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Analyses des flux sédimentaires à l’échelle systémique du bassin de la rivière Jiu : des versants vers l’aval

2) Statistique, pour quantifier le rôle des différents facteurs contrôlant la variabilité spatiale de la TTMD à l’aide d’une analyse multivariée

4.1.1.1. Données de terrain

Dans notre bassin hydrographique, nous avons réalisé des mesures de TTMD en 2016 et 2017, pendant des périodes d'étiage et de moyennes eaux. Au total, 65 mesures ont été réalisées en utilisant un testeur portable EC/TTMD/Température. Chaque mesure a été prise dans les premiers centimètres de profondeur de l’eau dans

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le lit mineur des rivières, près de la berge. La température de l’eau a été relevée et des observations sur le site ont été faites pour déceler l’existence d’éventuels facteurs perturbateurs de l’état de qualité de l’eau.

Dans la Figure IV.2 la répartition spatiale des sites de mesure en fonction des valeurs de la TTMD est présentée. La carte montre une concentration élevée des valeurs des TTMD dans le centre – ouest du bassin, une zone qui correspond généralement au sous-bassin de la rivière Jilț et au bassin d’exploitation du lignite Motru – Rovinari.

Figure IV.2. Le bassin versant de la rivière Jiu et les points de mesure de la TTMD en fonction de l'ordre des valeurs

Sur l’ensemble du bassin, les valeurs de la TTMD ont varié entre 31 ppm (pour la rivière Jieț, à la s.h. Jieț dans le secteur de ses gorges) et 806 ppm (sur un ruisseau se jetant dans la Jiu de l’Ouest, au point d'évacuation des eaux usées de la mine de Lupeni). Le bassin de la rivière Jilț se remarque par les plus grandes valeurs de TTMD, que nous supposons être influencées par les activités minières (extraction et traitement du

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lignite) dans son secteur supérieur. Les principaux affluents du Jiu (les rivières Motru et Gilort) ne montrent pas de grandes valeurs et variations du TTMD. Ces valeurs ne dépassent pas 300 ppm dans le cas de la rivière Motru (le maximum étant enregistré en aval de la confluence avec les ruisseaux chargés de particules de charbon, drainant les flancs occidentaux du bassin minier de Motru - Rovinari) et 200 ppm dans le cas de la rivière Gilort (moins influencée par les activités anthropiques). La rivière Amaradia, sans être influencée par des activités anthropiques ponctuelles importantes (à part l’agriculture comme source diffuse de pollution), présente des valeurs assez élevées de la TTMD (500 - 600 ppm) qui relèvent probablement des particularités de nature géologique et pédologique.

Sur la rivière Jiu, les valeurs de TTMD augmentent généralement de l’amont vers l’aval, avec des pics intermédiaires, probablement générés par des sources locales de pollution, provenant d'eaux usées et chargés de matières en suspension. Ainsi, les valeurs de TTMD augmentent de 45 ppm à Câmpu lui Neag (secteur supérieur de la Jiu de l’Ouest) à 70 - 80 ppm à la sortie du secteur montagneux (avec des pics de 150 - 200 ppm) près des unités d’exploitation et de lavage de charbon, situé sur la Jiu de l’Ouest (sur le territoire des villes minières de Vulcan, Lupeni, Aninoasa). Dans le secteur collinaire et de plaine, les valeurs de la TTMD sur la rivière Jiu augmentent de 80 à 100 ppm dans le secteur Bumbești - Rovinari, à 200 à 300 ppm dans le secteur entre Rovinari et Craiova et légèrement au-dessus de 300 ppm à l’ouest de Craiova (le secteur entre Ișalnița et Podari, soumis aux influences anthropiques de l’agglomération urbaine). En aval, vers l'embouchure avec le Danube, les valeurs de la TTMD se situent entre 200 et 400 ppm, sans variations significatives.

