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La discipline qui traite des processus qui régissent le fonctionnement des cours d’eau (la

dynamique fluviale) ainsi que des formes qui en résultent (la morphologie fluviale) se nomme

l’hydromorphologie fluviale. Des éléments de cette discipline sont exposés ci-dessous, ils

s’ap-puient sur l’ouvrage de Malavoi et Bravard (2010). Ces éléments permettent de mettre en

évidence les phénomènes à l’origine des morphologies variées des cours d’eau (la variabilité des

caractéristiques géométriques des sections en travers, décrite à la section 1.3.1) et les

consé-quences sur la distribution des vitesses dans une section en travers (voir la section 1.3.2).

Le fonctionnement hydromorphologique d’un cours d’eau est complexe puisqu’il est soumis

à des variables de deux types (Schumm, 1977) :

• Les variables de "contrôle" que sont le débit liquide et le débit solide. Le débit liquide

dépend principalement des conditions météorologiques et des caractéristiques physiques

du bassin versant (dénivellation et nature du sol par exemple). Ce débit liquide possède

une influence sur le débit solide puisqu’il donne la puissance nécessaire aux phénomènes

d’érosion et de transport solide. Le débit solide dépend également de la pédologie, de la

couverture végétale des sols (qui freine l’érosion) et de la géologie des surfaces drainées

par les écoulements.

• Des variables de "réponse" comme la largeur, la sinuosité et la pente locale du tronçon

de rivière qui traduisent les ajustements de la rivière face aux changements des variables

de contrôle. Ces changements peuvent être d’origine naturelle ou d’origine anthropique.

Dans des conditions naturelles stables (en termes notamment de climatologie et de

cou-verture de sol), le système tend vers un équilibre stable. La dynamique fluviale peut alors

se résumer comme «un ajustement permanent de la morphologie du cours d’eau, autour de

conditions moyennes, par le biais des processus d’érosion-dépôt » (Malavoi et Bravard, 2010).

1.3.1 Sur les sections en travers

Les fluctuations des variables de contrôle engendrent des ajustement des variables de réponse

comme le profil en long du cours d’eau. En complément de cet ajustement, le cours d’eau

possède une certaine "mobilité" lui permettant d’ajuster plus ou moins rapidement sa géométrie

en travers aux fluctuations des variables de contrôle. Les cours d’eau sont ainsi capables de

développer une géométrie en travers adaptée aux conditions locales d’apport en débits liquide

et solide. La géométrie en travers est donc très variable sur le linéaire d’un cours d’eau. La

figure 1.7 montre la variabilité des sections en travers selon leur position sur le cours d’eau.

La nature de la charge grossière transportée (les particules de taille généralement supérieure

à celle du sable) conditionne, en grande partie, la nature du profil bathymétrique en une section

donnée. Lorsque les particules sont fines (du sable par exemple), le profil bathymétrique sera

plutôt lisse. A l’inverse, des éléments transportés plus gros (rochers par exemple) participeront

à la nature irrégulière de la section en travers.

On observe que les sections fluviales sont très aplaties avec des rapports d’aspect B/Dtrès

grands.

1.3.2 Sur les profils de vitesses

Les équations présentées précédemment (équations 1.9 et 1.11) traduisent des profils

théo-riques verticaux de vitesse sur un bief rectiligne. Cette hypothèse de bief rectiligne n’est

cepen-CHAPITRE 1. NOTIONS FONDAMENTALES

Figure 1.7 – Exemple de sections en travers sur un bassin versant. Source : The British

Geographer.

dant pas justifiée en milieu naturel. La présence de méandres, de confluents ou d’obstacles tels

que des gros rochers ou des ouvrages artificiels perturbent en effet la distribution théorique des

vitesses dans la section en travers. La rugosité et les irrégularités du fond, dues aux phénomènes

de transport solide, affectent également les profils verticaux de vitesse. En plus de modifier la

composante principale de la vitesse (selon l’axez), les irrégularités du profil bathymétrique d’un

tronçon de rivière ou la présence de singularités provoquent l’apparition de courants secondaires

(dont la composante de vitesse apparaît selon les axes x ety), participant aux phénomènes de

turbulence. On note toutefois que, dans une section en travers d’un cours d’eau, la distribution

latérale des vitesses (composante principale selon l’axe z) est généralement plus lissée que le

profil bathymétrique.

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Besoins et enjeux des mesures de débit

2.1 La connaissance du débit, outil clé de gestion de la

ressource en eau

L’eau est à l’origine de la vie sur la Terre et donc de la naissance de l’homme. La maîtrise

de l’eau par l’homme a permis la naissance et le développement des premières grandes

civilisa-tions grâce à l’agriculture. L’ingéniosité de l’homme s’illustre par les systèmes d’irrigation qu’il

a développés. On peut citer, par exemple, la construction de réseaux souterrains de galeries

(appelées ganats) en Mésopotamie vers la fin du premier millénaire avant J.-C. pour acheminer

l’eau sur le plateau iranien.

