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Aspects conceptuels et méthodologiques : système fluvial, échelles spatiales et temporelles, connectivité

2.2. Approche multi-échelle

2.2.1. L’échelle spatiale

Figure II.11. Liens et découplages spatio-temporelles entre géoarchéologie, stratigraphie, hydrologie et

géomorphologie fluviale (d’après Dickau et al., 2006)

Nous pouvons ainsi étudier les composantes du système à des échelles spatiales et temporelles diverses, mais nous ne pouvons pas ignorer certaines de ces échelles, parce que les lois qui régissent les processus hydromorphologiques à des petites échelles sont les mêmes qui imposent le bon fonctionnement du tout système fluvial.

2.2.1. L’échelle spatiale

Il y a trois dimensions fondamentales des données spatiales : l’espace, l’attribut et le temps [Chrisman, 1991], ou, dans d’autres mots, « le lieu où on avait observé un certain phénomène hydrologique », « ce qu’on a observé plus précisément » et « quand on avait observé le phénomène » [Flowerdew, 1991]. L’introduction de ces trois dimensions dans le contexte donné est explicable par la nature des informations utilisées à la méso- et macro-échelle du bassin versant.

Le système fluvial et les processus qui lui sont spécifiques peuvent être analysées à des diverses échelles spatiales, en fonction du niveau de détail qui est souhaité par le chercheur. Par exemple, une échelle plus grande, de la taille d’un réseau hydrographique dendritique, peut présenter l’intérêt pour un géologue ou un géomorphologue, tandis que l’analyse des tronçons à des échelles plus fines permettra à un ingénieur en hydraulique de modéliser un tronçon du lit qui présente un intérêt économique [Gilvear, 1999].

Le système fluvial est en même temps caractérisé par une asymétrie du contrôle entre les diverses échelles utilisées dans son analyse. Ainsi, dans la Figure II.12, on peut voir que lorsque l'on s'éloigne du moment présent et du lit mineur d'une rivière, la fréquence des études diminue. Ceci est d’autant plus vrai dans une petite ou moyenne zone d’étude (un bassin hydrographique d’ordre 2 ou 3 d’une grande rivière ou d’un fleuve, par exemple), pour lequel il est difficile d’adopter une vision spatio-temporelle globale et de disposer de données à long terme et à une grande échelle spatiale.

Les processus observés à une échelle plus large (une région climatique) influencent les processus à une échelle plus petite (un bassin ou un sous-bassin versant), tandis que la situation inverse est très rarement possible, comme la constate Haberlandt et Radtke (2014), dans leurs démarches de calibrer un modèle hydrologique. En même temps, les changements affectant un secteur d’une rivière (par exemple la construction d’un barrage) peuvent influencer la structure et le mode de fonctionnement hydro-sédimentaire

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au niveau du tout sous-système en aval (par l’intensification des processus d’érosion du lit, l’« exhumation » des sédiments gossiers et la simplification de la géométrie du lit).

Figure II.12. Schéma de la fréquence de l’utilisation des échelles spatiales et temporelles dans l’étude des systèmes

fluviaux [d’après Kondolf et Piegay, 2003]

Dans l’analyse de la dynamique hydro-sédimentaire d’un bassin versant (qu’on voit comme un système fluvial), les échelles spatiales rarement dépassent celle qui encadre le bassin lui-même. On ne peut parler de causes de manifestation de processus ou des différentes perturbations pouvant survenir dans le système de bassin hydrographique que dans l'échelle régionale ou nationale. Par exemple, les bassins hydrographiques voisins (qui font partie d'une certaine région géographique, historique et socio-économique) peuvent influer sur les flux liquides et solides par le biais d'aménagements hydrotechniques qui transcendent les limites du bassin en question. Nous verrons que cela vaut également pour le bassin de la rivière Jiu. Un deuxième exemple serait la gestion des bassins hydrographiques établie au niveau national ou régional, mais qui affecte chaque bassin, avec des manifestations de processus différents, avec des réponses ou des adaptations des systèmes différents selon les cas. Un dernier exemple serait l'impact des activités anthropiques correspondant à une région économique dont fait partie le bassin hydrographique étudié. Nous verrons également ici que le bassin de la rivière Jiu est quelque peu affecté par certaines activités industrielles (exploitation du charbon), qui ne s’arrêtent pas uniquement sur son territoire, mais sont également caractéristiques du bassin voisin, celui de la rivière Olteț.

