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Impacts de la détérioration de la qualité de l’air intérieur par les microorganismes sur la santé

Chapitre 2 Etude bibliographique : la flore microbienne associée aux constructions en

2.3. Etude des flores environnementales

2.3.3. Qualité de l’air et impacts sanitaires

2.3.3.4. Impacts de la détérioration de la qualité de l’air intérieur par les microorganismes sur la santé

Les problématiques liées à la croissance de moisissures et de bactéries à l’intérieur des bâtiments sont actuellement un enjeu sanitaire majeur. En 2009, l’Organisation Mondiale de la Santé a émis un rapport établissant que les preuves épidémiologiques étaient suffisantes pour établir une corrélation entre l’occupation d’un bâtiment humide et/ou avec présence de moisissures et le développement de problèmes respiratoires, d’asthme, d’allergies ou d’infections (World Health Organization, 2009). Plusieurs études soutiennent ce lien positif entre les expositions aux champignons et l’apparition de pathologies respiratoires chez les occupants (Brunekreef et al., 1989; Clark et al., 2004; Garrett et al., 1998; Mendell et al., 2011). Comme présenté précédemment, l’humidité a une influence capitale sur la croissance, ce qui conduit à une forte corrélation entre l’humidité présente dans le bâtiment et les risques pour la santé des habitants (Fisk et al., 2007; Jacobs et al., 2014; Mendell et al., 2011). Par exemple, dans leur étude sur les logements en milieu rural en France, Hulin et al. (2013) mettent en avant une association entre l’indice de contamination fongique, déterminé par la présence visuelle de mycélium ou la détection de COV dans l’air, et le développement de maladies respiratoires. Dans leur méta-analyse, Mendell et al. ont comparé 17 travaux sur l’exposition fongique et l’asthme (2011). Les auteurs ont finalement établi une corrélation entre développement de l’asthme et forte humidité intérieure / présence de moisissures. Il est donc établi qu’une forte humidité, conduisant au développement de moisissures dans le bâtiment et au relargage de composés fongiques nocifs, provoque des maladies respiratoires (Baxi et al., 2016).

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Plusieurs types de composés sont relargués lors de la croissance des moisissures. Les fragments de mycélium ou les spores comportent des composés pariétaux, comme les bêta (1- 3)-glucanes. Certaines espèces fongiques produisent lors de leur développement des métabolites spécifiques pouvant avoir des effets cytotoxiques et immunotoxiques, nommés mycotoxines (Robbins et al., 2000). Celles-ci sont détectées dans les spores fongiques, le mycélium, le support de prolifération du champignon ou dans les poussières environnantes. Enfin, des composés organiques volatils d’origine microbienne (mCOV) sont spécifiquement émis au cours de la prolifération fongique.

Si les occupants sont soumis à une inhalation de ces particules et molécules, plusieurs pathologies respiratoires peuvent alors être induites. Trois principaux types de réactions peuvent être distingués : i) les réactions allergiques, ii) les effets irritatifs et toxiques et iii) les effets infectieux (ASEF, 2012).

Le développement d’allergies est un phénomène largement répandu. Les allergies causées par les plantes, les animaux et les champignons touchent plus de 30% de la population dans les pays industrialisés (Crameri et al., 2014). Dans le cas uniquement des allergies aux champignons, on estime qu’entre 3 et 10 % de la population globale seraient sensibles aux espèces fongiques (Horner et al., 1995). L’exposition aux allergènes relargués lors de la prolifération des moisissures (spores, composés pariétaux, COV, mycotoxines, etc.) peut provoquer l’apparition d’allergies, pouvant aller jusqu’à des réponses inflammatoires (asthme), voire des pathologies plus graves (par ex. Aspergillose broncho-pulmonaire allergique) (Douwes et al., 2003; Ege et al., 2011; Fisk et al., 2007; Verhoeff and Burge, 1997; Verhoeff et al., 1995). Les phénomènes allergiques et asthmatiques liés aux moisissures peuvent apparaître aussi bien chez l’enfant (Jaakkola et al., 2010) que chez l’adulte (Karvala et al., 2010).

L’inhalation de certains composés fongiques produits dans l’habitat peut également conduire à des irritations et des toxi-infections (Bornehag et al., 2004; Dales et al., 1991; Husman, 1996; Peat et al., 1998; Peltola et al., 2001; Samson et al., 1994; Verhoeff and Burge, 1997). Les effets irritatifs peuvent concerner la muqueuse oculaire, nasale, bronchique et également la peau. Les symptômes cliniques les plus fréquents sont donc les rhino- conjonctivites, les irritations de l’oropharynx, les congestions nasales et les démangeaisons. Les bêta (1-3)-glucanes possèdent des propriétés pro-inflammatoires et sont impliqués dans de problèmes respiratoires chez les occupants. Les mycotoxines sont également responsables

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d’inflammations des muqueuses nasales et oculaires et d’effets cytotoxiques (Miller et al., 2010; Rand et al., 2005, 2010; Robbins et al., 2000; Tuomi et al., 2000).

