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Chapitre 2 Etude bibliographique : la flore microbienne associée aux constructions en

2.3. Etude des flores environnementales

2.3.2.3. Flore microbienne dans les habitats humides

Sous certaines circonstances, il est possible que les bâtiments subissent des dégâts des eaux, causés par une fuite d’eau par le toit, une plomberie défectueuse, ou une forte condensation, entrainant alors une humidité intérieure très élevée et incontrôlée (Gravesen et al., 1999). Les phénomènes de moisissures dans les locaux apparaissent très souvent suite à ces accidents, avec des symptômes reconnaissables (odeurs de moisi, moisissures apparentes) présentant des risques sanitaires pour les occupants (Mendell et al., 2011). C’est pourquoi de nombreuses études ont cherché à caractériser les flores bactériennes et surtout fongiques se développant en conditions de forte humidité dans le bâtiment.

L’humidité est un facteur primordial induisant le passage des microorganismes en phase active de multiplication. Une humidité croissante conduit à une augmentation de leur concentration et de leur richesse à la surface des matériaux de construction (Andersson et al., 1997; Boutin-Forzano et al., 2004; Santucci et al., 2007) et dans les poussières du sol des habitations (Dannemiller et al., 2014a, 2016b; Kettleson et al., 2015; Pitkäranta et al., 2011). Dans le cas des bactéries, Kettleson et al. (2015) n’ont pas observé de modification de la richesse ou de la diversité de ces communautés dans les bâtiments ayant subi des dégâts des eaux. L’absence de corrélation entre l’augmentation de l’abondance de la flore fongique et la flore bactérienne peut être expliquée par le fait que le développement des champignons nécessite une activité de l’eau aw moins haute que pour les bactéries (Pastuszka et al., 2000). A l’inverse, d’autres études ont montré que certains taxons bactériens étaient détectés de manière plus importante dans les maisons fortement humides que dans les maisons saines (Kettleson et al., 2013; Rintala et al., 2004). D’autres paramètres, comme les conditions d’humidité et le type de matériau, peuvent rendre certains champignons plus invasifs que d’autres (Nielsen et al., 2004; Pasanen et al., 1992a). Cette modification de la flore intérieure perdure dans le temps, les communautés bactériennes et fongiques restant toujours altérées suite aux dégâts des eaux même après une réhabilitation du bâtiment (élimination des traces visibles du dégât des eaux, retour à une humidité relative intérieure intermédiaire) (Emerson et al., 2015). Cette subsistance des microorganismes associés aux dégâts des eaux présente alors un risque de re-prolifération si des conditions favorables sont de nouveau rencontrées.

Différents taxons bactériens et fongiques ont été détectés dans les bâtiments ayant subi des dégâts des eaux (Tableau 2.6). En utilisant des approches par culture, il a été montré que les genres Penicillium et Aspergillus sont les plus associés à un excès d’humidité dans le

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bâtiment, et en particulier les espèces Penicillium chrysogenum et Aspergillus versicolor (Andersen et al., 2011; Andersson et al., 1997; Gravesen et al., 1999; Niemeier et al., 2006; Reboux et al., 2009). En plus de ces deux genres, d’autres champignons filamenteux comme Alternaria, Chaetomium, Cladosporium et Stachybotrys sont également régulièrement détectés dans ces environnements. Les approches de biologie moléculaire ont confirmé l’abondance majoritaire des genres Penicillium et Aspergillus dans les bâtiments ayant subi des dégâts des eaux (An and Yamamoto, 2016; Dannemiller et al., 2017; Emerson et al., 2015).

Tableau 2.6 : Principaux taxons microbiens détectés dans différents environnements de l’habitat intérieur humide (air, poussières, surfaces) définis selon la littérature.

