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1.3 Méthodes rigoureuses

1.3.2 Méthodes rigoureuses exploitant la décomposition de domaines

La décomposition de domaine est une approche générale pour la résolution de problèmes multiéchelles complexes. Elle repose sur la division du problème original en éléments dis- joints ou non, plus petits, plus simples et par conséquent plus facilement traitables. Ces éléments sont analysés séparément et l’on obtient la solution globale en connectant les do- maines via des conditions aux limites au niveau des interfaces entre les sous-domaines ad- jacents. Ainsi, la simulation électromagnétique est séparée en deux parties : d’une part la caractérisation individuelle de chaque sous-domaine et de l’autre le traitement de l’inter- connexion entre les sous-domaines.

On présente dans la suite de ce paragraphe des méthodes de décomposition de domaines utilisant exclusivement des méthodes rigoureuses.

1.3. MÉTHODES RIGOUREUSES 15

1.3.2.1 Les méthodes issues de la FDTD

Le maillage uniforme imposé par le schéma FDTD classique conduit à des zones sur- échantillonnées spatialement, qui finissent par accroître de manière significative le temps de calcul et l’encombrement mémoire. Afin de s’affranchir de ce problème de sur-échantillon- nage spatial, de nombreuses méthodes FDTD avancées exploitant le principe de la décom- position de domaine ont vu le jour. On propose ici une présentation de trois d’entre elles. Le lecteur pourra se faire une idée plus précise de ces méthodes en consultant [10].

La méthode du sous-maillage consiste à utiliser des tailles de cellule FDTD différentes se- lon les régions du volume. Cette approche est utilisée dans [29, 30] pour analyser le couplage entre deux monopoles placés sur un plan métallique de grande dimension. Malgré le fait que ces schémas soient performants du point de vue du temps de calcul et des ressources utili- sées lors de l’analyse de problèmes large-bande, leur applicabilité n’est pas toujours garantie. Des problèmes peuvent apparaître en ce qui concerne la stabilité, les réflexions parasites aux interfaces entre les grilles, et l’inaptitude à prendre en compte des matériaux traversant ces interfaces.

La FDTD à Régions Multiples notée MR-FDTD12et présentée dans [31] consiste à diviser le volume FDTD classique en plusieurs sous-volumes FDTD disjoints. Chaque sous-volume peut présenter une orientation, un maillage et des conditions limites absorbantes qui lui sont propres. Ces volumes interagissent entre eux à l’aide de couplages bilatéraux basés sur le cal- cul des intégrales de Kirchhoff. En plus d’éviter les zones de sur-échantillonnage, cette mé- thode permet de réduire la dispersion numérique associée au grand volume FDTD puisqu’il n’est plus nécessaire de mailler l’espace entre les sous-volumes. Cependant, cette méthode s’applique naturellement à des scénarios pour lesquels le milieu entre les sous-volumes est homogène. De plus, le coût lié au calcul des intégrales de Kirchhoff peut rapidement devenir problématique.

Enfin, la FDTD à Double Grille [8] notée DG-FDTD13revient à diviser la simulation FDTD initiale en deux étapes successives. Une première simulation FDTD fine de l’élément rayon- nant puis une seconde simulation relâchée de l’antenne dans son environnement d’implan- tation. Les champs prélevés sur une surface englobant l’antenne lors de la première simu- lation sont utilisés comme source d’excitation pour la seconde. L’antenne est redécrite de façon grossière durant la seconde simulation afin de prendre en compte le couplage retour entre l’environnement et l’antenne. Cette méthode permet un gain significatif en termes de ressources tout en s’affranchissant des problèmes de stabilité. Elle a entre autres été appli- quée à la simulation d’une antenne large bande sur une caméra vidéo [32]. Des évolutions multiniveaux et bilatérales de cette méthode ont également été proposées afin d’étudier des problèmes de dosimétrie et de propagation en présence du corps humain [9].

Bien que la combinaison avec une approche basée sur la décomposition de domaine per- mette de réduire les ressources nécessaires à la simulation FDTD de problèmes complexes et de dimensions électriques importantes, elle n’est en pratique pas utilisée pour simuler des scénarios complets d’antennes sur plate-forme tels que celui présenté Figure 1.2. En effet,

12. Multi-Region FDTD 13. Dual-Grid FDTD

pour ce type de scénarios complexes et de très grandes dimensions, ces approches restent très coûteuses en termes de ressources et apparaissent difficile à mettre en oeuvre. En re- vanche, les méthodes basées sur ce schéma apportent des solutions très intéressantes à cer- taines des contraintes mentionnées au paragraphe 1.2. Ainsi, elles permettent d’analyser ef- ficacement des antennes avec un environnement proche complexe sur de larges bandes de fréquence.

1.3.2.2 Les méthodes de décomposition de domaine utilisant la FEM

La méthode des éléments finis conventionnelle, tout comme la FDTD traditionnelle, reste principalement limitée à l’étude de structures de taille modérée de par la quantité de res- sources nécessaire au calcul. L’association de la FEM avec une méthode DDM permet d’étendre son domaine d’application à l’étude de problèmes multiéchelles de grandes dimensions [33, 34]. Ceci est notamment dû au fait que la DDM permet une discrétisation adaptée de chaque sous-domaine.

