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Chapitre 3 : La mort à l'école

III- 3 Pourquoi la plupart des professeurs des écoles redoutent-ils, ou refusent-t-ils d'en parler ?

2.3. Manque de formation : ORME et ALDAE

« Une école qui prépare à la vie, n’a pas uniquement la tâche de faire place au chagrin quand il survient, mais aussi celle d’être attentif à l’éducation et à la préparation de la perte.129 »

Nous l’avons vu, les professeurs qui vivent la mort de plein fouet au sein de leur classe ne semblent absolument pas formés. Nous n’avons aujourd’hui, aucun enseignement nous permettant de faire face à ce genre de situation. Que ce soit le deuil d’un enfant, ou la perte de l’un d’eux. Il semble que ce soit un manque à combler.

Il existe des associations qui ont pris conscience de ce manque. C’est le cas de L’ORME (Organisme de recherche sur la mort et l’enfant), dont Marie-Ange Abras, chercheuse en soin palliatifs, fait partie. Elle intervient depuis 1992 dans les écoles afin de parler en amont d’une mort ou d’un deuil. Son dessein est « de monter que l’on peut réintégrer la mort dans nos sociétés en en parlant avec les enfants afin qu’ils puissent vivre plus sereinement les moments plus ou moins difficiles de leur vie présente et future. […] Puis de convaincre les autorités officielles en matière d’éducation, de recherche et de santé pour insérer le thème de la mort dans le programme scolaire des enfants et dans le programme des Instituts Universitaires de Formation des Maîtres.130 » Elle intervient lors de plusieurs séances au sein d’une classe pour « donner la possibilité à chacun de s’exprimer sur la mort et former l’enseignant lui-même à ne plus l’évincer pour les besoins de l’enfant.131 » Sur le terrain, elle a pu observer des

problèmes créés par les non-dits sur la mort tels que ceux vécus par la maîtresse que nous avons évoqué tout à l’heure. Les morts cachées et les deuils non vécus avaient des répercutions sur la

santé et la scolarité des enfants, mais aussi sur les parents et les enseignants. Le cas présenté

n’est donc pas un cas isolé. La mort mal traitée en classe a donc de grandes répercutions, dangereuses pour les enfants, mais en plus de cela, qui troublent les apprentissages.

129 Manu Keirse, « Le deuil à l’école » dans faire son deuil, vivre un chagrin, De Boeck, 2000

130 Marie-Ange Abras, La mort à l’école : les besoins des enseignant, INFOKara, vol. 23 N°3, 2008, source

Cairn.fr

131 Marie-Ange Abras, La mort à l’école : les besoins des enseignant, INFOKara, vol. 23 N°3, 2008, source

95 « La méthodologie de recherche-formation m’a permis d’évaluer les

modifications du comportement relatif à la mort. Les changements se sont produits dans l’attitude des enseignants qui n’ont plus évincé les interrogations des enfants sur la mort et la perte. J’ai donc formé les enseignants afin qu’ils n’évincent plus les questions existentielles des enfants, de leur donner les moyens de repérer un élève en deuil, et de leur donner les moyens de faire appel à un intervenant extérieur pour approfondir ces sujets. L’enseignant a donc le rôle d’une personne relais.

Grâce à ses groupes, les enfants et les enseignants ont spontanément parlé de la mort, ce qui en a permis une certaine dédramatisation dans nos sociétés occidentales.132 »

La fonction de relais, rappelle les limites de ce devoir, le professeur des écoles doit répondre aux questions, ne pas fermer le dialogue et être attentif et observateur, mais lorsque cela est nécessaire, il doit laisser les intervenants qualifiés intervenir. Il ne faut pas oublier que le maître, ou la maîtresse, n’est pas psychologue scolaire, et ce n’est pas ce que l’on attend de lui.

Il existe également une association nommée ALDAE (Accompagne le deuil à l’école) qui, sur son site internet133 met en avant les buts suivants :

- Accompagner les enseignants et les autres professionnels de l’éducation à aborder le thème de la mort ;

- Répondre aux différentes situations et problématiques autour du deuil ;

- Sensibiliser les élèves et les acteurs de l’éducation sur la force de la parole au sujet de la mort et du deuil.

Cette association combat elle aussi le tabou de la mort à l’école et à travers lui le manque de formation des enseignants face à des situations de deuil au sein de leurs classes. Ainsi, elle propose de nombreuses formations telles que « Le deuil chez l’enfant et son impact en milieu scolaire » ou encore « Le deuil chez l’enfant et l’adolescents ». L’association invite aussi deux fois par ans à un atelier fratrie, les frères et sœurs confrontés à un deuil périnatal. Parfois, ses membres proposent d’intervenir en classe pour parler de la mort, lorsqu’un enseignant en fait la demande, à la suite d’un drame.

Depuis 2001, ce collectif de professeurs des écoles et d’inspecteurs, se bat pour sensibiliser aux situations difficiles et propose une valise pédagogique qui est introduite par une citation d’Anne Duperey :

132 Marie-Ange Abras, La mort à l’école : les besoins des enseignant, INFOKara, vol. 23 N°3, 2008, source

Cairn.fr

96 « Le chagrin cadenassé ne s’assèche pas de lui-même, il grandit, il s’envenime, il se nourrit de silence, en silence il empoisonne sans qu’on le sache.134 »

Dans cette valise, les enseignants ont à leur disposition des documents théoriques sur le processus de deuil chez les enfants et les adolescents, mais aussi une fiche de conseils qui indique les choses à savoir, les choses à dire, et les choses à faire, ou encore une cassette vidéo qui vante l’importance de la parole, ainsi que huit fiches de présentations de livres sélectionnés pour chaque âge, avec les termes abordés et les pistes à explorées.

L’entrée par la littérature semble être, pour cette association, la plus judicieuse, elle le justifie ainsi :

« Les livres sont de véritables « passeurs » entre les adultes et les enfants : ils peuvent aider l’enfant, même très jeune, à prendre conscience de ce qu’il vit, à mettre des mots sur le ressenti qui est parfois enfoui en lui, à parler de son expérience ; cela permet d’accueillir l’enfant, de le reconnaître dans toute sa profondeur humaine, d’établir un dialogue avec lui. Dans un groupe, chacun reçoit l’histoire racontée avec la sensibilité qui lui est propre en fonction de son histoire personnelle, de son expérience à ce moment-là. »

Il existe donc des formations parallèles qui se construisent autour de celle proposée par l’éducation nationale dans ses ESPE, pour pallier justement, au manque de préconisation face à cela. Une auto-formation se met en place entre professeurs des écoles qui ont vécu des événements de classe où ils se sont sentis impuissants. Ils ont décidé de réagir, mais pourquoi ne parlent-on pas plus de leurs existences ? Pour parvenir à leur site internet il faut vraiment le chercher et surtout savoir que cette association existe…