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Aspects conceptuels et méthodologiques : système fluvial, échelles spatiales et temporelles, connectivité

2.2. Approche multi-échelle

2.2.2. L’échelle temporelle

Figure II.13. L’importance de l’échelle spatiale choisie dans les analyses cartographiques d’un système fluvial

[Kondolf et Piegay, 2003] A. Plan topographique (Échelle 1:10.000)

B. Image satellitaire SPOT panchromatique (résolution de 10 m)

C. La même image satellitaire SPOT, simplifiée à une résolution de 20 m

Au cours de 30 dernières années, le progrès rapide dans la sphère de la technologie informationnelle s’est manifesté même dans l’étude des systèmes fluviaux, permettant des analyses à des échelles spatiales larges (par exemple celle des bassins versants), en utilisant les outils géomatiques (SIG, télédétection) [Donward, 1995].

2.2.2. L’échelle temporelle

Dans la plupart des études de dynamique hydro-sédimentaire, le facteur temps présente un fort intérêt. Le temps reste un élément décisif en ce qui concerne les effets des changements environnementaux sur la variabilité des flux liquides et solides, ainsi que sur la dynamique fluviale [Brigode, 2010]. Afin de présenter les échelles temporelles possibles, souvenons-nous de la Figure II.10. Les analyses diachroniques basées sur des séries de données hydrologiques peuvent concerner l’échelle infra-journalière (les crues dont les débits sont mesurés chaque heure ou du moins plusieurs fois par jours), ainsi que l’échelle du siècle (les plus grands fleuves ont des archives de données hydrologiques s’étendant sur plus de 100 ans parfois). Entre ces limites, ce sont les échelles de la variabilité mensuelle, saisonnière, annuelle et multi-annuelle qui jouent dans l’analyse hydrologique.

Comme nous l’avons fait pour la présentation de la problématique des échelles spatiales, nous ne discuterons ici que des idées qui appartiennent à un groupe d’échelles ou à des domaines de recherche connexes à l’hydrologie.

2.2.2.1. L’échelle du temps : des années aux décennies

Parce que la plupart des études dans la géomorphologie fluviale appliquée (sur le terrain et dans le laboratoire, en contact direct avec les processus et les formes spécifiques) s’étendent sur des périodes de maximum 5 ans, la seule possibilité d’illustrer la variabilité temporelle des flux hydromorphologiques à moyen et longue terme reste l’emploi de l’analyse historique et de la statistique. La connaissance du comportement du système fluvial dans les conditions de son passé, différentes par rapport au présent, peut

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servir dans l’analyse de la dynamique hydromorphologique actuelle et future, dans le contexte des facteurs anthropiques avec une modélisation des impacts comme les changements dans l’utilisation des terres, l’artificialisation des cours d’eau et les travaux hydrotechniques [Peiry, 1990; Schmitt et al., 2000 ;

Chapuis, 2012]. Par conséquent, l’information historique va servir à la datation des dépôts fluviaux et à établir la trajectoire des changements intervenus dans la dynamique des formes et des processus hydromorphologiques. Par la compréhension de l’évolution du chenal fluvial nous pouvons interpréter les conditions actuelles [Knox, 1977; Trimble, 1998].

L’analyse de la dynamique fluviale à l’échelle de plusieurs années (voir décennies) se base sur l’information provenant de diverses sources. Les plus importantes sont les informations topographiques (des profils longitudinaux, transversaux, des cartes et des plans topographiques) et plus récemment les photographies aériennes qui permettent des analyses diachroniques.

Deux catégories d’informations peuvent être décelées des documents historiques. La première se réfère aux observations sur les phénomènes fluviaux per se, comme les mesures de la largeur du chenal d’écoulement, associés aux mesures sur les terrains avoisinants et aux conditions d’écoulement, les observations sur l’occurrence et l’impact des crues, les informations sur l’environnement riverain et sur les caractéristiques du bassin versant, dans des diverses époques historiques [Kondolf et Piegay, 2003]. Deuxièmement, il s’agit des évidences portant sur les phénomènes liés à la dynamique fluviale : des rapports sur les conflits générés par la migration du chenal d’écoulement affectant le droit de propriété sur les terrains adjacents ; les recensements réalisés par l’Etat et les rapports nationaux. Parfois, même les informations « non-fluviales » sont nécessaires pour interpréter les changements intervenus dans le système hydromorphologique : où, quand et pendant quelle période est-ce-que les changements affectant la dynamique fluviale se sont produits ? [Wolman et Gerson, 1978; Bradley et Jones, 1992; Sima, 2011]. 2.2.2.2. L’archéologie fluviale à travers les échelles : des jours aux siècles