Parmi les différentes approches existantes et basées sur ce principe, la méthode FETI-

DPEM14[35, 36] est une des plus populaires actuellement. Cette méthode consiste en pre- mier lieu à décomposer le domaine complet en sous-domaines ne se chevauchant pas. Une solution incomplète des champs à l’intérieur de ces sous-domaines est ensuite obtenue en utilisant la méthode FEM. La condition de continuité des composantes tangentielles est alors imposée aux interfaces entre les sous-domaines. Cela conduit a une équation équivalente aux interfaces qui peut être résolue en utilisant un algorithme itératif. La solution de l’équation aux interfaces sert enfin de condition aux limites pour les sous-domaines permettant ainsi d’évaluer le champ à l’intérieur. Cette méthode est particulièrement efficace pour l’étude de problèmes faisant intervenir de nombreux sous-domaines identiques (cas d’antennes ré- seaux) car les calculs effectués pour un sous-domaine peuvent être réutilisés pour l’ensemble des sous-domaines identiques. Enfin, les caractéristiques de cette méthode la rendent bien adaptée pour du calcul parallèle.

Cette méthode a déjà prouvé son efficacité pour analyser des problèmes d’antennes sur plate-forme. Ainsi, dans [37] la méthode est appliquée à l’analyse (rayonnement et couplage) d’antennes réseaux placées sur un navire.

1.3.2.3 Les méthodes basées sur la MoM et les équations intégrales

La MoM et plus largement les méthodes basées sur les équations intégrales ont elles aussi été associées à des méthodes DDM dans le but d’étendre leur domaine d’application à la simulation rigoureuse de structures multiéchelles et de grandes dimensions.

Une méthode de décomposition de domaine basée sur l’utilisation des équations inté- grales, l’IE-DDM15 a ainsi été proposée pour l’analyse d’objets purement métalliques [38]. Plutôt que de résoudre le problème initial comme un seul domaine de dimensions très im- portantes, la méthode IE-DDM décompose l’objet métallique en plusieurs sous-domaines ne

14. ElectroMagnetic Dual-Primal Finite Element Tearing and Interconnecting 15. Integral Equation Domain Decomposition Method

1.3. MÉTHODES RIGOUREUSES 17 se recouvrant pas. Chaque sous-domaine est alors englobé dans une surface fermée et ana- lysé individuellement à l’aide de la CFIE16mais en considérant dans l’excitation le rayonne- ment de tous les autres sous-domaines. Par la suite, ceux-ci sont couplés les uns aux autres via l’algorithme rapide MLFMA17 (voir paragraphe 1.3.1.3). Cette méthode présente l’avantage

de pouvoir gérer, avec des ressources mémoire limitées, de très grands objets métalliques. Il suffit pour cela de décomposer l’objet en éléments suffisamment petits. Dans [38], les au- teurs appliquent cette méthode au calcul de diffraction sur différents porteurs de grandes dimensions (char, hélicoptère, avion de combat).

Un autre approche nommée Synthetic Function Expansion (SFX) [39, 40] a été proposée afin de réduire le coût numérique associé à la simulation par la MoM de structures nécessi- tant des ressources importantes. Cette méthode est tout d’abord basée sur le partitionnement de la structure complète en sous-structures plus petites, puis sur la génération de “macro- fonctions”. Les fonctions de base sont ainsi rassemblées pour former de nouvelles fonctions de base, les macro-fonctions, définies sur des portions de structures significativement plus grandes que celle correspondant à une cellule initiale. Par rapport à la résolution d’un sys- tème matriciel utilisant des fonctions de base standard, l’utilisation de “macro-fonctions” permet une réduction très importante de la taille du problème algébrique à résoudre et donc une diminution significative des ressources nécessaires. Cette réduction du problème algé- brique présente en outre l’avantage de permettre sa résolution par une méthode directe. La méthode s’affranchit alors des problèmes de convergence liés à la résolution par une mé- thode itérative type MLFMM. Cette méthode a été employée avec succès à l’étude du rayon- nement d’une antenne hélice positionnée sur un satellite [40, 41]. Cette analyse a pu être menée en utilisant uniquement une station de calcul standard.

La méthode CBFM18[42, 43] suit le même principe que l’approche précédente. La prin- cipale différence entre ces deux méthodes réside dans la manière de générer les “macro- fonctions”. Dans la CBFM, la génération de ces fonctions est basée sur une manipulation matricielle. Toutefois, comme pour la SFX, elle requiert un partitionnement de la structure physique à analyser. Enfin, cette méthode nécessite de laisser une zone de chevauchement entre les sous-domaines de façon à prendre en compte les couplages. Au cours de ces der- nières années, la méthode a connu différentes déclinaisons. Une méthode CBFM-MLFMA a ainsi été proposée [44] afin d’analyser des scénarios conduisant à des problèmes algébriques trop grands pour être traités par une méthode directe ; et ce même après la réduction obte- nue par l’application de la CBFM. Dans [44], les auteurs appliquent cette méthode au calcul de champ diffracté par une manche à air d’avion.

