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I. Introduction

I.2 La syphilis

I.2.3 Manifestations cliniques

La syphilis est une pathologie évoluant de manière chronique, avec une succession de phases symptomatiques entrecoupées de phases latentes asymptomatiques.

L'étude réalisée chez les médecins généralistes français par le réseau ResIST a montré que la classification de la syphilis par les médecins n'était pas conforme à la définition puisque que 57 % des syphilis détectées étaient classées primaire, 27 % secondaire, 8 % latente, 8 % non classées, alors qu'une fois que les valeurs ont été corrigées, 44 % des cas étaient classés syphilis primaire, 31 % secondaire, et 19 % latente. Il est donc important de rappeler en détail les définitions des différents stades de la syphilis [10]. Il existe 2 façons de la classifier qui se chevauchent [14] [15] [16] :

Classification clinique : syphilis primaire, latente, secondaire, tertiaire, neurologique Classification d'intérêt épidémiologique et thérapeutique :

– Syphilis précoce définie par une évolution depuis moins d'un an, contagieuse,

comprenant la syphilis primaire secondaire, latente précoce et neurosyphilis précoce,

– Syphilis tardive évoluant depuis plus d'un an à partir du 1er jour du chancre, non

contagieuse, comprenant la syphilis latente tardive, la syphilis tertiaire, la neurosyphilis tardive.

La syphilis congénitale est considérée comme une situation particulière.

I.2.3.1 Syphilis primaire

L'incubation est en moyenne de 3 semaines (10 à 100 jours) après le contact.

La syphilis primaire se définit par l'apparition d'un chancre au point d'inoculation puis quelques jours plus tard d'une adénopathie satellite.

Chancre

Ulcération muqueuse superficielle, indolore, unique dans 2/3 des cas, indurée à la base : au palper protégé impossibilité de plisser entre 2 doigts la surface de l'induration , circonscrite de 5 à 20mm de diamètre en moyenne, à fond propre, lisse rosé.

Les caractères sémiologiques de ce chancre sont inconstants, donc toute ulcération muqueuse (génitale, orale ou anale) doit faire évoquer le diagnostic de syphilis.

La localisation de ce chancre peut aussi être trompeuse car étant indolore, s'il est situé en région cervico-vaginale, ano-rectale ou buccale, il peut passer inaperçu.

Il est situé dans la sphère génitale dans 95 % des cas.

Chez l'homme, le chancre est préférentiellement sur le sillon balano-préputial, parfois le gland ou le fourreau ; attention aussi aux phimosis cachant le chancre ou à la balanite

érosive avec de nombreuses érosions superficielles.

Chez la femme, le chancre est habituellement vulvaire (grande lèvres , petites lèvres, fourchette), pouvant provoquer un œdème des grandes lèvres, plus rarement vaginal, mais le chancre du col utérin visible uniquement au spéculum est fréquent.

Le chancre peut aussi être mixte avec association d'un chancre syphilitique causé par

Treponema pallidum et d'un chancre mou dû à Haemophilus ducreyi, qui lui est

douloureux, non induré, à fond sale, avec de nombreuses adénopathies.

Les seuls cas où le chancre est absent sont la syphilis congénitale qui est rare (5 cas/an en France) et la syphilis post-transfusionnelle qui reste exceptionnelle

(35 cas pour 100 000) [12] [17].

Le chancre disparaît spontanément en 3 à 6 semaines. Avec un traitement adapté, le tréponème disparaît en quelques jours ce qui réduit la durée de cicatrisation du chancre à 1 à 3 semaines.

Le chancre génital favorise la transmission sexuelle du VIH, pour la raison suivante [18]: Après inoculation du tréponème, la réponse immunitaire innée est induite, mettant en jeu de nombreuses cellules (macrophages, cellules dendritiques, cellules NK « natural killer », polynucléaires, mastocytes, etc.), puis la réponse immunitaire adaptative se met en place à son tour avec le recrutement de lymphocytes T responsables de l'immunité cellulaire et des lymphocytes B responsables de l'immunité humorale (production d'anticorps).

Les lymphocytes B se postent dans les ganglions lymphatiques et peuvent soit se différencier en plasmocytes sécréteurs d'anticorps circulants, soit se différencier en lymphocytes B mémoire.

Les lymphocytes T CD8+ sont activés par les cellules présentatrices d'antigène. Ils vont ensuite se multiplier et se différencier en lymphocytes T « tueurs » qui vont retrouver les cellules infectées par le tréponème et les détruire.

Les lymphocytes T CD4+ sont activés par la présentation de l'antigène du tréponème par les macrophages ayant phagocyté T. pallidum. Ils vont ensuite se multiplier et se différencier en lymphocytes T mémoire ou en lymphocytes T auxiliaires. Les lymphocytes T auxiliaires sont indispensables au bon fonctionnement de la réponse immunitaire, ces cellules sécrètent des interleukines indispensables à la différenciation des lymphocytes B en plasmocytes et des lymphocytes T CD8+ en lymphocytes T « tueurs ».

