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Dépistage de la syphilis en contexte évocateur d'IST

IV. Discussion

IV.2 Dépistage de la syphilis en contexte évocateur d'IST

Nous avons cherché à savoir si la syphilis était systématiquement dépistée par les MG lorsqu'ils réalisent un bilan dans un contexte d'IST.

Lorsque nous posons directement la question aux médecins de notre panel : « dépistez-vous la syphilis lors d'un bilan d'IST ? », la réponse est oui à 98 %.

Mais en pratique, la décision de dépister ou non la syphilis dépend aussi des facteurs suivants :

a- Interrogatoire sur les pratiques sexuelles

Si l'on demande aux médecins généralistes s'ils dépistent ou non la syphilis en cas de signes cliniques évocateurs d'IST, ou bien selon le genre du partenaire, ou si le patient est un migrant, ou bien en cas de fellation non protégée, ou si le rapport sexuel était avec une personne en situation de prostitution, on remarque que le dépistage de la syphilis n'est pas systématique, et cela est retrouvé qu'il s'agisse d'une prise de risque ponctuelle ou récurrente.

Le dépistage de la syphilis est le moins souvent effectué en cas de fellation non protégée, si le patient et/ou son ou sa partenaire est un migrant originaire d'une zone d'endémie, et si le patient et/ou son ou sa partenaire est une personne en situation de prostitution.

Soulignons le fait que lors de l'interrogatoire d'un patient qui consulte pour une possible IST, 67 % des médecins de notre panel déclarent ne pas lui demander s'il y a eu fellation non protégée et 70 % déclarent ne pas lui demander s'il a eu des rapports non protégés avec une personne en situation de prostitution.

Notons également que seulement 39 % des MG demandent au patient le genre de son partenaire alors que la grande majorité des cas de syphilis en France (86 %) concerne des HSH [9].

Ce sont les médecins parisiens qui posent le plus souvent la question du genre du partenaire par rapport à leurs confrères de banlieue parisienne (57 % vs 26 %, p=0,001). Les médecins hommes osent également plus cette question que les médecins femmes (48 % vs 28 %, p=0,03). De même, les médecins appartenant à un groupe de pairs semblent plus sensibilisés à cette question (51 % vs 29 %, p=0,02).

Un groupe de pairs est composé de 6 à 12 médecins d'une même spécialité, exerçant dans une même zone géographique. Ces médecins organisent des séances de travail régulières (6 à 10 par an), qui leur permettent de présenter à tour de rôle des dossiers de patients choisis de façon aléatoire, et de porter un regard critique sur la prise en charge qu'ils ont proposée, à la lumière des recommandations de bonne pratique.

Un groupe d'analyse des pratiques entre pairs est une méthode d'évaluation des pratiques professionnelles utilisée depuis plusieurs années par les médecins généralistes français sous l'impulsion de la Haute Autorité de Santé (HAS) qui cherche ainsi à améliorer les

pratiques médicales [42].

Les médecins ayant un exercice mixte hospitalo-libéral ou salariés posent plus souvent la question d'un rapport avec une personne en situation de prostitution que leurs confrères libéraux exclusifs (60 % vs 25 %, p=0,01), les médecins les plus expérimentés également (64 % pour les MG ayant >10ans d'exercice vs 36 % <10 ans d'exercice, p=0,01).

Or, que cela soit dans le plan national « VIH/sida et les IST 2010-2014 » ou dans l'évaluation du dépistage de la syphilis par la HAS, les HSH, les travailleurs du sexe et les migrants font partie des groupes à risque d'IST à qui un dépistage de la syphilis doit être proposé [31] [32].

La pratique de la fellation réceptive sans utilisation du préservatif est elle aussi une situation à risque de transmission de la syphilis qui est reconnue, comme le rapportent les données du groupe ResIST ainsi qu'une étude cas-témoin menée à Lille [8] [43]. Mais dans notre panel aucun groupe de MG ne pose plus la question qu'un autre aux patients qui consultent pour une IST. Les médecins parisiens semblaient poser plus souvent la question de la pratique de fellation non protégée que leurs confrères de banlieue mais cela n'est pas significatif (41 % vs 27 % , p=0,15).

