la

reconnaissance mutuelle et de la surveillance exercée par l’État membre d’origine exigent que les autorités compétentes des États membres ne devraient pas octroyer l’agrément, ou devraient le retirer, lorsque des éléments tels que le contenu du programme d’activité, l’implantation géographique ou les activités effectivement exercées indiquent, de manière évidente, que

l’entreprise d’investissement a opté pour le système juridique d’un État membre afin de se soustraire aux normes plus strictes en vigueur dans un autre État membre sur le territoire duquel elle entend exercer ou exerce la majeure partie de ses activités [...]» (c’est nous qui

soulignons).

811 H. de VAUPLANE, « Les notions de marché », RDBB, 1993. 62, repère n°36.

812 B. AUDIT, L. d’AVOUT, Droit international privé, préc., n°1085, p. 956. Sur la distinction

de la finalité des règles financières par rapport à l’intérêt général de structuration du marché et de la protection de l’épargne respectivement v. D. BUREAU, H. MUIR WATT, op.cit., n°1045, p. 599.

813 F. TERRÉ, Ph. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil. Les obligations, 10e éd., 2009, n°384,

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aussi bien aux lois de protection individuelle […] qu’aux lois dont l’application doit être uniforme sur tout le territoire »814, ce qui a priori fait obstacle à l’inclusion de ces règles parmi les mécanismes de sécurité financière815.

Le problème de savoir si le rattachement au public en tant que marché pertinent est territorial ou personnel est une question distincte de la portée territoriale ou extraterritoriale des règles juridiques, comme l’avait souligné Niboyet816. En ce sens, l’absence de rattachement territorial soulève souvent un problème d’effectivité de la régulation financière et de portée extraterritoriale817.

151. La localisation des services financiers. Le problème du rattachement a

priori territorial du public en tant que marché vise non seulement les règles

concernant l’offre publique mais également les obligations des prestataires de services d’investissement818 en tant qu’intermédiaires. Le caractère réglementé de ces services dérive de leur objet : les instruments financiers819. Comme il a été remarqué, « le périmètre de ces services dépendra du devenir de la notion d’instruments financiers »820, qui désormais se décline en titres financiers et contrats financiers821.

152. Les rattachements retenus par les droits financiers étatiques limitent la portée des règles dans ce domaine, mais sont à leur tour déterminés par un objectif de sécurité financière. Il convient d’en analyser les mécanismes sous-

814 P. MAYER, « Les lois de police étrangères », JDI 1981. 277, spéc. p. 292. 815 V. infra n°156.

816 Sur le fait que la portée de la loi peut ȇtre territoriale ou extraterritoriale, aspect distinct par

rapport au problème du rattachement territorial / personnel v. J.-P. NIBOYET, Traité de droit

international privé français, Sirey, 1944, t. III, n°842s., pp. 5s., spéc. n°843, p. 7: « on identifie

à tort, sous un même vocable, d’une part les statuts personnels avec les statuts extraterritoriaux, et d’autre part les statuts réels avec les statuts territoriaux ».

817 Morrison v. Nat't Austl. Bank Ltd., 130 S. Ct. 2869 (2010). V. infra n°360.

818 Sur la distinction entre le monopole financier et les règles concernant le démarchage financier

v. H. BOUCHETEMBLE, W. SANBAR, Droit des opérations bancaires et financières

transfrontalières : Aspects juridiques et pratiques de l'accès au marché français, RB, 2013, n°

9s., pp. 28s.

819 La notion de « valeurs mobilières » a été remplacée par un catalogue de « titres », avant

l’émergence de la notion d’ « instrument financier », qui à son tour privilégie une définition énumérative - V. H. le NABASQUE, Ph. PORTIER, « Les instruments financiers », in Th. BONNEAU, La modernisation des activités financières, GLN Joly éditions, pp. 27-48, spéc. p.28-29.

820 V. H. CAUSSE, « Les services d’investissement », in Th. BONNEAU, La modernisation des

activités financières, GLN Joly éditions, pp. 13-26, spéc. p. 15.

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jacents qui permettraient de « boucler »822 sur la notion de marché pertinente du point de vue épistémologique pour la positivation du droit.

§2. L’objectif de sécurité financière

153. Une sécurité opérationnelle à travers divers mécanismes. Les

réglementations financières d’origine étatique poursuivent un objectif de « sécurité financière »823 ou « sécurité des marchés »824. Consubstantielle au droit financier, la notion se retrouve de manière transversale dans la téléologie des divers dispositifs : au niveau institutionnel du mode d’organisation du marché, et au niveau fonctionnel des règles prudentielles et de conduite825. La dimension institutionnelle vise principalement la présence du régulateur tandis que la dimension opérationnelle concerne d’une part la transparence du marché financier826, et d’autre part la compensation multilatérale pour pallier le risque de contrepartie827. La protection des investisseurs y figure avec un rôle seulement indirect à travers la confiance qu’elle instaure828, optique qui fait écran à une influence réciproque entre ce régime et l’objectif de sécurité financière. Il convient par conséquent d’en identifier les ressorts et de la remettre en cause.

154. Une approche technique du risque juridique. Une sécurité procédurale. Les règles instaurées par le droit financier visent à assurer (de

manière artificielle) les conditions économiques pour que le marché financier produise une allocation optimale des ressources financières à travers la libre concurrence. Le risque juridique est éliminé : d’une part, quant à la formation valable des engagements financiers (à travers les règles de transparence) et

822 V. supra nos 19 et 41.

823 A. COURET, « La sécurité financière », préc., pp. 363s. V. supra n°28. 824 Id., p. 364.

825 G. LECACHEUR, Les aspects juridiques de la sécurité financière sur les marchés

réglementés, préc.

826 J. MÉADEL, Les marchés financiers et l'ordre public, LGDJ, 2007, p. 22. J.-G.

d'HÉROUVILLE, « Les marchés réglementés et de gré à gré », in Th. BONNEAU (dir.), La

modernisation des activités financières, GLN Joly Éditions, 1996, pp. 49-56, spéc. p. 52.

827 H. De VAUPLANE, « Les notions de marché », Rev. dr. bancaire et bourse, 1993. 62 : « En

fait, la différence entre [marché réglementé et de gré à gré] réside dans le critère de la sécurité, car il peut très bien exister des marchés de gré à gré avec des contrats standardisés, et donc liquides. Ce risque de contrepartie – ou insécurité – n’existe pratiquement pas dans les marchés réglementés du fait de l’existence d’une chambre de compensation ».

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d’autre part quant à l’exécution de ces engagements (à travers les mécanismes post-marché). Les acteurs du marché sont laissés ainsi, le plus possible, à composer avec le seul risque économique. Celui-ci, impossible à éliminer, peut seulement être pallié par sa transmission. Les marchés réglementés protègent la sécurité juridique de cette circulation du capital à travers la transparence de l’information, qui rend les acteurs égaux du point de vue informationnel, et à travers l’élimination de l’incertitude quant à la bonne exécution des transactions. Cette élimination du risque juridique sert à assurer, conformément à la théorie