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de l’hydrométrie

4.2.1 Méthode de propagation analytique des incertitudes (méthode

ascendante)

L’estimation de l’incertitude de mesure telle que proposée par le GUM (JCGM, 2008a) est

la méthode de référence et se développe en quatre phases :

1. Analyse du processus de mesure. La première étape consiste à définir le mesurande, noté

Y. Puis les différentes grandeurs d’influence, appelées « grandeurs d’entrée » et notées

Xi (avec i= 1,· · · ,N), sont listées. On note ensuite f le modèle mathématique qui relie

le mesurande aux grandeurs d’influence selon l’équation 4.1.

Y =f(X1,X2,...,XN) (4.1)

2. Calcul des incertitudes-types. L’incertitude-type u(xi)de chaque grandeur d’influence est

estimée par des méthodes d’évaluation de type A et/ou de type B, exposées à l’annexe A.

Les éventuelles covariances entre grandeurs d’influence, notées u(xi,xj) sont également

estimées.

3. Détermination de l’incertitude composée. On applique une loi de propagation des

incer-titudes. Une manière simple, utilisée dans le GUM, consiste à utiliser un développement

limité du premier ordre (développement de Taylor), c’est-à-dire à remplacer la loi f par

sa tangente locale pour estimer la propagation de l’incertitude selon l’équation 4.2.

u2c(y) =

N

X

i=1

∂f

∂xi

2

u2(xi) + 2

N−1

X

i=1

N

X

j=i+1

∂f

∂xi

∂f

∂xj

u(xi,xj) (4.2)

oùu(xi,xj)désigne la covariance entre les variablesxi etxj,yl’estimation de la grandeur

Y.

Dans les cas impliquant une non–linéarité importante dans le modèle de mesure,

l’équa-tion 4.2 est élargie pour inclure des termes d’ordre plus élevé.

4. Détermination de l’incertitude élargie. Le résultat de mesure est exprimé avec son

incer-titude élargie à partir d’un facteur d’élargissement. Il est habituel de représenter

l’incer-titude de mesure par un intervalle de confiance à 95%. C’est ce que préconise d’ailleurs le

Hydrometric Uncertainty Guidance (ISO, 2007c). Il est généralement admis que la loi de

distribution de la variable de sortie esta priori une gaussienne en application du théorème

Central Limite. L’incertitude élargie est alors obtenue en multipliant l’incertitude–type

par un coefficient d’élargissementkégal à 1,96 (en pratique,kest arrondi à 2) représentant

deux écarts–types autour de la moyenne, dans le cas d’une loi normale.

Ce processus se base donc sur deux hypothèses fondamentales. La première hypothèse porte

sur la validité de la loi de propagation de l’incertitude. On suppose en effet que le modèle

mathématique du processus de mesure est bien approché par un développement en série de

Taylor à l’ordre 1, c’est-à-dire que les hypothèses de linéarité et de dérivabilité du modèle sont

acceptables et que les incertitudes-types u(xi) sont petites comparativement aux valeurs des

variablesxi. Bien qu’il soit possible d’utiliser un développement de Taylor au-delà de l’ordre 1,

l’application de la formule de propagation peut devenir compliquée avec le calcul de toutes les

dérivées partielles du modèle.

Ensuite, l’utilisation d’un facteur d’élargissement k = 1,96 est basée sur l’hypothèse que la

distribution de la variable de sortie est gaussienne. Le calcul de l’incertitude élargie devient

bien plus complexe si cette hypothèse n’est pas valable. Il est également généralement admis

que les erreurs de mesure suivent une distribution gaussienne (ou au moins unimodale).

L’avantage de ce type de méthode est qu’il est alors possible de décomposer les sources

d’incertitude mettant en évidence celles qui contribuent le plus à l’incertitude finale de la

mesure. Ainsi, il est possible de modifier par exemple sa stratégie d’échantillonnage afin de

réduire l’incertitude.

4.2.2 Méthode par propagation des distributions

Dans certains cas, les hypothèses d’application du GUM ne sont pas satisfaites (linéarisation

du modèle inadéquate ou densité de probabilité pour la grandeur de sortie non gaussienne).

En complément du GUM, le supplément 1 (JCGM, 2008b) a été édité afin de proposer une

nouvelle approche pour l’estimation des incertitudes de mesure. Il propose la propagation des

distributions des variables d’entrée à travers un modèle mathématique du processus de mesure

par une approche numérique (Monte-Carlo) comme suit :

1. Analyse du processus de mesure. La première étape est commune à la méthode analytique

des incertitudes (voir équation 4.1).