Dans la suite, nous aborderons certaines échelles spatiales qui, soit ne sont pas conventionnelles et n’ont pas été représentées dans le schéma général de la Figure II.9., soit s’étendent sur un certain espace, mais elles sont liées à d’autres échelles plus grandes.

2.2.1.1. La micro - échelle d’un système fluvial

La dimension des particules dans les dépôts de sédiments du lit doit être vue comme un indicateur de la dynamique hydro-sédimentaire de la rivière. La dimension des sédiments en charriage ou en suspension peut être liée à la contrainte de cisaillement générée pendant le transport et à la nature des sédiments (les composantes de la matrice sédimentaire) et peut aussi dépendre des conditions hydrauliques et de la puissance fluviale [Allen, 1985 ; Petitet al., 2015]. Selon la plupart des auteurs, la dimension et le triage des sédiments analysés par échantillonnage maintiennent, en général, les mêmes caractéristiques des

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sédiments qui entrent dans le système fluvial [Ichim et al., 1989 ; Kondolf et Piegay, 1995 ; Malavoiet al.,

2014]. En même temps, le tri et la variation de la dimension des particules composant les sédiments en charriage peuvent être liées avec la variabilité du régime hydrologique. Néanmoins, en pratique, il y a des difficultés dans l’échantillonnage des dépôts alluviaux et leur représentation statistique pour des analyses quantitatives sédimentologiques [Wolcott et Church, 1991 ; Rice et Church, 1998]. La distribution de la dimension des particules des sédiments déposés dans le lit représente une fonction complexe qui intègre la capacité de transport de la rivière, telle que déterminée par la « capacité » [Hicks et Gomez, 2003, cités par

Alcayaga, 2013] et la « compétence » [Nevin, 1946] fluviale, ainsi que les conditions hydrauliques et lithologiques, qui exercent, à leur tour, une grande influence sur la distribution granulométrique.

La capacité de transport et la disponibilité des sédiments varie du point de vue spatial au niveau du lit mineur et du lit majeur. Pour cela, afin de formuler une question sur la dynamique de la rivière, telle que déterminée par l’apport sédimentaire à l’échelle temporelle, on doit premièrement réaliser l’équivalence de l’âge des sédiments avec les processus qui ont eu lieu dans le lit dans le passé (« age-equivalent units »), selon Kondolf et Piegay (2003). D’ici découlent les incertitudes visant le temps et le moment du dépôt des sédiments, en partant de l’idée générale que les dépôts fluviaux se forment dans des conditions de pic du débit [O’Connor, 1993].

Dès les années 1970, ont été développées des relations empiriques et théoriques entre la distribution granulométrique et les conditions de l’écoulement, afin de reconstituer les conditions hydrauliques associées aux dépôts fluviaux générés par chaque crue individuelle et qui sont spécifiques aux différents types d’environnements fluviaux [Baker, 1973 ; Kehew et Teller, 1994 ; Lord et Kehew, 1987]. Les méthodes associées à la notion de « compétence fluviale » peuvent être appliquées dans une grande variété de cas, dont la plupart concernent les connexions empiriques entre la dimension des particules et la puissance de transport de la rivière. Celles-ci offrent des prédictions locales de la contrainte de cisaillement, de la compétence de transport, de la vitesse d’écoulement et du débit.

Toutefois, il faut reconnaitre que les limites de la recherche sur la base des critères visant la compétence de la rivière sont généralement assez importantes, et découlent des aspects suivants :

• Les difficultés dans l’échantillonnage des particules plus grandes du dépôt sédimentaire [Church, 1978; Wilcock, 1992].

