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2.2 La gestion des ressources en eau à l’échelle française

3.1.3 Les jaugeages par exploration du champ des vitesses

Ces méthodes de mesure de débit en rivière sont les plus répandues. Elles reposent sur le

fait que la vitesse de l’écoulement et le fond de la rivière ne sont pas uniformes dans la section

transversale. Il faut alors explorer le champ de vitessesv(x,y)en réalisant des mesures de vitesse

sur un semis de points distribués horizontalement et verticalement à travers la section en travers

(d’aire mouilléeA) d’un cours d’eau et en mesurant le fond de la section afin de déduire le débit

selon l’équation suivante (Rantz et al., 1982; Herschy, 1993b) :

Q=

Z

x

Z

y

v(x,y)dxdy [m3/s] (3.3)

On précise que v(x,y)désigne la vitesse normale à l’élément de section dxd.

Les vitessesvsont localisées en abscisse (x) selon la position par rapport à la rive et en ordonnée

en fonction de la profondeur par rapport à la surface libre (y).

La qualité de la mesure dépend alors directement de la densité de l’échantillonnage des

vitesses et des profondeurs d’eau sur la section.

Courantomètre ou vélocimètre

Les premiers appareils utilisés pour mesurer les vitesses de l’écoulement sont des moulinets

mécaniques à hélice dont la vitesse de rotation est proportionnelle à la vitesse de

l’écoule-ment. Ce type d’appareil fut inventé par Woltman en 1786 (Frazier, 1974). Utilisée depuis le

XIXe siècle, cette technique reste l’une des méthodes de mesure du débit des cours d’eau les

plus répandues et les plus robustes. De ce fait, elle est généralement prise comme méthode de

comparaison quand il s’agit de qualifier d’autres méthodes de jaugeage (Olivier et al., 2009).

Si le design de cet appareil (voir figure 3.3) a évolué vers des appareils plus petits (voir

figure 3.4a), son concept n’a guère évolué, ni sa robustesse.

Figure 3.3 – Moulinet de Woltman dans sa caisse de transport. Photo A. Despax.

L’utilisation d’un contact électromagnétique (dans les années 70) est néanmoins une

évolu-tion majeure car il a quasiment supprimé les frottements. La rotaévolu-tion de l’hélice produit des

impulsions électriques détectées et comptabilisées par un compteur connecté au corps du

mou-linet. Plus récemment, des courantomètres électro-magnétiques et des courantomètres

acous-tiques à effet Doppler ont été développés (illustrés respectivement par les figures 3.4b et 3.4c).

Les premiers reposent sur l’application de la loi de Faraday. Le capteur crée un champ

ma-gnétique entre deux électrodes situées à l’extrémité de la sonde. La vitesse de l’écoulement est

alors déduite de la mesure de la force électro-motrice générée par le passage de l’eau à travers

le champ magnétique.

Les courantomètres acoustiques émettent des signaux ultrasonores via des transducteurs placés

dans la sonde. Ces impulsions sont rétro-diffusées par les particules en suspension dans l’eau qui

sont supposées se déplacer à la même vitesse que l’eau. La vitesse d’écoulement est alors

calcu-lée en mesurant le décalage de fréquence des impulsions émises et reçues par les transducteurs

(effet Doppler). Certains courantomètres permettent d’obtenir les différentes composantes du

vecteur vitesse.

Selon la nature du cours d’eau, ces dispositifs sont fixés à différents supports. Il peut s’agir

d’une perche graduée manipulée par l’opérateur directement dans l’eau pour des cours d’eau

de faible profondeur comme illustré à la figure 3.5a. Des perches profilées de plus grande taille

sont utilisées via des passerelles pour des rivières de plus grande profondeur ou pour lesquelles

les vitesses d’écoulement sont élevées. Enfin, pour des écoulements plus rapides et des rivières

larges, les courantomètres sont fixés à des saumons (poids lestés et profilés) suspendus à une

traille à demeure (figure 3.5c, dispositif permettant le déplacement d’un chariot sur un câble

tendu entre les deux berges), une cyclo-potence ou un camion jaugeur (figure 3.5b). Il est alors

important de bien estimer la position des points de mesure en fonction de l’angle du câble par

CHAPITRE 3. L’HYDROMÉTRIE OPÉRATIONNELLE

(a) (b) (c)

Figure3.4 – Courantomètres (a) mécanique, (b) électro-magnétique et (c) acoustique. Sources

OTT et Sontek.

(a) (b) (c)

Figure 3.5 – Différents moyens de déploiement des courantomètres (a) perche, (b) camion

jaugeur et (c) traille. Sources : A. Despax, DREAL Nord Pas de Calais et EDF-DTG.

rapport à la normale et éventuellement en fonction de la flèche du câble porteur (ISO, 2009).