CHAPITRE 4. LES INCERTITUDES EN HYDROMÉTRIE

2. Choix des distributions pour chaque variable d’entrée. Cette étape consiste à associer à

chaque grandeur d’entrée une distribution simple (normale, rectangulaire, triangulaire. . .).

3. Génération de M réalisations de chaque grandeur par tirage dans leur densité de

proba-bilité. Il est préconisé de réaliser 106 tirages grâce à un générateur de nombres

pseudo-aléatoires.

4. Construction de la distribution empirique du mesurande. Le calcul des M valeurs de la

grandeur de sortie par l’application du modèle mathématique (équation 4.1) permet de

construire la densité de probabilité du mesurande. L’incertitude est alors obtenue en

utilisant l’espérance mathématique et l’écart-type des simulations de Monte-Carlo.

Cette méthode suppose la connaissance de la forme de la distribution de chacune des

gran-deurs d’intérêt.

4.2.3 Méthode par essais interlaboratoires (méthode descendante)

Les essais interlaboratoires présentent un intérêt pour quantifier les incertitudes d’une

mé-thode de mesuredans des conditions données (Blanquart, 2013). Ils sont généralement utilisés

dans les domaines de la chimie ou de la biologie pour lesquels certains processus de mesure ne

sont pas aisément modélisables. Cette méthode consiste à mesurer plusieurs fois une même

grandeur (supposée constante et stable dans le temps) et par plusieurs laboratoires. Elle est

encadrée par quatre référentiels normatifs :

• La norme ISO 5725–2 (ISO, 1994b) permettant de quantifier les performances de la

mé-thode, en termes de répétabilité et de reproductibilité,

• la norme ISO 21748 (ISO, 2005a) établissant un lien entre les résultats précédents et

l’incertitude de mesure telle que définie dans le GUM,

• la norme ISO 13528 (ISO, 2010) détaillant les différentes procédures statistiques à

appli-quer et permettant de déterminer l’incertitude associée à la valeur de référence calculée

sur l’ensemble des laboratoires.

• la norme ISO 5725–1 (ISO, 1994a) afin de déterminer les incertitudes associées aux

esti-mations de répétabilité et de reproductibilité.

La méthode se base sur le modèle général suivant (ISO, 1994b)1 :

Y =µ+δ+B++Xcixi (4.3)

oùY désigne le résultat expérimental (par exemple l’estimation du débit), µest la valeur vraie

du mesurande, δ dénote le biais de la méthode de mesure,B est la composante laboratoire du

biais (erreur systématique), est l’erreur aléatoire de la mesure et P

cixi constitue l’ensemble

des sources d’erreur non quantifiées lors des essais interlaboratoires.

En se basant sur l’utilisation d’une seule méthode de mesure et en établissant un protocole

commun (c’est-à-dire que certaines sources d’erreur ne s’expriment pas), on peut simplifier

l’équation 4.3 en :

Y =m+B + (4.4)

où l’on considère quemest la moyenne de l’ensemble des résultats de l’essai, soit une

approxima-tion de la valeur vraie du mesurandeµdans l’équation 4.3 etB le biais de la méthode de mesure.

1. Les notations utilisées sont issues des normes présentées ici, elles diffèrent des notations classiquement

utilisées en mathématiques.

Les termes B et peuvent être considérés comme des réalisations de variables aléatoires

suivant respectivement une loi normale d’écart-type σL et σr, en faisant l’hypothèse que les

variables ne sont pas corrélées. Le terme m étant supposé avoir une variance nulle puisque sa

valeur est constante, l’additivité des variances permet d’estimer la variance du résultat

(l’écart-type de reproductibilité, noté sR) à partir des écarts-types empiriques de répétabilité (sr) et

interlaboratoires (sL) tel que :

s2R =s2r+s2L (4.5)

Soient i = 1,· · · ,p et k = 1,· · · ,ni les indices respectifs du laboratoire (ou participant) et

de la répétition de la mesure. L’écart-type de répétabilité, sr, est calculé à partir des

écarts-types empiriques si des ni répétitions de la mesure Yi,k donnée par chaque participant i, selon

l’équation suivante :

s2r =

p

X

i=1

(ni −1)s2i

p

X

i=1

(ni−1)

avec s2i = 1

ni −1

n

i

X

k=1

(Yi,k−Yi)2 (4.6)

oùYi désigne la moyenne des k répétitions de mesure du laboratoire i, Yi.

