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Chapitre 2 Etude bibliographique : la flore microbienne associée aux constructions en

2.4. Biocontrôle de la prolifération fongique

Comme présenté précédemment, lorsqu’elle survient à l’intérieur des habitats, la prolifération fongique peut conduire à des risques importants pour la santé des occupants, à travers diverses pathologies respiratoires (World Health Organization, 2009). Mais elle affecte également d’autres domaines. Elle est à l’origine d’importants gaspillages alimentaires dus à la détérioration des denrées, de l’ordre de 5 à 10% de la production mondiale de certains aliments (produits laitiers, pain, etc.) (Pitt and Hocking, 2009). La production de toxines sur les aliments ou dans les stocks de céréales par ces champignons peut avoir des impacts sanitaires. Ces dégâts peuvent aussi intervenir directement au niveau des champs agricoles avec la prolifération des moisissures phytopathogènes sur les cultures. Différents moyens de lutte sont utilisés contre ce problème, avec principalement l’utilisation de fongicides chimiques. Par exemple, dans le domaine de l’agroalimentaire, différents additifs chimiques sont utilisés comme conservateurs contre les champignons, comme par exemple l’acide benzoïque, le benzoate de sodium ou certains antifongiques (Davidson et al., 2013). Cependant, ces méthodes conduisent à des phénomènes de résistance et, dans le cas des fongicides utilisés sur les sols, comportent parfois des risques environnementaux et sanitaires multiples (toxicité résiduelle, etc.). D’autres techniques sont donc étudiées pour trouver des alternatives. Parmi elles, le développement des approches de biopréservation ou de biocontrôle est une piste intéressante. Le principe de cette technique est de limiter la prolifération des champignons à l’aide de microorganismes non-nocifs et aux propriétés antifongiques (Leyva Salas et al., 2017; Oliveira et al., 2014).

Différents microorganismes d’intérêt et mécanismes de lutte ont ainsi été mis en évidence. Les principales espèces impliquées dans les développements fongiques sur une grande variété d’aliments sont Penicillium et Aspergillus, tandis que Fusarium concerne les stocks de grains de céréales (Filtenborg et al., 1996). Afin de lutter contre ces moisissures, des bactéries lactiques peuvent être utilisées (Schnürer and Magnusson, 2005; Stiles, 1996). En effet, ce type de bactéries produit de nombreux composés antimicrobiens, comme le peroxyde d’hydrogène ou des acides organiques (lactique, acétique, formique, propionique) qui conduisent à une diminution du pH du milieu, le rendant ainsi moins favorables à d’autres

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microorganismes (Lindgren and Dobrogosz, 1990). Au niveau des cultures, il est possible d’utiliser des bactéries naturellement présentes dans le sol comme antagonistes aux organismes nocifs. Ces bactéries peuvent affecter négativement la croissance des phytopathogènes, et jouent ainsi un rôle essentiel dans l’élimination des maladies des plantes (Weller et al., 2002; Whipps, 2001). Plusieurs mécanismes d’actions sont mis en place (Haas and Défago, 2005; Handelsman and Stabb, 1996; Walker et al., 2003) : i) inhibition de la croissance du pathogène, ii) compétition dans la colonisation du site et des sources nutritives, iii) parasitisme et iv) mycophagie.

Concernant les aspects d’inhibition de croissance, certaines bactéries du sol produisent de nombreux métabolites antifongiques, comme des toxines, des bio-surfactants et des COV (Raaijmakers et al., 2002). Ceux-ci sont particulièrement étudiés en biocontrôle. Ils regroupent des molécules pouvant avoir un effet négatif, mais parfois positif, sur la croissance d’autres organismes, champignons ou plantes (Wheatley, 2002). Ainsi, les COV émis par des bactéries du sol peuvent avoir un impact sur certaines moisissures phytopathogènes (Alternaria, Aspergillus, Botrytis, Colletotrichum, Fusarium, Geotrichum, Paecilomyces, Pythium, Rhizoctonia, Sclerotinia, Trichoderma, Verticillium, etc.) (Chaurasia et al., 2005; Kai et al., 2007; Zheng et al., 2013). La production de métabolites bactériens volatils à potentiel antifongique a été déterminée chez de nombreuses espèces bactériennes. Celles-ci appartiennent principalement aux genres Agrobacterium, Alcaligenes, Bacillus, Burkholderia, Ensifer, Lysobacter, Pectobacterium, Planomicrobium, Pseudomonas, Serratia, Sporosarcina, Stenotrophomonas et Xanthomonas (Kai et al., 2009). Par exemple, un effet antifongique par production de COV a été mis en évidence pour des souches de Stenotrophomonas (maltophilia, rizophila), Serratia odoriferia, de Pseudomonas (fluorescens et trivialis), et de Bacillus subtilis sur le champignon pathogène Rhizoctonia solani (Kai et al., 2007). Dans leur étude, Senol et al (2014) ont recherché un effet antifongique de 158 isolats bactériens contre Fusarium culmorum, un pathogène des légumes. Certains isolats de Bacillus megaterium (10/46), subtilis (8/21), pumilus (6/19), de Pseudomonas fluorescens (2/15), putida (3/15), de Paenibacillus macerans (1/11) et Pantoea agglomerans (1/10) ont limité la croissance du champignon in vitro. Tous les isolats d’une même espèce ne semblent donc pas avoir les mêmes propriétés en terme de biocontrôle, d’où la nécessité de tester chaque isolat indépendamment.

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La recherche d’activités antifongiques chez les bactéries peut être effectuée suivant différentes méthodes. La méthode en double-couche permet d’évaluer une activité antifongique de contact. Une première gélose est ensemencée en spot ou en strie avec la bactérie d’intérêt, puis après le développement de cette souche, la gélose est recouverte par un second milieu semi-gélosé contenant des spores fongiques. Des halos d’inhibition de la croissance du champignon sont alors observés autour des colonies bactériennes si celles-ci présentent une activité antagoniste (Magnusson et al., 2003; Prema et al., 2010). Il est également possible d’évaluer l’effet antifongique en milieu liquide. Le surnageant de la culture bactérienne d’intérêt est mélangé à un milieu de culture et à des spores fongiques. Après incubation, la DO est mesurée pour évaluer la croissance des champignons et donc l’impact des composés produits par les bactéries. Dans le cas de l’étude des inhibitions de croissance par production de COV, la bactérie d’intérêt et le champignon sont mis en culture dans une même boîte mais dans deux compartiments séparés. Les molécules volatiles éventuellement produites par la bactérie lors de sa croissance peuvent donc entrer en contact avec le mycélium fongique et ainsi altérer son développement. Des techniques de chromatographie en phase gazeuse et de spectrométrie de masse peuvent être utilisées pour mettre en évidence ces productions de COV (Kai et al., 2007; Wilkins, 1996; Zheng et al., 2013).

Le biocontrôle / biopréservation est donc une approche qui revêt de nombreux intérêts pour limiter la prolifération fongique. L’utilisation de souches non pathogènes pour l’homme afin de lutter contre les organismes nocifs offre une solution avec un faible impact environnemental et sanitaire. Dans la mesure où les matériaux en terre crue sont des matériaux de construction issus du sol et donc plus riches en minéraux et en nutriments que ceux utilisés conventionnellement, il est envisageable de transférer ce concept à ces supports.

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