• Aucun résultat trouvé

Il est manifeste que le soufre joue un rôle dans l’apparition des vides interfaciaux [64], comme on le verra dans les hypothèses avancées ci-dessous Quoi qu’il en soit, on n’observe

pas de cavités à l’interface revêtement-oxyde en présence de platine, même pour des teneurs en soufre élevées.

Diverses hypothèses ont été formulées pour interpréter cet effet inhibiteur sur la formation de cavités.

1- La diminution de la fraction apparente d’aluminium du système consécutive à l’ajout de Pt rend l’appauvrissement en aluminium de la surface du revêtement moins nette, la migration de nickel consécutive s’en trouverait limitée. La formation de cavités semble avoir pour origine la coalescence des lacunes laissées par les éléments ayant diffusé (effet Kirkendall), il n’y a alors plus d’apparition de vides à cet interface. Cette hypothèse ne rend pas compte de la formation de cavités à l’interface substrat-film, sauf à supposer que le platine inverse le flux de migration des éléments à travers le film, ou que l’aluminium formant la couche d’alumine migre expressément de cet interface [65].

Chapitre I Titane, Alliages de Titane et Revêtements Métalliques Protecteurs

27

Fig.14. Mécanismes de diffusion probables dans les systèmes NiAl et (Ni,Pt)Al [65].

2- Il a été aussi émis l’idée que le platine pourrait limiter la diffusion en soi, et ce pour le soufre comme pour les métaux du substrat et du film, l’aluminium excepté [60], qui semble voir sa diffusion accélérée [55, 66]. Cet effet anti-diffusion est contesté par certaines observations, plusieurs études déniant au platine un rôle dans la limitation de la diffusion, du moins en dessous d’une certaine concentration [54, 65] Nous reviendrons sur ce point plus loin.

3- Une hypothèse intéressante suppose que le platine diminue l’énergie interfaciale oxyde- revêtement, rendant la formation de cavités plus difficile à cet interface. De plus, si cette énergie décroît, l’adhésion de la couche d’oxyde au revêtement croît. Il a par ailleurs été montré que l’ajout d’environ 2,3 %at. de Pt à NiAl massif augmente l’adhésion de Al2O3 de façon significative, et ce

jusqu’à 1200°C, contre 1150°C en l’absence de platine [66].

4- On peut aussi émettre l’hypothèse inverse : si l’énergie interfaciale augmente en présence de Pt, les lacunes formées à l’interface film-oxyde sont plus stables et n’ont pas besoin de coalescer pour augmenter leur stabilité ; les cavités microscopiques n’apparaissent donc pas. Dans ce cas de figure, l’adhésion film-oxyde se trouverait néanmoins réduite.

5- Il a aussi été observé que la présence de platine en solution solide dans la phaseβ-NiAl perturbe la ségrégation des sulfures à l’interface film-oxyde et aux abords des cavités. La présence de soufre à cet interface est unanimement désignée comme un facteur affectant fortement l’adhérence du film d’Al2O3 [75]. Cet effet catastrophique croît avec la concentration en soufre. L’addition de platine

supprime cet effet néfaste, jusqu’à de très fortes concentrations en soufre [66]. Plusieurs mécanismes peuvent expliquer que Pt contrecarre l’influence du soufre, dont deux ont été déjà cités (effet anti- diffusant et phénomènes de surface). Une des explications les plus simple est le piégeage du soufre par la formation du composé PtS lors de la diffusions vers a surface du revêtement. Il est aussi possible

Chapitre I Titane, Alliages de Titane et Revêtements Métalliques Protecteurs

que les joints de grains contiennent le platine que les grains saturés n’ont pas pu dissoudre et ne puissent ainsi servir de voie de diffusion au soufre. Il faut noter que les RE, comme Y, Hf, Pd, La ou Ce, présentent ce même effet.

6- Dans les systèmes à base d’aluminiure de platine, on rencontre des protubérances issues du film et pénétrant dans la couche d’oxyde, qui pourraient contribuer à l’adhésion de cette couche, via un effet d’imbrication, sorte d’effet « puzzle ». Ces protubérances disparaissent totalement après environ 200 h de traitement à haute température, leur effet n’est donc pas permanent.

Revenons à présent sur le rôle de barrière de diffusion du platine. Ce point fait l’objet d’une controverse ; selon certaines études, le platine n’empêche en rien la diffusion d’éléments réfractaires vers le revêtement, malgré un plaquage électrolytique de 7µm avant aluminisation, mais favorise la diffusion de l’aluminium. (Une modification de l’activité de l’aluminium a été évoquée dans certaines études.) D’autres études ont démontré un effet de barrière de diffusion du platine à l’égard des éléments réfractaires issus du substrat, et de l’oxygène en provenance de l’atmosphère ambiante [45], pour des couches électroplaquées initiales de 5µm. Le mécanisme proposé pour expliquer cette résistance à la diffusion a déjà été décrit sommairement plus haut : les grains d’aluminium étant saturés en platine, l’excès s’accumule dans les joints de grains, certaines observations ont en effet mis en lumière une sur-concentration de Pt aux joints de grains freinant ou stoppant la diffusion d’autres éléments à travers ceux-ci. L’interface revêtement-alumine n’est donc pas polluée par des éléments nocifs [66].

On peut raisonnablement penser que les divergences rencontrées tiennent non seulement à la teneur globale mais aussi à la répartition du platine dans le revêtement, qu’il subsiste une couche uniforme continue du platine ou que celui-ci ait totalement diffusé dans l’aluminium, ou tout autre configuration envisageable. D’une façon générale, les performances en conditions d’oxydation à haute température varient conjointement avec la concentration en platine, jusqu’à une certaine limite qui reste à définir.

Quant à la croissance de la couche d’alumine elle-même, les avis sont également partagés. D’aucuns affirment que le platine ralentit la croissance de l’oxyde [54, 57], ce qui est conforme à l’observation de l’effet anti-diffusant que ces mêmes lui prêtent. D’autres ne constatent pas de différence entre les vitesses de croissance d’Al2O3 sur les échantillons platinés et non platinés. En

contrepartie, les études en question s’accordent sur le fait que Pt favorise la croissance d’une couche deα-Al2O3continue et protectrice à haute température, ce que ne permet pas l’aluminium seul, contre

toute attente.

Les différences d’observation pourraient aussi être imputées aux impuretés amenées avec Pt lors de son addition ou aux éléments contenus dans les alliages tenant lieu de substrat et remontant à la surface par diffusion [51, 55, 66]. Ces apports peuvent avoir des effets bénéfiques (Hf, Y, etc.) ou néfastes (W, Ta, …).

Chapitre I Titane, Alliages de Titane et Revêtements Métalliques Protecteurs

29

Enfin, la présence de platine élève la température de transition ductile-fragile du revêtement, tout particulièrement s’il y a formation de PtAl2 en couche continue. Les dépôts métalliques de surface

ayant d’ordinaire tendance à diminuer la ductilité des matériaux revêtus, cette propriété n’est pas à négliger [9, 47].

Des calculs de chimie théorique étudiant l’interaction de l’oxygène avec des clusters aluminium-platine sont actuellement en cours.

Si l’application des revêtements aluminium-platine aux superalliages est largement connue et étudiée, l’application de ces systèmes aux alliages de titane reste marginale, pour les raisons évoquées par ailleurs de compatibilité des procédés et du matériau. Cependant, quelques études ont déjà pu être effectuées, en utilisant des alliages plus résistants aux hautes températures et des procédés moins contraignants.