Concernant la question du nombre de partenaires, les médecins ayant un exercice mixte hospitalo-libéral ou salariés posent plus la question que leurs confrères libéraux, sans que cela soit significatif (80 % versus 60 %, p=0,19).

Aucune autre différence n'a pu être mise en évidence entre les diverses catégories de médecins pour ce qui concerne les autres questions de « l'interrogatoire type » d'un patient consultant pour une possible IST.

Dans la partie IV.4, nous reviendrons sur les raisons qui empêchent parfois les MG de poser systématiquement toutes les questions pertinentes à leurs patients en cas de suspicion d'IST.

b- Fréquence des prises de risque sexuel

En ce qui concerne la fréquence du dépistage de la syphilis chez des patients ayant des prises de risque sexuel récurrentes, la majorité des MG de notre panel (58 %) demandent le dépistage de la syphilis à chaque bilan d'IST, 31 % dépistent ces patients pour la syphilis au minimum une fois par an et aussi en cas de présence d'un signe clinique évocateur, 7 % dépistent ces patients pour la syphilis uniquement en cas de signe clinique évocateur, et enfin 4 % les dépistent une fois par an.

Pour les MG de notre panel, le fait que leur patient prenne des risques de façon ponctuelle ou récurrente ne change pas leur attitude en matière de dépistage de la syphilis.

Mais nous avons vu précédemment que les médecins n'identifiaient pas toujours correctement les pratiques sexuelles à l'interrogatoire, ils ne sont donc pas tous en mesure d'évaluer la fréquence des prises de risque sexuel de leurs patients.

Or en cas de prise de risque sexuel identifiée comme récurrente, la HAS ne recommande pas un dépistage de la syphilis après chaque prise de risque mais au minimum une fois par an et plus en fonction de la situation [32].

En cas de prise de risque sexuel ponctuelle, un dépistage unique de la syphilis est à prescrire si la situation l'exige. En effet, la HAS ne recommande pas explicitement que le dépistage de la syphilis soit systématique.

En cas de prise de risque sexuel ponctuelle, il nous semblerait donc indiqué de dépister en priorité les patients les plus à risque, c'est-à-dire les HSH, les personnes ayant eu des rapports sexuels avec des personnes en situation de prostitution, les migrants, les patients dont le partenaire a eu une IST récemment, et les patients ayant pratiqué une fellation non protégée.

Tous ces éléments pourront être précisés si on peut avoir une discussion ouverte à propos de la sexualité du patient, mais même si c'est le cas, le patient peut parfois cacher tout ou partie de ses pratiques sexuelles ou ne pas être au courant de toutes les pratiques de son partenaire. Un dépistage systématique unique de la syphilis (et des autres IST) en cas de prise de risque ponctuelle nous paraît donc raisonnable.

c- Examen clinique

Dans notre questionnaire, nous avons inclus des situations cliniques évocatrices d'IST en proposant aux médecins un choix d'examens complémentaires possibles. Le dépistage de la syphilis n'est pas systématiquement demandé par les MG de notre panel.

Quatre-vingt-huit pourcent des MG demandent le dépistage de la syphilis en cas d'urétrite aiguë et 73 % en cas d'adénopathie inguino-crurale isolée.

Les médecins parisiens dépistent la syphilis plus souvent que leurs confrères du reste de l’Île-de-France en cas d'urétrite aiguë (95 % versus 81 %, p=0,03).

Les médecins qui ont un correspondant infectiologue ont tendance à plus dépister la syphilis que les autres en cas d'adénopathie inguino-crurale isolée (82 % versus 66 %, p=0,06) ainsi qu'en cas d'urétrite aiguë (93 % versus 82 %, p=0,08), mais la différence n’est pas significative entre les deux groupes.