L’eau, par ses propriétés, est nécessaire à la majeure partie des activités humaines.

Can-tonnée aux usages agricoles et artisanaux jusqu’au début du XVIIIe siècle, les volumes d’eau

prélevés et consommés1 par l’homme ont considérablement augmenté depuis le début du XIXe

siècle avec le développement de l’industrie. L’eau est ainsi devenue un élément-clé du

dévelop-pement des transports fluviaux, de la production d’énergie (en tant que source d’énergie pour

l’hydroélectricité et source de refroidissement des centrales thermiques ou nucléaires), de tout

type d’industries et aussi du tourisme.

On comprend alors aisément pourquoi l’homme s’est installé près des cours d’eau augmentant

de ce fait sa dépendance et sa vulnérabilité face à la variabilité temporelle de cette ressource

comme les risques de crue.

Face à l’accroissement de la population, l’augmentation des besoins alimentaires et les effets

probables du réchauffement climatique, la pression sur la ressource hydrique s’accentue

dange-reusement (Vörösmartyet al., 2000). Le Programme des Nations Unies pour le Développement

estime ainsi que 3 milliards d’individus vivront dans des pays sous "stress hydrique",

c’est-à-dire avec moins de 1700 [m3] d’eau par an et par habitant (Falkenmark et Widstrand, 1992), à

l’horizon 2050 (United Nations Development Programme, 2006).

Outre les séquelles environnementales d’une utilisation excessive de l’eau, les conséquences

so-ciétales (à l’image du fleuve Colorado dont seulement 9% de l’eau atteint l’embouchure suite

à la signature d’un traité entre le Mexique et les États-Unis (Vogel et Ketcham, 2015)),

ali-mentaires, sanitaires et économiques tendent à augmenter les conflits autour de l’"or bleu". Les

tensions géopolitiques autour des fleuves transfrontaliers en témoignent (citons par exemple les

1. On distingue bien prélèvement et consommation d’eau. Le prélèvement désigne la quantité d’eau prélevée

dans le milieu tandis que la consommation correspond à l’eau réellement utilisée (éventuellement évaporée) et

dégradée durant l’usage et qui ne retourne pas dans le milieu naturel.

cas du Nil Bleu, de la vallée du Jourdain ou encore du Tigre et de l’Euphrate). Soulignons ici

que ces tensions se transposent et s’observent à toutes les échelles spatiales (partant des conflits

entre agriculteurs à des conflits internationaux).

Dans ce contexte, le management durable des ressources en eau devient un défi de plus en plus

complexe. Pour répondre à ces enjeux, les données hydrologiques constituent le premier outil

pour aider à définir des stratégies de gestion et de management des ressources en eau. En

parti-culier les données de débit des eaux de surface (données hydrométriques), permettent de fournir

une information sur la disponibilité de la ressource en eau ainsi que sur sa variabilité dans le

temps et l’espace. Le débit est la grandeur intégratrice des variables météorologiques et des

constantes physiques d’un bassin versant. La réponse hydrologique d’un bassin versant possède

notamment l’avantage d’être mesurable en un point précis, contrairement à la variable pluie

dont la mesure n’est souvent effectuée que par échantillonnage spatial, même si aujourd’hui les

radars pallient en grande partie cet inconvénient. Les données de débit répondent à la fois à des

besoins en temps réel comme la prévision des crues et à des enjeux à plus long terme tels que

le prédimensionnement d’ouvrages face aux crues ou pour les besoins de l’irrigation, ou encore

la détection de changement de régime hydrologique dans un contexte de changement climatique.

Compte-tenu de la multiplicité des usages et usagers de l’eau, la connaissance du débit des

rivières et de ces variations permet de répondre à différents objectifs, plus ou moins

interdépen-dants. Le tableau 2.1 recense la diversité des activités nécessitant des données hydrométriques.

On souligne que la modélisation hydrologique tend à être un outil incontournable dans la gestion

des ressources en eau dans tous les domaines économiques liés à l’eau. Ces modèles nécessitent

une calibration par l’utilisation de données hydrométriques de qualité. Pour répondre à

l’en-semble de ces enjeux, le système de mesure des débits se doit d’être fiable et permettre un accès

aux données en temps réel (Stroffek, 2010). Au delà de l’aspect temps réel, de nombreuses

études ont besoin de séries chronologiques de débit, d’où la nécessité de constituer des séries

chronologiques à valeur patrimoniale (Chery et Filali, 2004).