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Chapitre 2 Etude bibliographique : la flore microbienne associée aux constructions en

2.2. Méthodes d’évaluation et de caractérisation des flores environnementales

2.2.3. Méthodes d’analyses des communautés microbiennes

2.2.3.1. Méthodes phénotypiques

Depuis le début des observations des microorganismes par microscopie au XVIIème siècle, les approches d’identification des microorganismes par leurs morphotypes macroscopique et microscopique ont largement été utilisées. La principale méthode a consisté en l’isolement des microorganismes sur milieux nutritifs. L’identification morphologique des isolats est particulièrement importante dans le cas des champignons. Les caractéristiques phénotypiques des bactéries ne sont pas toujours suffisantes pour une identification précise, mais l’isolement reste nécessaire pour effectuer d’autres analyses. Le milieu de culture doit donc contenir les nutriments nécessaires pour le développement des microorganismes à isoler. Suivant les espèces de microorganismes, les nutriments essentiels à leur croissance peuvent être différents, permettant d’isoler spécifiquement certains microorganismes en ajustant la composition des milieux.

- Il existe des milieux non sélectifs, ne contenant pas de molécule inhibitrice. Ces milieux de culture peuvent être dits riches lorsqu’ils contiennent de nombreux nutriments, convenant à l’isolement des microorganismes à croissance rapide. D’autres milieux sont pauvres en nutriments, ralentissant alors la vitesse de croissance des microorganismes isolés, et permettant à ceux à faible vitesse de croissance de ne pas être occultés par ceux qui se développent rapidement.

- A l’inverse, les milieux dits sélectifs contiennent des substances chimiques capables d’inhiber le développement de certains microorganismes.

- Enfin, certains genres bactériens et fongiques possèdent des conditions de croissance très particulières (besoin de certains nutriments précis, pH du milieu, etc.) et sont donc cultivés sur des milieux dits spécifiques.

Une fois les isolats obtenus, d’autres milieux peuvent être utilisés pour permettre une meilleure identification en permettant une différenciation de certains genres voir espèces. Ainsi, il est alors possible de les trier selon différents critères, comme leurs caractéristiques morphologiques (couleur, forme de cellules, etc.), nutritives (croissance sur milieux sélectifs/spécifiques) ou métaboliques (détection d’activités enzymatiques spécifiques, dégradation de sucres, etc.). Dans le cas des bactéries, la coloration de Gram permet d’identifier le type de paroi des cellules présentes ainsi que de bien définir la forme des cellules. Chez les champignons, l’identification des conidiophores après coloration au bleu coton est principalement utilisée pour discriminer les différents genres et espèces. Grâce à

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l’isolement de cellules sur milieu de culture, cette approche peut donc être à la fois quantitative et/ou qualitative.

Dans le cas des études de la flore microbienne sur les matériaux de construction et au sein des bâtiments, différents milieux de culture peuvent être utilisés (voir Tableau 2.1). L’un des principaux milieux utilisés pour l’isolement de champignons est le milieu MEA. Il permet le développement de la plupart des champignons mésophiles, et plus particulièrement des levures et moisissures. Cependant, certains champignons potentiellement toxiques comme Chaetomium, Stachybotrys ou Trichoderma ne sont que peu/pas isolés sur ce milieu (Andersen et al., 2011). Dans le milieu DG18, l’ajout de glycérol permet de diminuer l’activité de l’eau (aw) du milieu c’est-à-dire l’eau disponible pour les réactions biochimiques, rendant ainsi le milieu de culture plus favorable à la croissance de champignons xérophiles comme Wallemia ou Eurotium. D’autres milieux non sélectifs (de Sabouraud, V8, PDA) permettent la croissance de nombreuses espèces de champignons, sans pour autant être toujours adaptés pour l’identification des isolats. Pour ce qui est des bactéries, le milieu de culture essentiellement utilisé est le milieu TSA, qui permet la croissance d’un large spectre de bactéries aérobies. Il existe également d’autres milieux non sélectifs pour l’isolement des bactéries de certaines environnements, comme les milieux R2A (eau potable) ou PCA (produits alimentaires, pharmaceutiques et cosmétiques).

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Tableau 2.1 : Liste des milieuxde culture couramment utilisés pour l’isolement de microorganismes dans les intérieurs de bâtiments.