Lorsque les mesures ne sont répétées que deux fois (cas où ni = 2), l’écart-type est estimé

comme suit :si =|Yi,2 −Yi,1|/√

2.

L’estimation de la variance interlaboratoires, s2

L, qui caractérise la dispersion des résultats

moyens entre les laboratoires, est calculée comme :

s2L= s

2

d−s2

r

n avec s

2

d= 1

p−1

p

X

i=1

ni(Yi−Ymoy)2 et n= 1

p−1

p

X

i=1

ni−

p

X

i=1

n2i

p

X

i=1

ni

(4.7)

Lorsque sd < sr, on pose sL = 0. Ymoy désigne la moyenne de l’ensemble des mesures (toutes

répétitions et tous laboratoires confondus).

La norme ISO 5725 (ISO, 1994a) fournit une description très détaillée quant au traitement

des résultats des essais et propose des tests statistiques à appliquer pour vérifier l’homogénéité

et la cohérence des résultats de mesure (il s’agit notamment des statistiques hetkde Mandel).

La norme ISO 13528 (ISO, 2010) permet enfin d’exprimer l’incertitude-type combinéeu(Q)

à partir de sR comme :

U(Q) = k

q

s2R+u2(ˆδ) =k

q

s2

r+s2L+u2(ˆδ) (4.8)

avec k, le facteur d’élargissement et u(ˆδ)l’incertitude sur l’estimation du biais de la technique

de mesure.

Le biais de la méthode de mesure δ peut être estimé par comparaison avec une mesure de

référence dont l’incertitude doit être au moins 3 à 10 fois plus petite que la technique de mesure

étudiée (ISO, 2010).

CHAPITRE 4. LES INCERTITUDES EN HYDROMÉTRIE

4.2.4 Autres méthodes

D’autres techniques d’estimation d’incertitude sont utilisées en hydrologie mais ne sont

pas évoquées dans ces travaux. Il s’agit par exemple de la méthode Generalized Likelihood

Uncertainty Estimation (GLUE) introduite par Beven et Binley (1992). Cette méthode est

particulièrement adaptée pour évaluer l’incertitude des modèles hydrologiques dont la difficulté

majeure est de reproduire des processus naturels.

On peut également évoquer l’utilisation des ensembles flous pour modéliser l’incertitude

(Shres-tha et Simonovic, 2010).

Dans le domaine de l’hydrométrie, des approches basées sur le théorème de Bayes sont

utilisées notamment pour le tracé des courbes de tarage (par exemple : Moyeed et Clarke,

2005; Le Cozet al., 2014b). Le théorème de Bayes est utilisé pour mettre à jour ou actualiser les

estimations d’une probabilité ou d’un paramètre quelconque, à partir des observations et des lois

de probabilité de ces observations. Cette approche permet ainsi de faire évoluer l’estimation de

l’incertitude dès qu’une nouvelle information est disponible. Le résultat de l’analyse bayésienne

fournit à la fois une valeur estimée des paramètres de la courbe de tarage et une distribution (a

posteriori) des paramètres. Cette distribution représente directement l’incertitude d’estimation

des paramètres de la courbe de tarage

4.2.5 Synthèse

Les approches classiques d’estimation d’incertitude dans le domaine de l’hydrométrie peuvent

être résumées dans le schéma présenté à la figure 4.2.

Figure 4.2 – Synthèse des différentes approches d’estimation des incertitudes et guides

asso-ciés, adaptée de Blanquart (2013).

On distingue deux approches à savoir l’approche ascendante basée sur la propagation

(analy-tique ou numérique) des sources d’incertitude affectant le mesurande et l’approche descendante

qui se base sur les estimations de répétabilité et de reproductibilité lors d’essais

interlabora-toires.

et en fonction des moyens pouvant être mis en œuvre. On qualifie généralement les méthodes

de propagation des incertitudes (analytique ou numérique) de méthodes de référence car elles

permettent de déterminer l’incertitude d’une seule mesure. La technique des essais

interlabo-ratoires permet, quant à elle, de quantifier la justesse et la reproductibilité de la méthode de

mesure, dans les conditions des essais.

Chacune de ces méthodes présente des limites et il est intéressant de les confronter en vue

d’obtenir l’estimation de l’incertitude la plus pertinente possible. Les essais interlaboratoires

peuvent ainsi mettre en évidence des sources d’incertitude omises dans l’application de la

mé-thode par propagation analytique.