• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 Etude bibliographique : la flore microbienne associée aux constructions en

2.1. La terre crue : diversité des constructions et origine du regain d’intérêt

2.1.4. Intérêts de la terre crue dans le bâtiment

Bien que la terre crue soit en grande partie abandonnée depuis la moitié du XXème siècle, ces dernières décennies ont vu naître un fort regain d’intérêt pour ce matériau. En effet, l’utilisation de la terre crue en tant que matériau de construction présente de multiples avantages. Tout d’abord, comme cela a été montré précédemment, la terre est la base d’une multitude de techniques de construction, témoignant de sa souplesse d’utilisation et de la versatilité du matériau. Du point de vue performance thermique, la terre possède une inertie particulièrement élevée. Il lui est possible de stocker la chaleur lorsque celle-ci est élevée dans l’habitat, en journée par exemple. La chaleur accumulée peut donc ensuite être restituée lorsque la température diminue, améliorant ainsi le confort intérieur (Minke, 2006). La quantité de chaleur que peuvent emmagasiner les murs est notamment dépendante de leur épaisseur. En ce qui concerne l’isolation thermique, l’utilisation de matériaux avec inclusion biosourcée, tels que le terre-paille, présente d’excellentes performances (Binici et al., 2007; Laborel-Préneron et al., 2016). L’ajout de fibres permet d’alléger le matériau, notamment en emprisonnant de l’air lorsque la paille est recouverte d’argile. Le matériau voit sa masse volumique diminuer, et l’air étant un très bon isolant, sa conductivité thermique diminue également, permettant ainsi d’obtenir un matériau aux performances d’isolation élevées. En plus d’isoler le bâtiment et de réguler la chaleur intérieure, la terre permet une excellente régulation de l’humidité de l’air intérieur (Pacheco-Torgal and Jalali, 2012). Lorsque

- 32 -

l’humidité intérieure devient très importante, l’eau présente dans l’air est en partie absorbée par les particules d’argile contenues dans la terre. Lorsque l’humidité de l’air décroit, les murs désorbent l’eau stockée, ce qui contribue au maintien de l’humidité intérieure. Ainsi, des blocs d’adobe peuvent absorber près de 10 fois plus d’humidité que des briques céramiques (Minke, 2000). Dans certains cas, les matériaux à base de terre crue peuvent même se révéler plus efficaces que la ventilation pour réguler l’humidité intérieure (Morton, 2010). Cette capacité de sorption, supérieure à celle des autres matériaux de construction, permet à la terre d’assurer un confort à travers la régulation de l’humidité de l’air intérieur. La terre présente également, de par sa forte composition minérale, une bonne résistance au feu (Pignal, 2005). De plus, l’ajout de fibres végétales au sein d’un matériau terre n’augmente l’inflammabilité de celui-ci que si les fibres ajoutées sont de grande taille.

Les matériaux à base de terre crue présentent également des intérêts écologiques et économiques. Les matériaux de construction conventionnels comme le béton nécessitent une extraction des matériaux, une transformation très énergivore et polluante, puis un transport qui, une fois cumulés, associent à ces matériaux un impact carbone et une consommation d’énergie importants, à travers les émissions de gaz à effet de serre et un gaspillage des ressources naturelles (González and García Navarro, 2006). Lorsque la terre crue est utilisée dans le bâtiment, elle est très souvent extraite à proximité du site de construction, diminuant fortement l’impact environnemental du transport. De plus, la terre, la paille ou encore la pierre peuvent être utilisées sans processus de transformation physique (cuisson) ou chimique. Tous ces aspects permettent d’obtenir un matériau ayant un coût carbone très faible. Enfin, le recyclage de ces matériaux est beaucoup plus facile à mettre en place que pour d’autres matériaux de construction comme l’acier ou le béton. La terre crue représente donc un matériau durable à l’impact environnemental très faible. Du fait de leur forte disponibilité locale et de la faible part des processus de transformation, les matériaux à base de terre sont très peu onéreux, et présentent donc un intérêt économique (Williams et al., 2010).