Profileurs acoustiques à effet Doppler (ADCP)

Reposant sur le principe de l’effet Doppler, les profileurs acoustiques à effet Doppler ou

Acoustic Doppler Current Profiler (ADCP) sont apparus dans les années 1990 dans le domaine

de l’hydrométrie. La mise en œuvre de cette technique est plus rapide que l’utilisation de

cou-rantomètres classiques et permet une exploration plus dense du champ des vitesses (Le Coz

et al., 2008). Ce type d’appareil est fixé sur un flotteur (figure 3.6a) et dispose de plusieurs

cellules en céramique (au minimum 3, la figure 3.6b montre un ADCP à 9 céramiques).

Ces cellules émettent des trains d’ondes acoustiques dans l’eau et reçoivent le signal rétro-diffusé

par les matières en suspension se déplaçant avec l’eau. Le décalage de fréquence entre les deux

signaux permet d’estimer la vitesse de l’écoulement (par effet Doppler ou par décalage de phase)

tandis que le temps de retour de ces ultrasons permet de mesurer la profondeur des cellules de

mesure des vitesses. Lorsque le signal rencontre le fond du lit, le signal rétro-diffusé est plus

important, ce qui permet de localiser le fond. L’appareil mesure donc simultanément sur une

verticale la profondeur et les vitesses de l’écoulement à plusieurs profondeurs. La fréquence des

ultrasons émis varie selon les modèles (généralement entre 300 et 3000 kHz). Plus la fréquence

des ondes est faible et plus l’appareil sera capable de mesurer des vitesses profondément. A

l’in-verse, lorsque la fréquence est élevée, l’appareil ne peut mesurer que sur une faible profondeur,

mais il est alors possible de mesurer des vitesses sur des cellules de plus petite taille. Une partie

non négligeable de l’écoulement n’est pas mesurée en surface, au niveau des berges et au fond

impliquant des extrapolations dans ces zones (figure 3.6c).

(a) (b)

(c)

Figure 3.6 – Un ADCP de type M9 (b) sur flotteur au cours d’une mesure sur la Roya (a).

(c) Exemple de profil latéral obtenu avec un ADCP sur le Rhône à Chavanay, le 06/08/2014

(extrait du logiciel River Surveyor). Les zones blanches en surface, au fond et au niveau des

berges correspondent à des zones non mesurées. Les carrés colorés correspondent aux cellules de

mesure de vitesse. Sources : A. Despax et Sontek.

L’appareil est capable de mesurer son déplacement par rapport au fond (bottom tracking).

Il est également possible de coupler l’appareil à un système de positionnement externe (GPS)

pour mesurer le déplacement lorsque le fond de la rivière est mobile ou à un sondeur acoustique

pour localiser avec précision le fond.

Le mode de déploiement peut être mobile ou stationnaire (verticale par verticale). L’ouvrage

de Le Coz et al.(2008) fournit un approfondissement complet, en français, sur les mesures par

profileur Doppler.

Exploration du champ des vitesses de surface

Des méthodes non intrusives, reposant sur le principe de l’exploration partielle du champ

des vitesses, ont été développées afin de diminuer l’exposition aux risques pour les opérateurs

et le matériel en cas de crue. Bien que reposant sur des innovations technologiques récentes,

le principe de ces techniques remonte à l’une des premières techniques de jaugeage au flotteur

CHAPITRE 3. L’HYDROMÉTRIE OPÉRATIONNELLE

développée par Léonard De Vinci dans le Codice Atlantico (De Vinci, 1904) à la fin du XVe

siècle. Il est en effet possible d’utiliser des flotteurs afin d’estimer les vitesses de surface de

l’écoulement. Dans ce cas, un coefficient permettant de relier la vitesse de surface à la vitesse

moyenne doit être estimé et la bathymétrie mesurée.

La méthode par radar de surface (Surface Velocity Radar (SVR), figure 3.7a.) permet

éga-lement de mesurer les vitesses de surface de l’écouéga-lement (Dramais et al., 2013b; Welberet al.,

2016). Comme pour les mesures avec flotteur, le calcul du débit nécessite la connaissance de la

bathymétrie et du coefficient permettant de déduire la vitesse moyenne.

Les développements dans le domaine de l’analyse d’image ont permis, à partir de film vidéo

(figure 3.7b.), d’estimer les vitesses de surface d’un écoulement (Hauet et al., 2008b) pour en

déduire le débit. Des vidéos amateurs (Le Boursicaud et al., 2014) ou des caméras installées

à demeure près d’une station hydrométrique permettent ainsi de répondre à la difficulté des

hydromètres de se rendre immédiatement sur site pour réaliser un jaugeage. L’installation de

caméras ouvre la voie à l’acquisition de mesures de débit à plus haute fréquence (Hauet et al.,

2009). Cette technique est néanmoins assez incertaine pour la mesure de débits usuels et son

intérêt réside plutôt dans l’estimation des hauts débits (Hauet et al., 2008a).

(a) (b)

Figure3.7 – Un SVR (a) au cours d’une mesure sur l’Arc et (b) exemple de traitement d’image

réalisé par le logiciel FUDAA-LSPIV. Sources : A. Despax et Hauet (2006).