Environnement Méthode de

prélèvement

Méthode

d'identification Principaux taxons détectés Références

Champignons

Air intérieur

Classes d'écoles Aerobiocollecteur 2

étages Culture

Dothideomycetes (Cladosporium, Alternaria),

Eurotiomycetes (Penicillium, Aspergillus) (Cooley et al., 1998) Habitations Aerocollecteur par impaction Culture

Eurotiomycetes (Penicillium, Dothideomycetes (Alternaria alternata, Cladosporium cladosporoides), Mucoromycotina (Absidia)

(Pastuszka et al., 2000) Habitations Aerocollecteur Culture Eurotiomycetes (Aspergillus, Penicillium),

Dothideomycetes (Cladosporium) (Niemeier et al., 2006) Habitations Collecteur impacteur Culture Eurotiomycetes (Penicillium, Aspergillus versicolor),

Dothideomycetes (Cladosporium), Levures (Reboux et al., 2009)

Poussières

Bureaux Aspirateur Culture

Eurotiomycetes (Penicillium, Aspergillus), Sordariomycetes (Chaetomium, Stachybotrys), Dothideomycetes (Ulocladium, Cladosporium)

(Chao et al., 2002) Habitations Aspirateur Culture

Eurotiomycetes (Aspergillus, Penicillium), Dothideomycetes (Cladosporium, Alternaria), Sordariomycetes (Fusarium), Mucoromycotina (Mucor)

(Niemeier et al., 2006) Bureaux Aspirateur Séquençage Sanger Eurotiomycetes (Penicillium), Dothideomycetes (Cladosporium) (Pitkäranta et al., 2011) Habitations Sédimentation dans

une boîte de Petri Séquençage Illumina

Eurotiomycetes (Penicillium), Dothideomycetes

(Cladosporium) (Emerson et al., 2015) Habitations Fragments de tapis +

Aspirateur Séquençage Illumina

Eurotiomycetes (Aspergillus, Penicillium), Wallemiomycetes (Wallemia)

(Dannemiller et al., 2017)

Surfaces du bâtiment

Garderie Echantillonnage par

fragments Culture

Sordariomycetes (Stachybotrys chartarum, Chaetomium globosum), Eurotiomycetes (Penicillium, Aspergillus versicolor, Paecilomyces variotii), Dothideomycetes (Cladosporium herbarum et sphaerospermum), Mucoromycotina(Mucor)

(Andersson et al., 1997)

Bâtiments publics (écoles, garderies, etc.)

Géloses contact,

Adhésif Culture

Eurotiomycetes (Penicillium, Aspergillus),

Sordariomycetes (Chaetomium, Stachybotrys chartarum), Dothideomycetes (Ulocladium)

(Gravesen et al., 1999) Habitations Ecouvillons Culture Eurotiomycetes (Aspergillus, Penicillium), Dothideomycetes (Cladosporium) (Niemeier et al., 2006) Habitations Ecouvillons Culture Eurotiomycetes (Penicillium, Aspergillus versicolor),

Dothideomycetes (Cladosporium), Levures, (Reboux et al., 2009) Habitations, bâtiments

publics Géloses contact Culture

Eurotiomycetes (Penicillium chrysogenum, Aspergillus versicolor), Sordariomycetes (Chaetomium,

Acremonium), Dothideomycetes (Ulocladium, Cladosporium sphaerospermum)

(Andersen et al., 2011)

Habitations Ecouvillons Séquençage Illumina

Dothideomycetes (Cladosporium, Alternaria, Crivellia), Microbotryomycetes (Rhodotorula), Tremellomycetes (Cryptococcus), Eurotiomycetes (Aspergillus)

(An and Yamamoto, 2016)

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Environnement Méthode de

prélèvement

Méthode

d'identification Principaux taxons détectés Références

Bactéries

Poussières

Habitations Sédimentation dans

une boîte de Petri Séquençage Illumina

ϒ-proteobacteria (Moraxellaceae, Pseudomonadaceae,

Enterobacteriaceae) (Emerson et al., 2015)

Surfaces du bâtiment

Garderie Echantillonnage par

fragments Culture

α-proteobacteria (Agrobacterium, Caulobacter), Actinobacteria (Mycobacterium, Arthrobacter, Streptomyces, Micrococcus), Bacilli (Paenibacillus, Bacillus pumilus et amyloliquefaciens)

(Andersson et al., 1997)