Champignons

Type de

milieu Utilisation Références

MEA Milieu pour l'isolement des champignons mésophiles

(Andersson et al., 1997; Beguin and Nolard, 1994; Chao et al., 2002; Gutarowska, 2010; Hyvärinen et al., 2001; Pastuszka et al., 2000; Pitkäranta et al., 2008; Reboux et al., 2009; Reenen-Hoekstra et al., 1991; Samson et al., 2010; Shelton et al., 2002; Toivola et al., 2002)

DG18 Milieu pour l'isolement des champignons xérophiles

(Andersson et al., 1997; Chao et al., 2002; Hyvärinen et al., 2001; Pitkäranta et al., 2008; Reboux et al., 2009; Reenen-Hoekstra et al., 1991; Takahashi, 1997; Toivola et al., 2002)

de Sabouraud Milieu d'isolement non sélectif (Cooley et al., 1998; Santucci et al., 2007)

V8

Milieu favorisant la sporulation. Ne permet pas la croissance de champignons xérophiles

(Andersen et al., 2011; Gravesen et al., 1999; Samson et al., 2010)

PDA

Milieu pour l'isolement de levures et moisissures. Favorise les champignons phytopathogènes et la sporulation

(Takahashi, 1997)

Bactéries

TSA Milieu non sélectif (Andersson et al., 1997; Bouillard et al., 2005;

Pastuszka et al., 2000)

Bien qu’ils soient largement utilisés pour l’isolement de microorganismes, les milieux de culture présentent toutefois de nombreuses limites. Tout d’abord, les résultats par culture ne sont qu’une indication de la flore à un instant précis. Il est donc nécessaire de faire plusieurs prélèvements à différents temps et d’enregistrer les différents paramètres pouvant impacter les communautés microbiennes (température, humidité, présence humaine, etc.). La qualité du prélèvement d’air ou de surface influence également de manière importante la représentativité des isolats obtenus (Reboux et al., 2009). De plus, les milieux de culture ne permettent pas la croissance de la totalité des germes viables présents et la flore observée sur un type de milieu de culture donné sera forcément biaisée par la composition de celui-ci (Takahashi, 1997). L’identification après culture ne permet d’obtenir en réalité qu’une faible fraction des espèces présentes dans l’environnement. Certains microorganismes possèdent des cycles de croissance lents, et nécessiteraient également une importante quantité de milieu (Pasanen, 2001; Wu et al., 2000). De plus, une partie des champignons isolés peut se développer sous forme de mycélium stérile sans production de spores, compliquant grandement leur identification. La

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contrainte la plus importante de l’approche par culture est qu’elle ne permet de visualiser que les flores viables et cultivables, et ne détecte pas les microorganismes non cultivables ou partiellement altérés. Pourtant, la majorité des microorganismes sont viables / non cultivables (Amann et al., 1995; Fabian et al., 2005). Par exemple, la part de champignons cultivables dans l’air est estimée entre 1 à 40 % suivant les types d’organismes présents et les environnements étudiés (Niemeier et al., 2006; Peccia and Hernandez, 2006). Dans le cas des bactéries, la proportion de cellules viables/cultivables est encore plus faible. Par exemple, seulement 1 % des bactéries observables du sol sont ensuite isolées par culture (Amann et al., 1995; Skinner et al., 1952) et, malgré l’amélioration des milieux de culture spécifiques à certains environnements comme la terre, cette optimisation reste très fastidieuse et n’est pas suffisante pour atteindre la diversité microbienne réelle (Davis et al., 2005). En comparant les microorganismes présents dans l’air et observés par microscopie avec ceux retrouvés par culture, Radosevich et al. (2002) estiment que seulement 0,08 % des microorganismes observés sont ensuite isolés. L’étude par culture est de plus limitée pour certaines catégories taxonomiques, comme par exemple pour les Basidiomycètes (Bridge and Spooner, 2001). De la même manière, les bactéries à Gram négatif sont moins fréquemment viables / cultivables que les bactéries à Gram positif (sensibilité à la dessiccation, etc.), ce qui conduit à une surreprésentation de ces dernières, en particulier celles appartenant aux Firmicutes (Rintala et al., 2012). Enfin, bien que mortes, certaines cellules et spores d’espèces comme Stachybotrys contiennent toujours des molécules actives (allergènes, mycotoxines) et peuvent toujours être présentes dans l’air, sans pour autant être détectées (Jarvis and Miller, 2005).

Les approches culturales permettent l’isolement d’une partie des microorganismes présents dans l’environnement étudié, et ainsi de les caractériser et les identifier en interrogeant des banques de données. Par exemple, il est possible de surveiller les flores de locaux, notamment en comparant différents temps de prélèvements (T0 et T1) avec une même méthode. De plus, l’isolement permet de pouvoir réutiliser les microorganismes obtenus pour des analyses autres qu’une identification (suivi épidémiologique). Cependant, l’utilisation de milieux de culture n’est pas suffisante pour des approches quantitatives et qualitatives précises, car elle conduit à une sous-estimation de la densité et de la diversité microbiennes (Hawksworth, 2001). L’étude de la flore intérieure de bâtiments par culture peut parfois être complétée par microscopie (Chew et al., 2006; Fabian et al., 2005), ce qui permet une meilleure estimation de la concentration microbienne dans l’air. Toutefois, la microscopie ne permet pas pour autant une identification complète des communautés, à cause de morphotypes

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fortement similaires entre certaines espèces. D’autres méthodes ont donc été mises en place pour palier à certaines limites des méthodes par culture.

2.2.3.2. Méthodes d’identification par détection des composés