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Aspects conceptuels et méthodologiques : système fluvial, échelles spatiales et temporelles, connectivité

2.4. Méthodologie et données

2.4.1. Méthodes et outils utilisés dans l’étude des systèmes fluviaux et de la

dynamique hydro-sédimentaire

L’obtention des résultats dans l’étude d’un système fluvial dépend moins du choix de la méthode et de l’échelle de travail, mais plutôt de la qualité de la question méthodologique, en tant que moteur de la recherche [Leopold et Langbein]. Après l’énoncé de la question, sur la base d’une approche inductive ou déductive et avec l’appui d’un ensemble de concepts donné, le pas suivant est représenté par la définition des méthodes de travail et des sources potentielles de données. Ultérieurement (ou en même temps), les méthodes et les techniques connexes sont identifiées dans un cadre conceptuel et à une résolution spatio-temporelle adéquate pour l’échelle à laquelle on pose la question [Kondolf et Piegay, 2003]. Quand la rivière est vue comme un système, les questions ne sont pas limitées par le temps et l’échelle et les questions visent généralement les connexions entre les sous-systèmes du bassin versant ou entre les formes et les processus.

Dans le dessein de comprendre les méthodes qui s’imposent dans notre thèse, nous avons étudié la littérature scientifique actuelle pour établir quels outils ont été utilisés afin de répondre aux diverses questions, et à quelles échelles spatiales et temporelles.

Parmi les méthodes employées dans ce domaine multidisciplinaire de la dynamique hydro-sédimentaire, se retrouvent les méthodes de pensée/conception, qui structurent la manière dans laquelle la recherche est réalisée et les méthodes de travail employées dans le processus concret de recherche sur le terrain ou dans le laboratoire, chacun ayant ses techniques spécifiques. Dans la première catégorie, par la méthode de l’induction, les relations empiriques entre les formes fluviales et le régime hydromorphologique ont donné naissance à des nombreuses nouvelles questions scientifiques. Par contraste à l’induction, dans la méthode déductive, le processus de recherche est mené sur la base d’une hypothèse préliminaire, qui pourrait être invalidée en utilisant des tests statistiques traditionnels [Thorne et Thompson, 1995 ; Helsel et Hirsch, 2002]. La méthode de la déduction peut être purement expérimentale, cas dans lequel le chercheur réduit de manière artificielle, tant dans le laboratoire que sur le terrain, le nombre de variables pour tenter

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d’établir et valider les connexions de base entre eux. La méthode peut se fonder aussi sur la comparaison des objets dans l’espace, dont leurs conditions existantes sont utilisées pour tester et valider une hypothèse

a priori (expérience in natura), suivi par la sélection des zones et données spécifiques [Wolcott et Church, 1991]. Un exemple dans ce sens est représenté par les problèmes assez fréquemment rencontrés à des échelles spatiales et temporelles plus petites ou plus courtes que celles nécessaires pour comprendre les processus fluviaux impliqués, comme il se passe dans le cas de la dynamique des alluvions en charriage à l’échelle spatiale d’un tronçon ou d’une station hydrométrique, analysée à travers des mesures dédiées (Figure II.15).

Figure II.15. Schématisation des échelles spatiales et temporelles comprises par différentes catégories de mesures et

analyses hydrologiques, hydro-sédimentaires et géomorphologiques

Les techniques géomorphologiques, comme l’échantillonnage des sédiments et l’évaluation du faciès du lit, peuvent néanmoins offrir des informations précieuses sur la fonctionnalité de l’ensemble du système fluvial et sont appliquées dans la géomorphologie, dans des questions comme la datation des dépôts ou des surfaces ou l’illustration de la variabilité des formes ou des processus [Rice et Church, 1998].

Alternativement, l’expert en hydraulique va appliquer plus rarement des instruments comme la modélisation numérique des processus qui prennent place dans les systèmes fluviaux [Ewen et collab., 2000 ; Haberlandt et Radtke, 2014]. Dans d’autres études, il y a un équilibre entre les méthodes et les techniques spécifiques à la géomorphologie fluviale et celles appartenant à l’ingénierie hydraulique : la simulation numérique de la largeur et des tresses d’une rivière, la micromécanique du transport dans le lit et la prévision de la vitesse de distribution des flux de matière solide et liquide dans le lit [Allen, 1985 ;

Belleudy et Lefort, 2001 ; Jégou et Belleudy, 2002 ; Chapuis, 2012].

