• Aucun résultat trouvé

Dépistage de la syphilis en dehors du contexte d'IST

IV. Discussion

IV.3 Dépistage de la syphilis en dehors du contexte d'IST

Si l'on se place en dehors du contexte d'IST à la phase aiguë et que l'on se concentre sur les autres motifs de dépistage de la syphilis, 3 grands axes se détachent :

a- Signes cliniques évocateurs de syphilis secondaire/tertiaire

Quatre-vingt-treize pourcent des MG de notre panel dépistent la syphilis lorsqu'ils repèrent à l'examen clinique des signes évocateurs de syphilis secondaire.

Mais seulement 34 % d'entre eux proposent le dépistage de la syphilis au cours d'un bilan de démence, alors que la neurosyphilis peut induire des troubles du comportement et une démence.

Pourtant, si l'on se réfère à la question 13 du questionnaire (cf. annexe B), 58 % des MG identifient les troubles du comportement comme un signe possible de syphilis tertiaire. Dans notre étude, les MG interrogés semblent reconnaître assez bien les floraisons typiques de la syphilis secondaire (78 % reconnaissent la 1ère floraison de type roséole syphilitique et 62 % la 2e floraison avec ses syphilides papuleuses), mais seulement 10 % d'entre eux savent qu'une dermite séborrhéique doit également faire évoquer une syphilis secondaire. Moins connue, l’uvéite syphilitique (un œil rouge avec une baisse d'acuité visuelle (BAV)) n'alerte que 18 % des MG interrogés, tandis que 34 % d'entre eux savent qu'un syndrome méningé peut être causé par une neurosyphilis.

Dans une étude rétrospective menée au CHU de Nantes à propos de 36 cas de syphilis hospitalisés entre 2000 et 2010, 18 cas de neurosyphilis précoce avaient été mis en évidence, dont 11 cas d'uvéites syphilitiques [44].

Mais nous pouvons faire ici l’hypothèse que les MG ne sont pas en première ligne pour la prise en charge des patients présentant un œil rouge avec BAV – ils seront adressés à un ophtalmologue qui réalisera le bilan sérologique –, ni pour ceux qui présentent un syndrome méningé aigu ou chronique – ils seront volontiers adressés à un neurologue ou en consultation à l’hôpital.

En revanche, un patient présentant une dermite séborrhéique n'est pas systématiquement adressé à un dermatologue, les MG doivent donc être vigilants et penser aux différents diagnostics différentiels (sébopsoriasis, dermatite atopique, lupus, syphilis) et à son association préférentielle avec l'affection à VIH [45].

b- Syphilis et grossesse

Pour 75 % des MG interrogés, le dépistage de la syphilis doit être effectué au cours du bilan de début de grossesse.

Il est important de rappeler les éléments suivants : chez une femme, une syphilis primaire peut être méconnue car le chancre n'est souvent pas visible, une syphilis secondaire peut

passer inaperçue et la syphilis congénitale se transmet essentiellement à partir du 5ème

mois de la grossesse. De plus, les conséquences de la transmission materno-fœtale de la syphilis sont parfois très lourdes : morts fœtales, mortalité périnatale, insuffisance pondérale à la naissance, syphilis congénitale (manifestations cutanéo-muqueuses, ostéo-articulaires, viscérales et neurologiques).

En France, il est obligatoire de dépister la syphilis au cours du 1er trimestre de grossesse

selon l'article R-2122-2 du Code de la Santé Publique, c'est également recommandé par la HAS [46] [32]. La synthèse réalisée en mai 2007 sur le dépistage de la syphilis

préconisait également d'effectuer un second dépistage au cours du 3ème trimestre en cas

de situation à risque identifiée [47]. On insistera une nouvelle fois sur l’importance de l’interrogatoire des patients quant à leurs éventuelles prises de risque sexuel, et cela reste valable pour une femme enceinte.

Plusieurs méta-analyses ont réaffirmé l'importance du dépistage prénatal de la syphilis en Europe et aux USA :

La première méta-analyse réalisée sur 10 études dont 2 essais contrôlés et randomisés met en évidence une diminution de 50 % de la mortalité natale et périnatale grâce au dépistage de la syphilis et à son traitement éventuel [48].

La seconde méta-analyse a été réalisée par une équipe nord-américaine et apporte également des preuves de l'intérêt du dépistage précoce de la syphilis congénitale avec, par exemple, une diminution de moitié de l'incidence de la syphilis congénitale en Chine

depuis l'instauration du dépistage systématique de la syphilis au cours du 1er trimestre de

la grossesse en 2003 [49].

L'OMS a lancé un plan d'élimination de la syphilis congénitale en 2007.

Dans un bulletin publié en 2013, l'OMS a rappelé que dans le monde il y avait plus de femmes enceintes affectées par la syphilis (nombre estimé à 1,9 millions en 2008) que par le VIH (1,49 millions en 2010) mais que 10 % des femmes enceintes seulement étaient dépistées pour la syphilis, alors que la transmission materno-fœtale est quasi constante en l'absence de traitement antibiotique. (Dans le cas du VIH, la transmission mère-enfant concerne environ 30 % des grossesses en l'absence de traitement antirétroviral pour la mère.) L'OMS rappelait surtout que les conséquences défavorables pour l'enfant à naître étaient évitables grâce à une simple injection de benzathine pénicilline effectuée à la femme enceinte à un stade précoce de la grossesse [7] [50].

Pour des raisons pratiques, l'OMS a décidé en 2012 de coupler la prévention de la transmission mère-enfant du VIH avec celle de la syphilis [50].

c- Syphilis et migration

Seulement 36 % des MG de notre panel dépistent la syphilis lors du 1er bilan de santé d'un

patient migrant issu d'une zone d'endémie alors que, comme nous l'avons vu précédemment, la syphilis est encore très répandue dans certaines régions du globe, principalement en Afrique sub-saharienne, Asie et Europe de l'Est.

Selon l'InVS, 17 % des nouveaux cas de syphilis diagnostiqués en 2013 concernent des patients qui ne sont pas nés en France : 5 % dans un pays européen, 12 % dans un pays non européen [9].

Le dépistage de ces patients est préconisé par la HAS et on retrouve cette recommandation dans le plan national « VIH/sida et les IST 2010-2014 » qui, s'il était mieux appliqué, permettrait de réduire encore plus l'incidence de la syphilis transmise par les rapports sexuels et par voie materno-fœtale [31] [32].