• Les erreurs associées aux relations empiriques entre la dimension des clastes et les conditions de l’écoulement [Church, 1978; Costa, 1983]

Une catégorie de caractéristiques nécessaires à la caractérisation de l'environnement fluvial, qui n'appartient pas nécessairement à une catégorie particulière, est représentée par la sous-échelle des unités pédologiques. Mises en relation avec la mobilité du lit, les caractéristiques des sols jeunes formés au long des rivières peuvent présenter un réel intérêt pour l’interprétation des conditions de l’environnement fluvial et des changements environnementaux ayant des effets sur la variabilité hydromorphologique [Delmas et al., 2009]. L’étude minéralogique des sols et des lithologies associées aux dépôts alluviaux peut aider à une meilleure compréhension de la variation des conditions locales d’humidité, qui, à leur tour, doivent être interprétées dans le contexte de la variabilité de l’écoulement et de la configuration/du niveau de la nappe phréatique [Birkland, 1984 ; Kemp, 1985].

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propagation des flux liquides et solides, conduisant à des changements importants dans l’écoulement des rivières et dans les environnements fluviaux [Nolanet al., 1995; Trimble et Lund, 1982; Collieret al., 1996;

Arnoldet al., 1982].

2.2.1.2. La méso- et la macro-échelle spatiale

On définit la méso-échelle spatiale en se référant aux situations concrètes en hydrologie, comme toute représentation du système hydrographique et de ses composants, d’un tronçon d’une rivière à un bassin hydrographique de plusieurs milliers de kilomètres carrés. La macro-échelle spatiale englobe tout ce qui dépasse plusieurs milliers de kilomètres carrés ou plusieurs centaines de kilomètres, comme un grand fleuve ou un bassin hydrographique de plusieurs dizaines de kilomètres carrés.

Cet emboitement d’échelle pose le problème de la prise en compte des échelles plus fines dans ces études à méso- et macro-échelle. Et au-delà de la représentation conventionnelle et des données disponibles, les processus qui influencent tout une rivière ou tout un bassin fluvial soient les mêmes que ceux qui se produisent dans un espace confiné (par exemple à l’échelle d’un site d’accumulation alluviale),

L’information fournie par les plateformes aériennes ou par des différentes cartes thématiques facilite les analyses de géomorphologie fluviale à des échelles spatiales plus larges. Néanmoins, leurs désavantages restent dans leur prix élevé et le fait que, parfois, ces plateformes ne sont pas disponibles à des échelles temporelles et spatiales nécessaires pour observer des processus hydromorphologiques expliquant ou généralisant les observations ou les mesurages réalisés à des petites échelles.

Bien que l’analyse des produits spectraux offerts par les plateformes satellitaires peuvent généraliser et placer dans un contexte spatial la connaissance issue de la recherche à une micro-échelle, offrant tant des informations spatiales et temporelles, que des informations d’attribut, la résolution spectrale restreint son applicabilité dans la géomorphologie fluviale.

Dans la Figure II.13 on note comment une même échelle de découpage (un secteur fluvial) peut apparaître plus détaillée ou plus synthétique en fonction de la résolution à laquelle elle est représentée. A haute résolution, la rivière principale apparaît à l'échelle du secteur du bassin, avec tous ses affluents, permettant ainsi l'analyse du tronçon ou de l'affluent (médaillon A sur la Figure II.12). Les situations représentées dans les médaillons B et C montrent le même secteur fluvial qui ne bénéficie plus du même niveau de détail, l’échelle du tronçon ou des affluents étant de plus en plus difficile à atteindre. Tous ces échelles imbriquées diffèrent en fonction de la source de l'image utilisée pour représenter le réseau hydrographique, tandis que la longueur du secteur reste la même. D'où également la possibilité ou l'impossibilité d'effectuer certaines analyses, même si l'échelle initialement prévue pour effectuer le découpage le permettait a priori.

Dans la plupart des cas, l’information obtenue des produits satellitaires et d’autre types de produits des méso- et macro-échelles peut seulement aider au calcul de certains indices hydromorphologiques, comme la largeur et la longueur du lit, le type du lit, la sinuosité, la structure des méandres et le degré d’anastomose. Certains auteurs, néanmoins, font aussi la preuve de l’utilisation des images satellitaires (ou des produits dérivés, comme le modelé numérique altitudinal) pour la description de la dynamique fluviale à travers l’identification des processus liés au transport sédimentaires [Chendeş, 2011 ; Malavoi et al.,