1.3.2.4 Les approches multisolvers

Une autre difficulté, n’ayant pas encore été abordée jusqu’ici, concerne le manque de flexibilité lié à l’utilisation d’une méthode unique pour simuler des problèmes multiéchelles rassemblant des éléments de natures très différentes. Considérons à titre d’illustration le cas de l’antenne installée sur un satellite (Figure 1.2). Les méthodes intégrales surfaciques

16. Combined Field Integral Equation 17. Multi-Level Fast Multipole Algorithm 18. Characteristic Basis Function Method

comme la MoM par exemple constituent de bonnes candidates pour la modélisation des grandes surfaces métalliques. En revanche, certaines antennes ou éléments intégrant des matériaux complexes plaident plutôt en faveur d’une simulation par une méthode différen- tielle volumique. Aussi, il apparaît clairement ici qu’il n’est pas judicieux dans ce type de si- tuation d’utiliser une seule méthode pour résoudre l’ensemble du problème.

Ainsi, en vue de l’analyse du rayonnement d’antennes sur des avions de lignes, la mé- thode FE-BI19[45] combine, dans le domaine fréquentiel, la FEM ainsi que les équations in-

tégrales pour modéliser respectivement les antennes et la plate-forme. Chaque sous-domaine (antennes et plate-forme) est représenté par une matrice de diffraction généralisée appe- lée GSM20qui le caractérise entièrement. L’utilisation de GSM a l’avantage de masquer les informations caractérisant l’objet. Dans le cadre de la conception d’un système très com- plexe (comme un avion par exemple) nécessitant la collaboration de multiples entités parfois concurrentes, l’introduction des GSM permet de s’affranchir des problèmes de confidentia- lité. En effet, seule la GSM de chaque partie est nécessaire pour communiquer entre les dif- férents acteurs. La méthode FE-BI a été employée avec succès pour analyser le rayonnement des antennes placées sur un avion de ligne (Fokker 100) [45].

On trouve également dans la littérature des approches combinant deux types de mé- thodes rigoureuses travaillant dans le domaine temporel. C’est le cas de la méthode FETD-

FDTD21[46] couplant la FDTD avec la méthode des éléments finis dans le domaine temporel. La méthode FETD-FDTD représente une technique puissante dans le sens ou un maillage déstructuré peut être utilisé de façon locale. L’application de ce type de méthode sur des structures de grandes dimensions requiert l’utilisation de techniques de calcul parallèles. La procédure de parallélisation nécessite alors la décompositions en deux domaines : un pour la partie structurée du maillage et un autre pour la partie déstructurée. Cette méthode a été appliquée à l’étude d’antennes monopoles installées sur un avion [47].

Enfin, une approche MS-DDM22 a récemment été proposée offrant ainsi la possibilité

de combiner plusieurs méthodes afin de résoudre efficacement des problèmes complexes d’antennes sur plate-forme [48,49]. La stratégie employée dans la MS-DDM repose avant tout sur la décomposition du domaine de simulation initial en différentes sous- régions sur la base des propriétés locales des matériaux ainsi que sur les caractéristiques géométriques. Ensuite, chaque sous-domaine est simulé par la méthode rigoureuse la plus adaptée. Un des apports majeur de ces travaux concerne la possibilité de traiter des régions qui ne sont pas forcément bien séparées. Dans [49] les auteurs illustrent les possibilités de cette méthode en calculant notamment le diagramme de rayonnement à 10 GHz d’une antenne radar positionnée sur un avion de combat en utilisant uniquement une station de calcul standard.

Les approches multisolvers basées sur de la décomposition de domaine offrent un ou- til très intéressant pour l’étude rigoureuse d’antennes placées sur des porteurs complexes en relevant la majorité des contraintes énoncées au paragraphes 1.2. De plus, comme l’illustrent les références données dans ce paragraphe, ces méthodes s’avèrent particulièrement adap-

19. Finite Element - Boundary Integral 20. Generalized Scattering Matrix

21. Finite Element Time Domain - Finite Difference Time Domain 22. Multi-Solver Domain Decomposition Method

1.4. MÉTHODES ASYMPTOTIQUES 19 tées au contexte CEM du couplage entre antennes car elles permettent de prendre rigoureu- sement en compte les différents éléments complexes (typiquement les antennes) position- nés sur le porteur. Cependant, malgré les techniques employées pour réduire les ressources informatiques nécessaires, ces approches restent relativement coûteuses.

1.3.2.5 Conclusion partielle sur les DDM

L’utilisation d’une approche multidomaine, dans le cadre de la résolution rigoureuse d’un problème électromagnétique d’antennes sur plate-forme, offre un degré de liberté permet- tant d’augmenter l’efficacité ainsi que la précision de la résolution. Ainsi, en abordant le pro- blème initial comme une multitude de sous-problèmes nécessitant des niveaux de résolution différents, elle permet de gérer plus efficacement son caractère multiéchelle. Plus encore, cette approche permet d’envisager le recours à différentes méthodes pour modéliser chaque sous-problème avec la méthode la plus adaptée.