L’archéologie fluviale illustre la connexion entre les activités industrielles et les éléments composants des dépôts fluviaux [Kondolf et Piegay, 2003]. Dans notre cas, le carbone provenant des minéraux de charbon, ainsi que les minéraux associés dans des quantités plus réduites, peuvent être identifiés dans des quantités et des phases de dégradation différentes dans les sédiments du lit de la rivière Jiu et de ses affluents.

Une particularité du bassin versant de la rivière Jiu est l’exploitation du charbon, qui se reflète dans la réponse fluviale, à une échelle variant de la saison jusqu’aux plusieurs décennies. L’intervention du charbon comme traceur hydro-sédimentaire se fait soit par l’emplacement et le maintien déficitaire des dépôts de résidus miniers, soit par les connexions hydrauliques et hydromorphologiques entre les bassins d’extraction du charbon (qui coïncident largement avec les zones de formation des sédiments) et le système fluvial (coïncidant généralement avec les zones de transfert et de stockage intermédiaire des sédiments). A partir de ces caractéristiques, nous considérons qu’une direction méthodologique utile dans l’analyse de la dynamique sédimentaire dans le bassin versant du Jiu est représentée par l’étude de la teneur en charbon des sédiments, charbon provenant du lignite ou de la houille. Dans ce sens, les analyses géochimiques des successions sédimentaires dans le lit mineur et la plaine d’inondation pourraient contribuer à la détermination du teneur en charbon retenu pendant des diverses périodes de l’écoulement [Houbrechtset al., 2011]. Des résultats similaires ont résulté des études réalisées dans des bassins d’exploitation d’autres

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types de minéraux, comme l’or [James, 1989; Sima, 2011], le fer [Petit, 1995; Sluse et Petit, 1998;

Houbrechtset al., 2011], ou le plomb [Hudson-Edwards et al., 1999]. Les mots-clefs dans la plupart de ces études ont été le temps de résidence dans le stock sédimentaire des minéraux, la relation entre la magnitude/la fréquence des crues et la quantité de minéraux contenue par les sédiments, ainsi que les conditions hydraulique et géomorphologiques de forcing de cette interaction entre les minéraux et les composantes principales du système fluvial (l’eau et les sédiments) – Howard et Macklin (1999).

D’une autre côté, parce que les facteurs anthropiques qui ont influencé le transport et le stockage sédimentaires n’ont pas été constants dans le temps et dans l’espace (des défrichages et reforestations, le changement du régime agricole d’utilisation des terres, l’intensité de l’activité industrielle d’exploitation du charbon, qui s’est réduite après 1989), l’interprétation de la dynamique des sédiments contenant une fraction de charbon devrait prendre en considération la nature anthropique de cette dynamique fluviale, à l’échelle temporelle et aussi spatiale.

En ce qui concerne l’archéologie fluviale, deux aspects importants devraient être retenus [Petit et Houbrechts, 2003]. Premièrement, des informations détaillées sur l’exploitation des minéraux sont disponibles seulement pour des certains secteurs des bassins versants ou pour des secteurs des rivières, conduisant à des incertitudes concernant la représentativité desdites données (comme dans le cas du manque d’homogénéité spatiale et temporelle des données portant sur l’exploitation du charbon dans le bassin du Jiu et sur la dynamique de l’usage des terres). Deuxièmement, il y a parfois des problèmes causés par les changements survenus dans la manière dans laquelle s’assure l’évidence des informations, les observations se font, les mesures se réalisent ou des procédures techniques s’appliquent pour le rassemblement des informations [Bradley et Jones, 1992].

2.3. La connectivité dans un système fluvial : une notion qui lie tout ?

L’analyse de la connectivité hydromorphologique implique l’identification des connexions entre les composantes et les flux d’un système fluvial, afin d’évaluer la sensibilité des composantes de petite échelle (par exemple un secteur avec des problèmes d’érosion ou de dépôt), aux changements au niveau des composantes à grande échelle (par exemple les conditions d’érosion sur les versants en amont). La comparaison ne vise pas les attributs des composantes du système fluvial analysé à une certaine échelle, mais les changements qui peuvent affecter ces composantes, en fonction desquels on peut déterminer les facteurs et leur chronologie [Borselli et al., 2008]. En même temps, les études de connectivité peuvent intégrer l’analyse de la connexion entre le bassin versant et un secteur de rivière [Kirby et White, 1994], et sont généralement focalisées sur les relations entre les unités ou les composantes morphologiques du système (entre les sous-bassins hydrographiques, les secteurs de lit d’une rivière etc.).