Avant de passer à l’étape de l’analyse statistiques, il a fallu nous assurer que les points de mesure ont été bien choisis en termes de représentativité et non-répétabilité de l’information. Ce type d’approche est nécessaire pour vérifier si les points de mesure ne présentent pas une autocorrélation, mais qu’au contraire, ils sont bien dispersés et suivent une distribution spatiale aléatoire. Pour ce faire, on a utilisé l’indice global de Moran (I), qui est un des plus puissants et complexes teste de vérification de l’autocorrélation spatiale.

Nous avons reporté sur une cartographie SIG les coordonnées spatiales des points de mesure. L'hypothèse nulle a été que les données sont indépendantes et qu'aucune autocorrélation spatiale n'existe.

Si un cluster spatial est présent, cela signifie que plus les entités sont proches (dans notre cas, les points de mesure des données), plus elles auront de valeurs similaires.

Une analyse visuelle simple de ces données dans notre zone d’étude tend à suggérer l'existence de certains groupes/ groupages, par exemple dans la partie centre-ouest du bassin de la rivière Jiu, plus précisément dans le sous-bassin de Jilț, comme on vient de l’affirmer tout à l’heure. A priori, on constate qu'il y a davantage de points de mesure dans cette zone, car nous étions particulièrement intéressés par la cartographie de la variation spatiale des valeurs de la TTMD pour la rivière Jilț et ses affluents, situées dans une zone minière. Donc ce choix délibéré de mesurer davantage de sites sur les rivières proches peut nous placer dans l’hypothèse alternative du test (les points sont auto-corrélés). On s’attend également à ce que les valeurs de la TTMD les plus élevées se concentrent davantage dans ce sous-bassin, car nous avions dès le début tendance à accorder plus d’importance aux activités d’extraction du charbon, qui influencent fortement la qualité de l’eau des

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rivières. La même remarque pour la concentration de points dans la partie nord supérieure du bassin de la rivière Jiu, dans Dépression de Petroșani, où les activités d'extraction et de traitement du charbon bitumineux sont soupçonnées de jouer un rôle crucial dans l'augmentation de la conductivité et des valeurs de TTMD. Les autres valeurs élevées de la TTMD sont assez bien réparties à notre avis, cela pourrait donc être dû à l'influence de certains des facteurs que nous allons prendre en compte dans l'analyse statistique à plusieurs variables.

L’indice I de Moran issue de l’équation [Moran, 1950] :

I=

𝑁

𝑊

∑ ∑ 𝒘𝒊 𝒋 𝒊𝒋(𝒙𝒊−𝒙̅)(𝒙𝒋−𝒙̅) ∑ (𝒊 𝒙𝒊−𝒙̅)𝟐

où N = le nombre d'unités spatiales indexées par i et j; x = la variable d'intérêt; 𝑥 ̅ = la moyenne de x; wi j = une matrice de poids spatiaux avec des zéros sur la diagonale; W = la somme de toutes les valeurs de wij.

Le test « I » est compris entre -1 et 1, où 0 indique un processus spatial aléatoire. Les valeurs allant de -1 à 1 indiquent une classification uniforme et une corrélation parfaite entre les observations, et -1 est représentatif de la diffusion / répulsion spatiale. Dans notre cas, la valeur attendue de I de Moran sous l'hypothèse nulle d'absence de corrélation spatiale est entre 0 et 0,5. Pour les échantillons de grande taille (c.-à-d. lorsque N s'approche de l'infini), la valeur attendue se rapproche de toute façon de zéro, mais dans notre cas, le nombre de point est assez réduit, donc on s’attend que le teste indique une valeur de I supérieure à 0, même s’il n’y a pas d’autocorrélation.

Les paramètres du test de Moran sont définis suivant deux approches : a) la méthode de la distance inverse pour évaluer la manière dont les relations spatiales sont définies ou modélisées, où les entités proches auront un impact plus important sur les entités cibles que les entités éloignées ; b) la méthode de la distance euclidienne en tant que distance en ligne droite entre deux points. Les résultats du test I de Moran sont reportés dans le Tableau VI.1.