Malgré ces différents intérêts, la terre crue possède certaines limites et désavantages à prendre en compte lors de la construction (Zami and Lee, 2010). Le travail et la mise en place de bâtiments en terre nécessitent une main d’œuvre, un savoir-faire et des efforts importants. De plus, la terre crue a besoin d’être humidifiée pour être utilisée, et les délais de séchage peuvent s’avérer relativement longs. Il n’est donc pas possible de travailler ce matériau sous tous les climats et à toutes les saisons. Cet aspect de la saisonnalité du travail de la terre la

- 33 -

rend moins flexible à utiliser que d’autres types de matériaux. Par ailleurs, les résistances mécaniques et les charges supportées par la terre crue sont moins élevées que celles supportées par des matériaux plus conventionnels comme le béton. Il est alors nécessaire de mettre en œuvre des épaisseurs plus importantes, ce qui peut éventuellement diminuer les espaces de l’habitat. Les structures en terre sont également plus sensibles aux catastrophes naturelles comme les séismes. Un autre défaut majeur de la terre est sa sensibilité à l’eau, celle-ci pouvant dégrader le matériau et altérer ses performances (Pignal, 2005). La terre peut être le siège de remontées capillaires du sol, le mur pouvant rapidement être saturé en eau, ou à des intempéries et ruissellement sur la face extérieure du bâtiment. Des stabilisateurs comme la chaux ou une cuisson des adobes peuvent être utilisés, mais ils impactent alors le bilan carbone du matériau. Pour lutter contre les remontées capillaires, des soubassements constitués de pierre ou de brique peuvent être érigés, bloquant ainsi les éventuelles remontées d’humidité du sol. Une autre possibilité consiste à drainer le sol à proximité du mur. Concernant la face extérieure, il est important de prendre en compte lors de la conception de l’habitation les vents et pluies dominants de la région, pour anticiper quels murs seront à renforcer pour résister aux intempéries. De plus, les murs en terre nécessitent des débords de toiture suffisamment grands pour éviter le ruissellement de l’eau sur les murs. Un autre risque potentiel est la contamination et le développement de microorganismes à la surface des matériaux en terre crue. Par exemple, l’ajout de fibres peut avoir un impact sur la sensibilité du matériau aux microorganismes (Röhlen and Ziegert, 2013), les fibres apportant à la fois une source de carbone disponible pour la croissance des microorganismes mais également leurs propres flores bactériennes et fongiques. Dans certains cas, les matériaux en terre sont séchés à des températures supérieures à la température ambiante afin de réduire le temps de séchage. Röhlen et Ziegert (2013) suggèrent que des températures supérieures à 80°C seraient normalement suffisantes pour éliminer les microorganismes contenus dans les matériaux avec inclusion biosourcée, les rendant moins susceptibles au développement fongique. En cas de forte humidité, que cela soit lors de la mise en œuvre, suite à une mauvaise gestion de l’humidité intérieure ou suite à un dégât des eaux, des moisissures risquent de se développer dans le bâtiment. Il a été observé que ce développement est plus important sur les matériaux biosourcés que sur les matériaux sans ajout végétal (Hoang et al., 2010).

La prolifération des microorganismes à la surface des matériaux de construction en terre crue, biosourcés ou non, reste un risque assez mal caractérisé. L’apparition et le développement de moisissures sur des matériaux en terre crue contenant des fibres végétales

- 34 -

ont déjà pu être observés (Gomes et al., 2012), par exemple sur des panneaux de terre- chènevotte (Flament, 2013) ou sur des murs de terre-paille après retrait du coffrage, en particulier à l’intérieur des bâtiments peu ventilés (Marcom, 2011). Le développement de microorganismes comme des moisissures à l’intérieur des bâtiments est un problème important à prendre en compte, car il implique une dégradation de la qualité de l’air intérieur et des risques sanitaires pour les habitants (Verdier et al., 2014).

2.2. Méthodes d’évaluation et de caractérisation des flores environnementales