Les géographes tendent, à leur tour, de se concentrer sur la comparaison des formes des processus fluviaux, en fonction des caractéristiques du bassin ou de la région bioclimatique dans laquelle il se trouve,

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l’influence des activités humaines, la végétation ou les conditions géologiques qui contribuent au changement de l’équilibre hydromorphologique des rivières. Des travaux récents parus dans

Geomorphology et Earth Surface Processes and Landforms ont reflété, dans la sphère de la géomorphologie

fluviale, le mélange des approches géographiques avec la télédétection [Bryant et Gilvear, 1999], les perspectives historiques [Brooks et Brierley, 1997 ; Leys et Werrity, 1999 ; Liebault et Piegay, 2002] et l’analyse de la complexité longitudinale ou inter-systémique [Petit et Pauquet, 1997 ; Walling et He, 1998 ;

Madej, 1999].

Nous pouvons aussi faire un pas en arrière et arriver à un cadre conceptuel ou à des modèles méthodologiques plus larges, capables de diriger notre recherche : le concept du système fluvial [Schumm, 1977], le concept d’hydrosystème [Roux, 1982] ou celui du budget des sédiments [Dietrich et Dunne, 1978]. Dans la plupart des cas, il n’y a pas des outils parfaits pour répondre à notre question. En revanche, nous devons appliquer un ensemble de méthodes (parfois variées) pour aborder une question.

En ce qui concerne les méthodes de la pensée (« thought methods »), des outils employés dans l’étude des systèmes fluviaux et fondés en bonne partie sur des mesures sur le terrain et dans le laboratoire, elles tendent à entrer dans deux catégories. Les études sur les processus des lits utilisent plutôt la vitesse, la profondeur, le débit et les sédiments en suspension, les échantillons de sédiments ou l’analyse de la mobilité des particules en charriage ou en suspension. Les études de modélisation des lits employant deux sous-ensembles d’outils. Le premier fait appel aux formules hydrauliques, aux modèles statistiques bi-variables, à l’analyse de la cartographie aérienne (pour mesurer la sinuosité et d’autres descripteurs des modèles hydromorphologiques) et la cartographie géomorphologique.

Le deuxième se fonde sur des outils/instruments pour l’analyse spatiale [Bryant et Gilvear, 1999 ;

Ewenet al., 2000]. Au niveau d’un système complexe, comme un système fluvial, elles sont employées plutôt d’une manière combinée, comme par exemple le modèle digital de l’altitude (DEM en anglais), les systèmes géo-informatiques (SIG), les images satellitaires, en combinaison avec l’analyse des documents, comme les cartes géologiques ou topographiques et les photographies aériennes, et aussi avec les analyses multi-variables.

Enfin et surtout, les instruments et les méthodes spécifiques à la géologie de surface ont un rôle déterminant dans la géomorphologie fluviale. La géochimie, la géochronologie, la pédologie et la stratigraphie peuvent augmenter l’horizon de la connaissance de la dynamique hydro-sédimentaire et, en même temps, ouvrir la voie pour une meilleure compréhension du comportement futur d’un système fluvial. La chronique des changements géomorphologiques liée aux caractéristiques physiques et chimiques des alluvions, bien qu’elle ne puisse pas être complètement élucidée, constitue une preuve de la dynamique du système fluvial dans son passé, sous l’influence des divers facteurs environnementaux [Baker, 1973]. Ainsi, la compréhension du « comportement fluvial » dans le passé peut constituer un fondement solide pour l’évaluation de l’état fluvial actuel et pour faire des prévisions, afin de d’établir des plans de restauration fluviale [Coleman et Smart, 2011 ; Schrott, 2015]. Les préoccupations de la société concernant la gestion des inondations et les effets potentiels du changement climatique doivent donc être associées à la connaissance et à une gestion appropriée des processus de sédimentation fluviale et du comportement dynamique des cours d'eau.

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En synthèse, tout en s'intéressant à l'étude hydro-sédimentaire systémique du bassin versant de la Jiu, la thèse elle-même cherche à analyser la dynamique hydro-sédimentaire par l'utilisation de méthodes situées à la croisée des quatre domaines de recherche :

- Hydrologie – afin de comprendre la variabilité spatio-temporelle des paramètres hydrologiques, à partir des mesures des débits liquides et d’alluvions en suspension et des concentrations des matières en suspension (MES) réalisées dans le cadre du réseau hydrométrique appartenant à l’Administration Nationale des Eaux Roumaines (ANAR);

- Hydrogéomorphologie - pour l’analyse de la dynamique fluviale et l’évaluation du degré de connectivité entre les zones amont de production des sédiments, les secteurs aval, de dépôt et de transfert.