Or le lymphocyte T CD4+, très présent dans la région du chancre syphilitique, est la cible favorite du VIH, ce qui va favoriser la contamination du patient par ce virus en cas de rapport sexuel à risque.

Adénopathie satellite

Tout chancre est accompagné d'une adénopathie satellite non inflammatoire le plus souvent unilatérale, froide, indolore, sans péri adénite, de grande taille, localisée en région inguinale si le chancre est génital, en région inguinale ou crurale si le chancre est anorectal, en région cervicale si le chancre est endo-buccal.

Attention, dans le cas des chancres du col utérin ou du rectum, l’adénopathie n'est pas toujours palpable.

I.2.3.2 Syphilis secondaire

Selon les études, 30 à 50 % des syphilis primaires évoluent vers le stade secondaire. La syphilis secondaire correspond à la phase de diffusion systémique de Treponema

pallidum qui met en moyenne 6 semaines à se constituer (3 semaines à 6 mois).

Elle se caractérise par 2 éruptions cutanéo-muqueuses successives (les floraisons)

entrecoupées d'une phase latente, associées à des manifestations extracutanées variées et variables (signes généraux divers, signes viscéraux, anomalies biologiques) participant à sa qualification de « grande simulatrice ».

Roséole syphilitique

La première floraison passe souvent inaperçue car elle est peu intense, transitoire : elle disparaît spontanément en 10 jours à 2 mois sans desquamation ni dépigmentation (sauf à la base du cou : « collier de Venus ») et ne s'accompagne pas de signes généraux. Elle survient en général 6 semaines après le chancre, soit 2 mois environ après le contage. Elle se manifeste par un exanthème roséoliforme indolore, non prurigineux, constitué de macules roses pâles de 3 à 10 mm de diamètre, à bords réguliers, majoritairement retrouvées sur le tronc, séparées par des intervalles de peau saine.

Le chancre peut ne pas avoir totalement cicatrisé à l'apparition de la roséole, on parle alors de syphilis « primo-secondaire ».

Syphilides papuleuses

La deuxième floraison est plus tardive (2 à 6 mois après le chancre) et polymorphe.

Les syphilides sont des papules, rouge sombre cuivré, à base indurée, mesurant de 3 à 5mm de diamètre, avec une fine desquamation péri-lésionnelle évocatrice (collerette de Biett) mais qui n'est ni constante ni spécifique. Ces papules sont lichénoides ou psoriasiformes, rarement nécrotiques, croûteuses, ulcérées.

Elles sont localisées sur le visage, le tronc, les organes génitaux externes ou les membres.

Les syphilides palmo-plantaires sont très évocatrices, elles siègent électivement à cheval sur les plis palmaires, mais sont inconstantes (environ 30 % des syphilis secondaires) et discrètes. Toute éruption papuleuse s'accompagnant d'éléments infiltrés palmo-plantaires doit faire suspecter une syphilis.

Les syphilides génitales et périnéales (condyloma lata) sont très contagieuses car riches en tréponèmes, indolores et non prurigineuses, généralement multiples, molles, papuleuses ou érosives.

Autres atteintes cutanéo-muqueuses

Des plaques muqueuses hautement contagieuses évoluant par poussées peuvent apparaître au niveau buccal (plaques fauchées de la langue, pseudo perlèches labiales) ou génital. Il s'agit de lésions érythémateuses évoluant vers une érosion superficielle ou une forme végétante (condyloma lata).

Au visage, l'aspect peut mimer une dermite séborrhéique avec atteinte préférentielle des plis naso-géniens, et/ou des papules acnéiformes du menton. Plus rarement, on peut voir une atteinte du cuir chevelu provoquant une alopécie, classiquement en clairière ou en « fourrure mitée », à rechercher derrière les oreilles. Une dépilation des sourcils a déjà été décrite également.

Signes généraux

Les signes généraux traduisent la dissémination de l'infection, ils sont inconstants, souvent discrets, et peu spécifiques : fièvre, céphalées, arthralgies, douleurs « osseuses », raucité de la voix, syndrome méningé avec atteinte des nerfs crâniens, polyadénopathies fermes et indolores, localisées préférentiellement en épitrochléen et au niveau des chaînes trapéziennes, hépatosplénomégalie s'accompagnant d'une hépatite cytolytique biologique, altération de l'état général,etc.

Les atteintes ophtalmiques (uvéite, rétinite, kératite) sont fréquentes. Il faut donc demander un examen ophtalmologique systématique en cas de syphilis secondaire, d'autant plus ces atteintes ophtalmologiques signent une neurosyphilis, tout comme l'atteinte méningée, ce qui nécessitera un traitement antibiotique adapté (cf. page 42).