La majorité des études hydromorphologiques impliquent aussi une approche diachronique [Amoros et Bravard, 1985], orientée vers l’évaluation des changements subis à travers le temps par une seule composante du système, afin d’identifier les causes qui peuvent générer les changements actuels et futurs. Les analyses diachroniques peuvent aussi déterminer les ajustements hydromorphologiques et le temps de réaction du système auxdits ajustements, principalement en ce qui concerne la relation du système avec l’usage des terres ou d’autres variables indépendantes. La combinaison de ces analyses peut présenter de la relevance dans les tentatives de répondre aux questions posées par la gestion des bassins versants

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[Houbrechts et Petit, 2011]. Ainsi, les analyses de similarité et de connectivité constituent deux voies pour étudier le système fluvial d’une manière comparative, la première centrée sur les composantes du système vues à une seule échelle (temporelle ou spatiale) et la deuxième axée sur les connexions entre les composantes du système à des différentes échelles (Figure II.14).

Figure II.14. Schéma de base d’une analyse de connectivite [d’après Kondolf et Piegay, 2003; Borselli et al., 2008]

Les hypothèses de la recherche, la dimension et l’hétérogénéité de la zone étudiée et les causes des changements analysés représentent des facteurs de décision pour l’approche (l’utilisation de la similarité, la connectivité ou une combinaison entre les deux). Indifféremment de l’approche proposée, les analyses de similarité sont incluses dans la connectivité et peuvent être réalisées à toute échelle spatiale [Ferguson, 1986 ; Liebaultet al., 1999 ; Brierley et Fryirs, 2000].

L’analyse de la connectivité découle du concept d’« hydrosystème », qui suppose que les attributs d’une composante hydromorphologique résultent à la suite de plusieurs ajustements avec des effets « en cascade » sur les autres attributs. Le but principal de ces analyses est d’illustrer les facteurs de causalité qui agissent en cascade et déterminent les changements observés, ainsi que les temps de réaction associés [Borselli et al., 2008]. Dans le premier cas, la composante étudiée se trouve au bout d’un système avec plusieurs niveaux hiérarchiques. Quand les changements affectant un certain niveau hiérarchique sont étudiés et datés, il est possible de les localiser sur l’axe du temps et, ainsi, d’identifier les changements intervenus à des échelles plus grandes, qui expliquent les changements survenus à des échelles plus réduites [Alcayaga, 2013]. Un tel modèle conceptuel évalue la relation entre le système fluvial et le réseau hydrographique par l’intermède de l’intensité et la durée de la transmission des vecteurs de changement vers le sous-système situé en aval, ou du lit vers les bords de la rivière. En revanche, les modèles orientés vers l’analyse des composantes du système offrent des informations beaucoup plus vagues en ce qui

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concerne l’échelle temporelle, mais les changements qui génèrent des effets en cascade sur les attributs des composantes sont beaucoup plus clairement modelés [Kondolfet al., 2002].

Des exemples de succès de l’analyse de la connectivité à travers la modélisation orientée vers les composantes ont été proposés par des nombreux auteurs [Bravard et al., 1997; Borselli et al., 2008;

Alcayaga, 2013], décrivant, en général, les tendances des systèmes fluviaux suite à l’augmentation de l’érosion longitudinale pendant le XXème siècle, à cause des activités anthropiques (l’extraction des graviers du lit mineur, la construction de barrages).

Ainsi, dans le cas de l’emploi des modèles et des indices de connectivité, l’approche systémique devient encore plus flexible, et peut être tant qualitative (des analyses géomorphologiques dans le but de réaliser la gestion de la rivière) que quantitative (modélisation hydrologique). Le choix de l’échelle spatiale d’analyse dépend néanmoins des données et des méthodes disponibles pour répondre aux questions scientifiques formulées et pour décrire la dynamique hydromorphologique par les méthodes spécifiques à la connectivité et à la similarité dans le système fluvial.