- Géographie – pour l’analyse des relations entre la dynamique hydro-sédimentaire et les facteurs géographiques naturels et anthropiques qui les contrôlent.

- Géochimie – pour identifier des méthodes adaptées en ce qui concerne le traçage sédimentaire amont - aval des zones de production et de transfert des alluvions.

L’approche méthodologique que nous avons employée se développe au fur et à mesure que nous faisons connaissance avec le fonctionnement du bassin de la rivière Jiu (caractéristiques et processus de production, échelles spatio-temporelles de transfert des sédiments). De la sorte, nous avons adopté une démarche qui va du général (échelle du bassin versant entier, période d’analyse des années) au particulier (l’échelle spatio-temporelle plus fine de la crue).

2.4.2. Données

L’adoption d’une des méthodes possibles pour accomplir les objectifs de la recherche commence toujours avec la manière dans laquelle nous les percevons et les distinguons par rapport aux instruments, concepts et techniques. A notre soutien, nous considérons le dictionnaire Webster, qui définit l’instrument d’analyse comme tout objet utilisé pour accomplir une tache ou un objectif [Random House, 1996]. Par l’instrument, dans un sens plus large, nous comprenons aussi les concepts, les théories, les méthodes et les techniques. Par conséquent, avant de se décider sur la méthode, il est important d’établira la liste des instruments de travail, selon les objectifs proposés.

De plus, les concepts, les méthodes et les techniques employées ont été organisées en fonction des sujets-clef/les questions de la recherche.

La démarche scientifique envisagée à la réalisation de la thèse satisfait tant la nécessité pratique de connaitre les facteurs contribuant aux mécanismes de formation et de transfert des flux liquides et solides dans le bassin versant du Jiu, que la nécessité théorique, retrouvée dans l’application de la théorie du système fluvial et dans les analyses à des diverses échelles spatiales et temporelles.

Dans le sens que nous utilisons ici, les concepts seront des représentations mentales de la réalité, et l’approche systémique sera une formulation explicite des relations entre les concepts. Les deux peuvent être considérées comme des outils/des instruments scientifiques, parce qu’elles offrent le cadre dans lequel on approche les problèmes et on applique les méthodes et les techniques. A cause du fait que les théories scientifiques peuvent être des éléments importants dans les méthodes scientifiques [Brown, 1996], elles pourraient aussi être considérées comme des outils. Une méthode implique une approche, un ensemble d’étapes qui doivent être suivies afin de résoudre un problème, et qui implique parfois plusieurs techniques.

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Comme il est suggéré dans le dictionnaire Webster [Random House, 1996], il s’agit d’une procédure ou d’un processus ordonné, une voie habituelle ou une manière de faire quelque chose. Les techniques sont les outils les plus spécifiques et concrets, parce qu’elles se référant à des actions claires d’où résultent des mesurages, des observations ou des analyses.

Afin d’accomplir les objectifs de la thèse, nous feront appel à une série de méthodes groupées autour de plusieurs catégories de données ont été utilisées, provenant de différentes sources (bibliographiques, bases de données statistiques et spatiales, conventionnelles ou digitales, des mesures ou des observations sur le terrain etc.). Celles-ci sont synthétisés dans le Tableau II.1 :

Tableau II.1. Catégories de données nécessaires à l’étude

Catégorie générale Type de donnée

Données hydrologiques

Débits liquides moyennes journalières et mensuels Débits liquides maximaux journalières et mensuels

Débits horaires durant quelques crues majeures (infra journalier / avant 2010) Débits d’alluvions en suspension journaliers et mensuels (2001-2010 / 22

stations)

Données pluviométriques Moyens journaliers type GRID des valeurs interpolées entre les stations météorologiques (1961-2013)

Relevées topographiques Courbe de tarage et profils en travers à s.h. Podari sur la rivière Jiu Caractéristiques géographiques

du bassin versant

Carte lithologique, hydrogéologique, topographique, pédologique (en format raster et/ ou vecteur), Photographies aériennes et plans topographiques Données Hydrologiques Débit solide en charriage

Altérations hydro-morphologiques

Cartes ou documents attestant des interventions dans le lit des rivières et des altérations hydro-morphologiques associées

En ce qui concerne la démarche scientifique, les méthodes et les techniques envisagées se retrouvent dans la succession des étapes parcourues afin de réaliser le contenu de la thèse et l’identification des reposes aux questions opérationnelles formulées.

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Chapitre 3.

Caractérisation de la zone d’étude : le bassin versant de la