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Chapitre 2 : Le paradoxe de la culture

II- 1.3.La dystopie

Ces dernières années, les œuvres dystopiques, telles que Hunger Games37 , ou encore, Divergente38, ont eu un succès incroyable, autant chez les adolescents que chez les adultes. On peut y trouver l’image de la mort de manière très prononcée, et ce dans de nombreuses œuvres sur le même thème du jeu mortel. Il en existe beaucoup, et elles ont, pour la plupart eu un grand succès auprès des lecteurs. A l’image de Battle Royal39 en 1999, ce sont des œuvres qui se passent dans le futur, ou dans un futur alternatif, où la société dépassée par des événements économiques, politiques, sociaux ou encore climatiques, change d’organisation. Dans le roman de Kōshun Takami Battle Royal, c’est un régime autoritaire qui, effrayé par la montée de révolte chez les adolescents décide d’organiser un « jeu », chaque année, une classe de troisième est tirée au sort dans tout le pays. Ils sont enlevés, et emmenés sur une île vidée de tout habitant par les militaires pour les besoins du jeu. Les règles sont les suivantes :

- Le jeu s'arrête lorsqu'il ne reste plus qu'un élève en vie.

- Les élèves sont lâchés dans la zone de jeu, close et constamment surveillée par des

37 Suzanne Collins, The Hunger Games, Scolastic, New-York, 2008. 38 Veronica Roth, Divergent, HarperCollins Publishers, New York, 2011 39 Kōshun Takami, Battle Royale, Ohta Publishing, Japon, 1999

39 militaires. La fuite est impossible.

- Pour gagner, tous les coups sont autorisés.

- Le gagnant du jeu recevra un mot du président lui-même et une pension à vie assurée par l'État, suffisamment conséquente pour vivre convenablement. Il sera autorisé à reprendre une vie normale, continuant sa scolarité dans une autre préfecture. Les gagnants sont néanmoins surveillés par la police et avertis de ne pas trop parler du programme en public.

Les élèves sont équipés de colliers électroniques, munis d'une forte charge explosive. Conçus par l'armée de terre, ils sont destinés à les contraindre au respect des règles. En conséquence : - Étanches et incassables, ils explosent si on tente de les retirer. Seule l'armée en connaît

suffisamment bien le fonctionnement pour les retirer sans risque d'explosion. - Ils explosent tous si 24 heures de jeu se déroulent sans une seule mort.

- Ils sont équipés d'une balise permettant de repérer les élèves sur la zone de jeu, via satellite.

- Si un élève pénètre dans une zone « interdite », son collier explose. Au fil des heures, les militaires interdisent de plus en plus de zones et l'annoncent aux élèves, de façon à les regrouper dans un espace de plus en plus petit, et ainsi à forcer les chances de rencontre.

- Ils permettent également de surveiller le pouls de chacun pour connaître à tout moment son état de santé et l'heure de la mort le cas échéant.

C’est un système de jeu où la mort est un moyen de divertissement. Ce qui est encore plus fortement le cas dans la Saga Hunger Games : Les jeunes choisis doivent faire le show, c’est tout un système de sons et lumières qui a comme utilité, hormis de rappeler aux districts qu’ils ne doivent pas montrer le moindre signe de rébellion, le divertissement des habitants de la capitale. En attirant des sponsors, les tribus ont plus de chance de survivre. L’ensemble de cette « téléréalité » est influencé par les cotes de popularité de chaque tribu.

Dans ce type de jeu, nous, lecteurs/spectateurs, voyons devant nous une mise en abîme de la mort : pour ces jeunes dans l’arène, la mort est une fatalité irrémédiable, n’est-ce pas notre cas à tous ?

D’un autre côté, il semble que dans ce type de jeux, la mort sert d’interrupteur pour montrer nos instincts primaires. Il semble que face à elle nous soyons différents, sans les contraintes de bienséance, de socialisation, notre instinct de survie prend le dessus, et c’est ce qui excite le spectateur/lecteur, l’identification envers le personnage qui est victorieux devient

40 rassurante, ne sachant pas comment nous réagirions face à une telle situation nous espérons être de ceux qui gagnent en restant de bonnes personnes. C’est-à-dire, en essayant d’être juste, de ne pas oublier son humanité face à cette mort qui nous rend animal. La mort montre les pires facettes de l’être humain, l’utiliser de cette manière a un effet anthropologique qui plaît au lecteur/spectateur. En effet la plupart de ces romans à succès sont adaptés au cinéma, c’est le cas pour Hunger Games et Battle Royal, mais aussi d’œuvres très ressemblantes comme Running Man40 de Stephen King, ou encore la nouvelle de Robert Sheckley Le Prix du Danger41. Ces dernières se sont influencées les unes les autres, renforçant pour certains l’aspect de téléréalité morbide, pour d’autres l’aspect politique ou encore l’excitation d’une chasse à l’homme sans règles ni lois à part celles de tuer à tout prix. Ce succès est lié au plaisir que prend le lecteur/spectateur à observer les réactions de ces jeunes dans des situations si extrêmes, à se demander comment ils réagiraient face à des choix cornéliens qui, même en cas de victoire, promet une vie pleine de cauchemars et de névroses : la mort laisse toujours une trace, qu’on la subisse où qu’on soit forcé de la donner. C’est ce qu’illustre le personnage de Haymitch dans Hunger Games, c’est un ancien vainqueur qui noie son mal-être dans l’alcool, ayant perdu le goût de vivre après ce qu’il a dû endurer, se devant d’être reconnaissant d’avoir survécu, mais de n’avoir, quelque part, jamais été aussi mort. Finalement même ceux qui gagnent ne sont pas des vainqueurs, le seul vainqueur étant la mort.