Tout comme dans le cas le cas des environnements intérieurs sains, certaines études ont établi des corrélations entre la localisation du prélèvement (sol, murs, type de pièce, etc.) et la flore microbienne présente dans les bâtiments fortement humides (Bellanger et al., 2009; Reboux et al., 2009; Santucci et al., 2007). En plus de cette variabilité locale, le type de matériau étudié joue également un rôle important dans la composition de la flore fongique qui s’y développe en condition humide (An and Yamamoto, 2016; Andersen et al., 2011; Andersson et al., 1997; Doll, 2002; Hyvärinen et al., 2002; Pasanen et al., 1992a). Dans leur étude, Andersen et al. (2011) ont montré que des matériaux comme le plâtre ou le papier peint sont favorables au développement d’Acremonium, Penicillium chrysogenum, Stachybotrys, Ulocladium, et pas d’Aspergillus niger. Dans le cas du bois ou du contreplaqué, la prolifération d’Arthrinium phaeospermum, Aureobasidium pullulans, Cladosporium herbarum, Trichoderma et de levures a pu être observée. Ces résultats ont été confirmés dans d’autres études (Paic Lacaze, 2016). Enfin, les flores se développant sur les bétons humides appartiennent aux genres Aspergillus, Chaetomium, Mucor et Penicillium, qui sont des flores souvent détectées dans les poussières et le sol. Cela suggère que ces champignons seraient apportés par la saleté et, en étant capables de supporter les conditions modérément alcalines du béton carbonaté, seraient capables de se développer à la surface de celui-ci quand les conditions d’humidité le permettent. D’une manière générale Penicillium est le genre le plus retrouvé, quel que soit le matériau, tandis que le genre Aspergillus est souvent détecté sur des matériaux céramiques (béton, plâtre, etc.), sur les peintures et sur les colles. Le genre Stachybotrys est fortement présent sur les plâtres humides, en particulier les espèces S. chartarum et S. chlorohalonata (Andersen et al., 2003). D’autres genres fongiques, comme Acremonium (A. strictum), Chaetomium (C. globosum) et Trichoderma (T. harzianum), peuvent, dans une moindre mesure, proliférer en condition de forte humidité. Enfin, les zones du matériau de construction où le mycélium fongique est visible présentent très souvent une diversité fongique plus faible (An and Yamamoto, 2016). Le développement important d’un

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champignon conduirait en partie à la monopolisation des ressources de l’écosystème par ce champignon, diminuant de fait la présence ou la détection d’une partie des flores minoritaires. Toutefois, il n’existe pas de profil type de flore issue d’une condition de forte humidité. Dans ses travaux, Paic Lacaze (2016) a mis en évidence la succession des microorganismes se développant sur des matériaux de construction dans ce type de condition. Par exemple, la production de composés azotés par des bactéries initialement présentes permettrait le développement par la suite de certains champignons. De nombreux facteurs seraient impliqués dans la dynamique de colonisation d’un support, comme la nature du matériau, ses propriétés physico-chimiques, les conditions environnementales ambiantes ou encore les communautés microbiennes présentes, notamment à travers les interactions néfastes entre microorganismes (champignons – champignons ou bactéries – champignons) avec la production de molécules antagonistes.

Pour les bactéries, les organismes majoritairement identifiés sur des zones humides dans les bâtiments sont des bactéries à Gram positif (Rintala et al., 2008) et en particulier des Actinobacteria, comme Streptomyces (Rintala et al., 2002, 2004), et des mycobactéries (Andersson et al., 1997; Torvinen et al., 2006). De plus, le type de communauté bactérienne sur les surfaces humides intérieures est très souvent relié à la contamination fongique (Hyvärinen et al., 2002; Pitkäranta et al., 2008; Torvinen et al., 2006).

Dans certaines conditions environnementales, les microorganismes présents dans l’habitat peuvent se développer de manière importante. Cela peut par la suite conduire à une dégradation de la qualité de l’air, et impliquer alors des risques pour la santé des habitants.

2.3.3. Qualité de l’air et impacts sanitaires