Tableau VI.1. Les résultats du test d’autocorrélation de Moran pour les valeurs de

TTMD mesurés dans le bassin de la rivière Jiu

Méthodes Index I de Moran

Concept Distance Inverse Attendu -0,014 Distance Euclidienne Résulté 0,45 Valeur p 0,05 Score Z 1,93

Nous avons obtenu pour l’indice de Moran la valeur de 0,45 qui indique un certain degré d’autocorrélation, compréhensible dans notre situation de choix délibéré de plusieurs points de mesure dans les zones clé influencées par les activités d’extraction du charbon. On se situe au-dessous de 0,5 – le seuil maximum qu’on a considéré dans le début de l’analyse. En sachant que le degré d’autocorrélation entre les points de mesure n’est pas aussi élevé pour affecter les résultats, on passe à la deuxième partie de l’analyse, basée sur deux méthodes statistiques. Pour quantifier le rôle des différents facteurs géographiques dans la variabilité spatiale de la TTMD, nous avons mis en place l’analyse des composantes principales (ACP) et la

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4.1.1.2. Données cartographiques

Afin d’évaluer le rôle des facteurs contrôlant la variation spatiale de la TTMD, nous avons considéré plusieurs caractéristiques géographiques des bassins correspondant aux points de mesure de la TTMD. Nous avons choisi les facteurs les plus pertinents mentionnés dans différents ouvrages publiés sur le sujet des matières dissoutes et leur possible origine [Weiner, 2008 ; Braul et al., 2011; Niekerk et al., 2014 ; Moroșanu et al., 2019]. Il est notoire ici de mentionner que l’augmentation des TTMD est dans beaucoup des cas associés avec la pollution des rivières et aquifères, mais ce n’est pas toujours le cas. Les activités anthropiques (surtout l’industrie chimique et l’agriculture à la base des Peșticides) sont le plus souvent responsables de ce phénomène, mais il faut admettre aussi l’existence des rivières non soumises à l’influence humaine qui présentent toujours des valeurs assez élevées de la TTMD. Il existe très peu d’études sur la corrélation directe entre les caractéristiques naturelle de la région d’où ces rivières reçoivent les affluents, mais il apparait de manière générale que les roches carbonatées et les faciès argileux/marneux sont plus caractéristiques à ces rivières à TTMD élevée. C’est pour cette raison que dans la quantification du rôle des facteurs géographiques, nous avons essayé d’analyser autant les influences anthropiques que l’extension spatiale des substrats géologiques et pédologiques (de faciès marneux, argileux et carboneux).

Les caractéristiques des bassins en amont de chaque site/point de mesure ont été établies en tenant compte des recommandations des études portant sur le rôle des facteurs naturels et anthropiques dans la variabilité de la TTMD dans les rivières [Braul et al., 2011; Niekerk et al., 2014 ; Iyasele et Idiata, 2015]. Les données cartographiques utilisées pour la spatialisation des caractéristiques géographiques ont été:

- La carte topographique (1:25000)15 , sur la base de laquelle les bassins hydrographiques de chaque point de mesure des DTMD ont été délimités ;

- La carte géologique (1:200,000)16 – pour spatialiser la répartition des formations lithologiques influençant le potentiel d’érosion et la charge électrique des différents ions qui sont libérés des roches. En général on considère que trois types de roches sont les responsables principales de l’émission des particules dissoutes présentes dans les rivières : les carbonates, les argiles et les marnes.

- La carte des sols (1:200,000)17 – qui permet d’identifier et spatialiser les textures qui peuvent générer l’augmentation de la TTMD ; la texture argileuse et ses dérivées sont visées ;

- La carte de la couverture/ utilisation e du sol (extraite de la base de données Corine Land Cover 2012) utilisée pour la spatialisation des aires avec des activités anthropiques, susceptibles d’influencer la TTMD ; nous avons retenu les catégories suivantes : les zones minières et industrielles, les terrains irrigués, les zones urbaines et les sources diffuses de pollution.

15 Sources : la Direction Topographique Roumaine (1982)

16 Réalisée dans les années ’60 par l’Institut de Géologie de la Roumanie

17 Auteurs - Florea et al., 1964; Éditeurs : l’Institut National de Géologie (IG); l’Institut d'Etudes et de Recherches Pédologiques (ISCP).