Enfin, dans certains cas, la prolifération des moisissures à l’intérieur de l’habitat peut conduire à des infections chez les occupants (Baxi et al., 2016). Par exemple, les sujets immunodéprimés peuvent développer des aspergilloses pulmonaires invasives. De plus, les mycotoxines peuvent altérer l’intégrité de la structure de l’épithélium pulmonaire, pouvant conduire à une colonisation par les moisissures des cavités alvéolaires. Elles peuvent alors faciliter les infections fongiques sur les personnes immunodéprimées ou faciliter des infections secondaires par leurs effets immunosuppresseurs.

Certains genres et espèces fongiques ont des impacts plus importants que d’autres dans les risques sur la santé des occupants. Les genres majoritairement impliqués dans les problèmes sanitaires sont Alternaria, Aspergillus, Chaetomium, Cladosporium, Fusarium, Penicillium, Stachybotrys, Ulocladium et Trichoderma (Andersen et al., 2011; Andersson et al., 1997; Jarvis, 2003; Mitchell et al., 2007; Nielsen et al., 1998b; Reboux et al., 2009; Tuomi et al., 2000). Dans leurs travaux, Simon-Nobbe et al. (2008) ont reporté près de 150 espèces fongiques allergisantes(Simon-Nobbe et al., 2008)(Simon-Nobbe et al., 2008)(Simon-Nobbe et al., 2008, p.)(Simon-Nobbe et al., 2008)[479, p.]. Certaines espèces d’Alternaria, d’Aspergillus, de Candida, de Cladosporium, d’Epicoccum, de Penicillium et de Phoma sont majoritairement associées à des productions d’allergènes (Simon-Nobbe et al., 2008; Vijay et al., 2005). Par exemple, Aspergillus fumigatus provoque chez l’adulte des réponses de type asthme avec des formes sévères et persistantes (Knutsen et al., 2012). Alternaria a été aussi décrit comme responsable d’asthmes sévères (O’Hollaren et al., 1991). Les spores de Trichoderma contiennent de grandes quantités de glucanes fongiques et de molécules actives (McMullin et al., 2017). De même, il a été démontré que Chaetomium sp. produisait de nombreux métabolites secondaires dans les environnements intérieurs, avec un risque pour les habitants (Došen et al., 2017). Stachybotrys produit plusieurs mycotoxines, et notamment des hémolysines, ce qui en fait un genre important à surveiller pour des raisons sanitaires (Hossain et al., 2004). Les pathologies développées suite à une exposition à la prolifération fongique peuvent donc variées (Jarvis and Morey, 2001; Lee, 2003), car causées par des flores fongiques diverses (Gravesen et al., 1999; Hyvärinen et al., 2002).

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En ce qui concerne les bactéries, les effets néfastes sur la santé sont similaires à ceux évoqués pour les champignons. Le relargage de composés pariétaux de certaines bactéries dans l’air, ou la production de toxines, sont des causes potentielles de maladies respiratoires, d’intoxications voir d’infections (Douwes et al., 2003; Falkinham, 2009; Fields et al., 2002; Huttunen et al., 2003; Jussila et al., 2002). Les bactéries à Gram négatif sont les plus impliquées dans les problèmes d’air intérieur, principalement à travers le relargage dans l’air des endotoxines (Rylander, 1995, 2002). Les endotoxines correspondent aux lipopolysaccharides associés à la membrane externe, et ces composants sont donc spécifiques aux bactéries à Gram négatif. L’exposition à de fortes concentrations d’endotoxines peut alors provoquer une inflammation des muqueuses respiratoires et faire développer un syndrome de type grippal (« pneumonie toxique ») (Liebers et al., 2008). D’autres types de bactéries peuvent également intervenir dans la dégradation de la qualité de l’air, comme les mycobactéries (Torvinen et al., 2006) et les Streptomyces (Rintala et al., 2002, 2004).

La biodiversité microbienne semble également être un facteur impliqué dans les maladies allergiques. En comparant le développement de pathologies respiratoires entre des enfants habitant dans des régions ayant une forte diversité bactérienne (principalement environnement rural) à d’autres habitants dans des régions à faible biodiversité (principalement environnement urbain), ceux exposés à une grande diversité présentaient moins de problèmes de santé par la suite (Hanski et al., 2012; Ruokolainen et al., 2015). En effectuant des prélèvements sur 198 maisons d’enfants asthmatiques dans le sud de la Nouvelle-Angleterre, Dannemiller et al. (2016b) ont pu relier la richesse et la composition des communautés microbiennes à de nombreux facteurs comme la présence de fuites d’eau, le niveau d’urbanisation, la présence d’air conditionné ou encore la présence d’animaux. D’une manière générale, plus que la détection de certaines espèces, c’est la mesure d’une faible diversité fongique et/ou dominance d’une espèce dans l’air et les poussières qui favoriserait le développement d’asthme, notamment chez l’enfant (Dannemiller et al., 2014a; Ege et al., 2011).

Ces problèmes de santé représentent un impact sanitaire et économique élevé à travers le monde (Gutarowska and Piotrowska, 2007; Mudarri and Fisk, 2007). Le coût annuel des pathologies causées par une mauvaise qualité de l’air intérieur est estimée à 3,5 millions de

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dollars (ASEF, 2012). Il est donc nécessaire de pouvoir évaluer la présence des microorganismes potentiellement pathogènes au sein des habitats, et de développer des solutions pour prévenir ou lutter contre le développement de ces organismes.