I.2.3.3 Phase latente

Il s'agit d'une phase asymptomatique, non détectable par l'examen clinique, précédant la syphilis tertiaire, qui peut durer de quelques mois à plusieurs années. Elle correspond au fait que les tréponèmes qui ont échappé à la réponse immunitaire du sujet (cf. page 33), ont disséminé par voie lymphatique et hématogène, et persistent dans certains sites préférentiels de l'organisme (cerveau, œil, aorte, reins,etc.) en l'absence de traitement adapté.

Syphilis latente précoce : L'interrogatoire retrouve la notion de lésion génitale (chancre)

moins d'un an auparavant, ou bien des signes évocateurs de syphilis secondaire datant de moins de 10 mois, plus aucun signe clinique n'est présent au moment de l'examen et, la sérologie syphilitique est positive.

Syphilis latente tardive : L'interrogatoire peut retrouver la notion de chancre plus d'un an

auparavant ou des signes évocateurs de syphilis secondaire datant de plus d'un an, plus aucun signe clinique n'est présent au moment de l'examen, l'examen neurologique est normal, il n'existe pas de calcifications aortiques sur la radiographie thoracique et la sérologie syphilitique est positive.

I.2.3.4 Syphilis tertiaire

Cette phase survient dans environ 10 % des cas à la suite d'une syphilis secondaire non ou insuffisamment traitée. Elle survient entre 6 mois et 30 ans après l'inoculation.

Elle est définie par des lésions granulomateuses non contagieuses cutanéo-muqueuses, osseuses, hépatiques, cardiovasculaires ou neurologiques.

La gomme est la lésion élémentaire de la syphilis tertiaire.

Au niveau cutanéo-muqueux, elle désigne une induration de 2 à 3 cm de diamètre, indolente, sans adénopathie satellite, évoluant en 4 stades successifs : crudité, ramollissement, ulcération, cicatrisation.

En plus des tissus sous-cutanés et des muqueuses, ces gommes (correspondant histologiquement à un granulome épithélioïde et gigantocellulaire réactionnel à la présence du tréponème) peuvent se localiser à des degrés divers au niveau des os, des viscères ou, du système nerveux central.

La syphilis cardiovasculaire se manifeste par une aortite s'accompagnant parfois d'une insuffisance valvulaire aortique ou d'un anévrysme de la crosse de l'aorte.

La neurosyphilis est traitée dans un chapitre à part (cf. au-dessous) car elle peut se présenter à différents stades de la syphilis.

I.2.3.5 Neurosyphilis

T. pallidum possède un neurotropisme naturel [3]. Dès la primo-infection, les tréponèmes

ayant échappé à la phagocytose peuvent trouver refuge dans le système nerveux central (incluant l'œil). La neurosyphilis reste le plus souvent asymptomatique, cependant elle peut se manifester après une phase de latence.

La neurosyphilis peut survenir dès le stade de syphilis secondaire, on parle alors de neurosyphilis précoce : on peut retrouver un syndrome méningé, une atteinte des nerfs crâniens, un déficit neurologique aigu (évocateur de syphilis vasculaire cérébrale) ou une atteinte ophtalmique.

La neurosyphilis tardive est, elle, associée à des gommes dans les méninges ou les vaisseaux cérébraux, elle peut se manifester par une méningite chronique, une syphilis vasculaire cérébrale, des troubles du comportement, des signes de démence (troubles de la mémoire, désorientation temporo-spatiale, etc.). Le signe d'Argyll Robertson montrant une aréflexie pupillaire à la lumière avec conservation du réflexe à l’accommodation et à la convergence avec myosis permanent est exceptionnellement retrouvé.

Les différentes formes de neurosyphilis sont plus fréquentes et se déclarent plus rapidement chez les patients infectés par le VIH.

I.2.3.6 Syphilis congénitale

La transmission fœtale se produit en général entre 16 et 28 semaines d'aménorrhée. Plus l'inoculation est récente chez la mère plus le risque de transmission materno-fœtale augmente. Ce risque reste important si la mère n'a pas été dépistée ou n'a pas été correctement traitée. La transmission peut également avoir lieu lors de l'accouchement ou au cours de l'allaitement.

Les manifestations cliniques chez l'enfant dépendent de la date de contamination.

En anténatal, l'infection massive de la mère peut se manifester par une retard de croissance intra-utérin, une mort fœtale in utéro, un avortement spontané tardif ou une menace d'accouchement prématuré.

En périnatal, la syphilis congénitale est un facteur de risque de mortalité périnatale, d'insuffisance pondérale, d'infection grave du nouveau-né.

La syphilis congénitale peut être asymptomatique lors des premières semaines de vie de l'enfant dans 50 % des cas [7].

Quelques semaines à quelques mois après la naissance peuvent apparaître des lésions cutanéo-muqueuses (des lésions bulleuses palmo-plantaires, des rhagades des commissures des lèvres, une éruption papuleuse du tronc), un coryza purulent, des manifestations viscérales comme une hépatosplénomégalie, une fièvre, des atteintes osseuses (ostéite), des arthrites notamment de hanche, des atteintes rénales à type de néphrite,etc.