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En interrogeant les tableaux d’attributs de chaque base de données obtenue par spatialisation en milieu SIG (lithologie, sols et leur occupation), nous avons obtenu l’extension spatiale des faciès des calcaires, des argiles, des marnes et des sols avec une texture argileuse (Figure IV.3).

Figure IV.3. Cartes de la spatialisation des variables prédictives géologiques et pédologiques utilisées dans l'analyse multivariée dans le b.v. de la rivière Jiu

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Des informations plus détaillées sur les formations géologiques liées aux carbonates, aux argiles et aux marnes, ou pour les catégories de textures du sol sensibles à l’érosion, sont présentés dans le chapitre §3.3 (sur les caractéristiques lithologiques) et §3.8 (sur l’utilisation / la couverture du sol).

Pour chaque sous-bassin qui correspond à un site d’échantillonnage, nous avons défini l’influence de plusieurs caractéristiques sur la base de la lithologie (marnes, calcaires, roches vulnérables à l’érosion), des sols (texture argileuse) et de la couverture/usage des terres, qui influent la solubilité et le contenu solide. L’évaluation du rôle des facteurs considérés a été réalisée en milieu SIG à travers un jeu d’analyses statistiques spatiales, sur la base du pourcentage de couverture du bassin pour chaque déterminant. Afin d’identifier les contributions de chaque caractéristique retenue du bassin dans la variabilité de la TTMD, nous avons appliqué l’analyse des composantes principales (ACP, en anglais, Principal Components Analysis - PCA).

Les classes d’utilisation du terrain qu’on a considérées potentiellement responsables de la variation spatiale de la TTMD ont été : tout espace construit/ urbain (car les déchets urbains peuvent fournir des particules émis par les matériaux de constructions qui peuvent arriver dans les rivières par les réseaux de drainage urbain) ; les voies de transport qui peuvent être responsables de la pollution par dissolution ; les sites d’extraction des ressources minérales qui peuvent constituer des sources importantes de matières solides de toutes les dimensions (dissoutes, en suspension, ou même des gros granulats arrivés dans les rivières); les espaces verts ou de récréation dans les milieux urbains qui peuvent aussi se constituer dans des sources de pollution des rivières; les espaces agricoles irrigués (nous n’avons considéré que ce type de terrain agricole, en raison de la contamination potentielle des eaux des rivières liée aux cultures irriguées, par le biais de la nappe phréatique et les rivières). On observe dans la Figure VI.4 la dominance des sites d’extraction, représentés surtout par les carrières de charbon, mais aussi par les tas de stériles.

Dans la première partie, pour chaque facteur considéré dans l’analyse nous avons déterminé le pourcentage des superficies des différents types par rapport à la superficie totale du bassin de drainage correspondant au point de mesure des TTMD. Pour la comparaison entre les sous-bassins de différentes grandeurs, nous avons standardisé les valeurs obtenues, en calculant les pourcentages de chaque classe de couverture/ utilisation du terrain ou des caractéristiques géologiques et géographiques. Nous avons établi des classes d’influence allant de 0 (l’absence d’un certain facteur dans le bassin amont d’un point de mesure) à 1 (pourcentage maximal de l’extension d’une catégorie de facteurs). Ensuite, un tableau des variables prédictives (les 5 variables de 0 à 1 pour chaque point de mesure) et déterminantes (la valeur de la TTMD) a résulté. Les variables indépendantes utilisées ont été : les marnes, les argiles, les calcaires, les roches érodables (autres que celles des catégories antérieures), les activités anthropiques (industrie minière, champs agricoles irigués, espaces urbaines), les sols à texture argileuse.

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Figure IV.4. Distribution spatiale des catégories de la couverture du sol considérées comme facteurs susceptibles pour

la variation des TTMD dans les rivières du b.v. de la Jiu (à gauche) et situation des superficies affectées par différentes destinations de l’utilisation du terrain (à droite)